Question au Gouvernement n° 1937 :
mer et littoral

11e Législature

Question de : M. Serge Poignant
Loire-Atlantique (10e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 15 mars 2000

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le 22 février dernier, mon collègue François Fillon vous a interrogée à propos d'une rumeur, selon laquelle le produit échappé des cales de l'Erika sur la côte atlantique aurait été dangereux pour la santé de ceux qui le ramassaient.
Dans votre réponse, vous aviez soigneusement évité d'employer le mot «cancérogène», alors que vous saviez parfaitement que les premières analyses d'un laboratoire indépendant avaient révélé la présence de benzopyrène ou autres hydrocarbures aromatiques polycycliques, en eux-mêmes substances cancérogènes. La contre-expertise que vous avez demandée à l'INERIS, Institut national de la protection de l'environnement industriel et des risques, sur des échantillons prélevés sur la plage de La Baule le 15 février, n'a d'ailleurs fait que confirmer ces premières analyses.
Certes, l'INERIS ajoute que les risques pour les bénévoles sont faibles, compte tenu des temps d'exposition au produit. Mais vous savez que, même si cette précision d'importance s'avère réelle, l'émotionnel l'emporte toujours sur le rationnel.
Certes, le directeur du CEDRE affirme que les bénévoles n'ont pas à s'inquiéter. Je ne m'en réjouis pas moins que notre collègue Daniel Paul, président de la commission d'enquête sur l'Erika, vienne de décider des auditions en urgence sur l'éventuelle toxicité du produit.
Madame la ministre, ma question est triple.
D'abord, pourquoi n'avez-vous pas vous-même commandé très vite, et non un mois et demi après la catastrophe, une analyse du produit ?
Ensuite, pourquoi, si vous aviez connaissance ou simple suspicion de la présence de composants cancérogènes, n'avez-vous pas joué la transparence et ordonné de prendre très vite un maximum de précautions ?
M. Jean Ueberschlag. Scandaleux !
M. Serge Poignant. Enfin, sachant que je souhaite sincèrement qu'aucune personne exposée n'ait à subir de conséquences fâcheuses, que comptez-vous faire pour vous en assurer concrètement ? Avez-vous l'intention de répondre à la demande du conseil régional des Pays de Loire, qui juge indispensable un suivi médical épidémiologique ? Comment entendez-vous rassurer les centaines de bénévoles qui sont venus nettoyer nos plages et à qui je rends à nouveau hommage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser dire que nous n'aurions pas commandé d'analyses. En effet, cette demande a été formulée dès le lendemain du naufrage de l'Erika. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Thierry Mariani. Vous étiez en vacances !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Les analyses ont été confiées à l'Institut français du pétrole et au CEDRE qui ont très rapidement communiqué les informations dont ils disposaient au centre antipoison de Rennes et aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales, lesquelles, dès le 21 décembre, ont été en mesure d'élaborer une liste de précautions d'usage à diffuser largement sur les plages. Dès le 25 décembre, vous le savez, j'ai moi-même relayé ces consignes.
Simplement, quand nous avons eu connaissance de rumeurs ou d'éléments d'information complémentaires qui portaient sur deux questions différentes: la composition réelle du fioul et l'impact sur la santé...
M. Pierre Lellouche. Vous l'avez nié ici-même !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... nous avons décidé, Dominique Gillot et moi-même, de commander des expertises complémentaires pour ne pas prendre le moindre risque à l'égard des bénévoles qui travaillaient sur les plages et à l'égard des professionnels. Vous me permettrez en effet de penser qu'il n'y a pas de motifs pour exposer davantage la santé des pompiers, des militaires, des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux que celle des bénévoles.
Je veux bien qu'on considère comme un fait acquis non discutable que l'émotionnel doive systématiquement l'emporter sur le rationnel. Moi je considère que, compte tenu de la composition du produit, nous avons rapidement, systématiquement, de façon itérative («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) diffusé les précautions à respecter pour réduire au maximum le risque lié à l'exposition.
Au demeurant, monsieur le député, je me suis trouvée, à Vannes, en face de certains d'entre vous qui me pressaient d'annoncer qu'il n'y avait pas de risque et me disaient qu'il fallait avant tout rassurer les bénévoles pour ne pas les démobiliser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Odette Grzegrzulka. C'est un menteur !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'ai refusé de le faire et je suis fière d'avoir refusé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
La responsabilité des acteurs de santé publique n'est pas de diffuser en l'état les données pharmacologiques et physiopathologiques. Elle est de formuler des recommandations claires, permettant de réduire au maximum le risque. C'est ce qui a été fait.
Je tiens à votre disposition - sur papier, puisque, apparemment vous n'avez pas consulté le site Internet du ministère - les documents qui, systématiquement, au fur et à mesure, sont rendus publics en ce qui concerne la composition du fioul.
M. Jacques Godfrain. C'est ici qu'il fallait en faire état !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. L'INERIS et le bureau néerlandais RIVM ont confirmé que, moyennant le respect des règles de sécurité, le risque est décidément mineur pour les bénévoles.
Cela dit, monsieur le député, nous n'avons pas attendu les conseils de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - «Très bien !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste) pour commander un suivi biologique médical et sanitaire des bénévoles. Nous avons engagé cette démarche dès le mois de janvier, car nous avions eu connaissance de quelques conséquences des opérations de nettoyage des plages: maux de tête, allergie, etc. Ce suivi épidémiologique existe bel et bien.
Enfin, il n'est pas raisonnable de laisser planer le doute sur les conditions dans lesquelles ont travaillé les bénévoles dans les cliniques pour oiseaux. En effet, Alain Bougrain-Dubourg («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), président de la LPO, et Jacques Ros, président de la Société d'études et de protection de la nature en Bretagne, ont systématiquement, consciencieusement, avec un grand sens des responsabilités, repris à leur compte et diffusé l'information sur les précautions à prendre que nous leur avions suggérées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Serge Poignant

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement

Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 mars 2000

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