agences financières de bassin
Question de :
Mme Nicole Bricq
Seine-et-Marne (6e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 26 novembre 1997
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Madame la ministre, il s'agit d'une question essentielle qui concerne tous nos concitoyens et je ne doute pas que tous les députés ici présents aujourd'hui ont ce souci de proximité avec leurs électeurs. Je veux parler en fait d'une ressource essentielle: l'eau. En effet, il n'est pas de semaine sans que l'actualité ne ramène ce sujet dans les colonnes de la presse. Naguère, il s'agissait des problèmes de contrats d'exploitation et de distribution passés avec des grands groupes privés. La semaine passée, ce sont deux rapports, l'un du Commissariat général du Plan, l'autre de la Cour des comptes, qui ont mis à jour certaines évidences qu'il fallait coucher sur le papier s'agissant des agences de l'eau.
Aujourd'hui, on observe un phénomène dangereux chez nos concitoyens. La méfiance, l'inquiétude, voire un sentiment d'inégalité ou d'injustice sont le lot commun face à de nombreuses disparités entre les communes, à de nombreux déséquilibres et in fine à des tarifs différents selon l'endroit où l'on se trouve. Il suffit même parfois de très peu de kilomètres pour que la facture d'eau passe du simple au triple.
Madame la ministre, à l'issue de la réunion annuelle des présidents de comités de bassin, vous avez fait des déclarations selon lesquelles, d'ici à quelques semaines, vous proposeriez au Premier ministre une réforme de l'intervention publique. Pouvez-vous indiquer au Parlement sur quelles orientations vous fonderez cette recommandation au Premier ministre ? Il est temps de restaurer la confiance par la transparence (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) au niveau de la distribution, de l'exploitation et de la programmation des agences. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comme vous l'avez souligné, madame la députée, deux rapports récents ont conduit à s'interroger sur la pertinence du système français des agences de l'eau.
Si je dispose à cette heure du rapport du Commissariat général du Plan.
M. François d'Aubert. De l'excellent commissaire au Plan !
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... disponible et public, il n'en est pas de même du rapport de la Cour des comptes, qui est en cours de finalisation mais qui ne manquera pas d'être rendu public dès que sa version définitive me sera parvenue.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant la conférence des présidents des comités de bassin, je ne pense pas que le système français des agences de l'eau mérite l'excès d'indignité dont l'accable le rapport du Commissariat général du Plan. En effet, nous tenons beaucoup à la planification par bassin versant qui assure la cohérence des politiques menées, ainsi qu'au fait que, dans ces agences de l'eau, tous les acteurs puissent discuter, dialoguer, travailler ensemble, qu'ils soient usagers de l'eau, membres d'associations, élus ou gestionnaires. Simplement, trente ans après la mise en place des agences, le moment paraît venu de corriger certains dysfonctionnements.
D'abord, il y a, à l'évidence, une mauvaise application du principe pollueur-payeur. En effet, certains usages de l'eau contribuent très peu à remplir les caisses des agences. Je pense notamment à des usages agricoles; je l'ai déjà dit à plusieurs reprises publiquement. Si 80 % de l'eau dans le bassin Adour-Garonne sont utilisés pour l'irrigation, 1 % seulement des redevances provient de cet usage de l'eau. (Exclamations sur les bancs du groupe du rassemblement pour la République.) De même, les centrales nucléaires bénéficient d'un abattement de 95 % de leur redevance. Il n'est pas certain que cet avantage puisse perdurer.
Une autre évolution nous paraît inquiétante. Il devient de plus en plus difficile d'assurer une sorte de solidarité financière entre les bassins et de financer les politiques d'intérêt public que sont les politiques d'étude du patrimoine ou de police de l'eau. Il nous semble important de le rappeler. Les redevances sont de l'argent public et ne sont pas la propriété de ceux qui les paient. C'est pourquoi nous souhaitons faire des propositions qui seront soumises aux présidents des comités de bassin. Elles feront l'objet d'un large concertation. Parmi ces propositions figure la création d'une Haute Autorité de l'eau (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) qui serait notamment chargée de rendre publics des éléments relatifs à la constitution du prix de l'eau et au caractère polluant des différents usages de l'eau. Je crois beaucoup à cette idée d'une Haute Autorité qui pourrait éclairer le débat.
Je crois aussi beaucoup à la participation des agences au financement d'actions d'intérêt général, notamment à la police de l'eau. Aujourd'hui, sept acteurs publics sont responsables de celle-ci. L'émiettement des forces explique, pour une part, l'inefficacité relative du dispositif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : Mme Nicole Bricq
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Eau
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 1997