financement
Question de :
M. Denis Jacquat
Moselle (2e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 23 mars 2000
M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
M. Denis Jacquat. Ma question étant d'intérêt général, je la pose au nom des groupes DL, UDF et RPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Mme Odette Grzegrzulka. Impérialiste !
M. Didier Boulaud. C'est la Sainte-Alliance !
M. Denis Jacquat. Monsieur le Premier ministre, après plus de mille jours durant lesquels vous avez commandé cinq rapports et entamé différents processus de concertation, vous accouchez d'une souris.
Que nous promettez-vous ? Des concertations, mais on en fait depuis dix ans. Maintenant, il faut, pour certains, négocier, mais aucun calendrier n'est proposé ! Vous ne nous annoncez ni une réforme ambitieuse ni de vraies solutions permettant de répondre aux problèmes posés par les défis démographiques et le financement des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Alfred Recours. Et les mille milliards ?
Mme Odette Grzegrzulka. Il est amnésique !
M. Denis Jacquat. Après l'échec de la réforme des services fiscaux que vous avez voulu imposer de manière autoritaire et sans concertation, je pourrais comprendre votre prudence. Néanmoins, votre frilosité est synonyme d'immobilisme...
M. Alfred Recours. Mille milliards!
M. Denis Jacquat. ... et ne permet en rien de garantir, contrairement à ce que vous dites, les retraites de demain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
On peut être étonné qu'aucune référence n'ait été faite à l'année 2006, alors que c'est l'année qui marquera le début du papy boum, ou à l'année 2040, qui verra les jeunes âgés de vingt ans aujourd'hui arriver à l'âge de la retraite.
Monsieur le Premier ministre, il n'a jamais été question pour nous de supprimer le système actuel de retraites par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - «Si !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Didier Boulaud. Menteur !
M. le président. Un peu de silence !
Continuez, et concluez, monsieur Jacquat, je vous en prie.
M. Denis Jacquat. Je le répète: il n'a jamais été question pour nous de supprimer le système actuel de retraites par répartition. («Si !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous voulons seulement le consolider. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Notre système de retraites par répartition a bien rempli sa mission et nous devons le garder. Et précisément ne rien faire serait dangereux pour la répartition !
Par ailleurs, nous sommes pour la retraite à la carte mais contre la retraite guillotine.
Mme Véronique Neiertz. Ben alors !
M. Denis Jacquat. En refusant, au nom d'une idéologie dépassée, l'idée même de développer l'épargne retraite en optant pour un fonds de réserve, certes réservé au régime général et doté de mille milliards énigmatiques,...
M. Alfred Recours. Ce n'est pas rien !
M. Denis Jacquat. ... vous acceptez la possibilité que les retraités voient leur pouvoir d'achat baisser. J'ajoute que les sommes nécessaires pour payer les retraites de demain sont nettement sous-évaluées.
Pour nous, l'épargne retraite ouverte à tous vient compléter et non remplacer la retraite par répartition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Enfin, vous n'avez pas parlé, et c'est grave, de l'indexation des retraites, du non-remboursement par l'Etat des cotisations de retraite complémentaire aux préretraités bénéficiant du fonds national pour l'emploi et de la revalorisation du minimum vieillesse.
Plus grave encore, vous n'avez pas dit un seul mot des veuves ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Le taux de réversion et le calcul du cumul entre avantage propre et réversion doivent impérativement être revus.
Mme Véronique Neiertz. Démagogue !
M. Denis Jacquat. Quant à la prestation spécifique dépendance, nous avons toujours dit, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, qu'il s'agissait d'une première étape. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Concluez, s'il vous plaît.
M. Denis Jacquat. J'ai l'impression que certains de nos collègues manquent quelque peu de mémoire. (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nous nous accordons tous sur la nécessaire réforme de la PSD qui doit surtout être égalitaire au niveau national.
Monsieur le Premier ministre, si, hier, vous êtes resté dans le flou, c'est sans doute parce que vous souhaitiez présenter vos vraies propositions à la représentation nationale aujourd'hui. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour garantir à tous les Français le maintien de leurs retraites ? Demain, ne sera-ce pas trop tard ? Plus on attendra, plus ce sera douloureux. La France de demain sera celle des choix d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, je suis ravi de pouvoir faire écho à vos préoccupations. Ceux qui m'auront entendu hier comprendront pourquoi il m'était difficile d'insérer dans le cadre succinct des questions d'actualité les propositions et orientations que je présentais au pays. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour des questions de forme, d'abord, mais aussi pour des questions de principe: il s'agit de l'avenir des retraites des Français et je pense qu'il fallait s'adresser à l'ensemble des Français, à travers les médias de leur pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - «Les médias sont présents ici !» sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Allons, chers collègues, un peu de calme !
M. le Premier ministre. Je ne pense pas, mesdames, messieurs, que malgré le goût que vous avez pour ma parole, vous m'auriez écouté sans broncher sur vos bancs pendant cinquante minutes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En outre, présenter à l'Assemblée nationale des plans de réforme sur les retraites ne garantit pas absolument le succès, même quand on s'y fait applaudir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je suis convaincu, monsieur le député, que nous partageons les uns et les autres le même souci de garantir l'avenir des retraites des Français («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), mais il y a entre nous des différences profondes, dont les conséquences seraient également lourdes pour les Français. Des différences de méthode, des différences de conception, des différences d'approche et des différences de conception des outils à mettre en oeuvre. («Eh oui !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Vous avez posé plusieurs questions précises; vous comprendrez que, dans le laps de temps limité qui est le mien, je n'y réponde pas aujourd'hui. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Je ferai néanmoins une exception pour une de vos questions qui montre à quel point vous feriez bien de vérifier vos informations avant d'intervenir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous avez dit que je n'avais pas parlé du non-remboursement par l'Etat des cotisations de retraites complémentaires par les préretraités bénéficiant du FNE. Je n'en ai pas parlé parce que cette question est réglée. Apparemment, vous ne le saviez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - «Ce n'est pas vrai !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pendante depuis 1984, la question du non-remboursement par l'Etat n'avait pas été réglée par les précédents gouvernements. Le Gouvernement, et Mme Aubry en particulier, ont mené une négociation. Et la question est désormais réglée, à la satisfaction des partenaires sociaux... («C'est faux !» sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Michel Ferrand. Non !
M. le Premier ministre. ... et, surtout, des intéressés qui vont pouvoir, enfin, profiter de l'intégralité de leur retraite complémentaire ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
Sur un plan plus général, je disais qu'il y avait entre nous des différences profondes et notamment de méthode.
M. Francis Delattre. Ah oui, elle marche, la méthode Jospin !
M. le Premier ministre. A propos du problème des retraites, vous avez préféré, il y a cinq ans - c'est une des raisons pour lesquelles les gouvernements sont ensuite restés bloqués -, la méthode de l'annonce unilatérale des décisions. Nous préférons la méthode d'élaboration négociée des solutions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Nous avons associé les partenaires sociaux au diagnostic et nous allons les associer à la recherche des solutions.
M. Jean-Michel Ferrand. Comme pour la réforme de l'administration fiscale ?
M. le Premier ministre. Nous avons également des différences de conception. Pour l'essentiel, vous vous rattachez désormais au système de capitalisation et à la mise en oeuvre des fonds de pension. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Franck Borotra. Ce n'est pas vrai !
M. le Premier ministre. Certains d'entre vous défendent intégralement ce système, et ceux qui ne le défendent pas intégralement introduiraient les fonds de pension dans des conditions telles qu'ils déstabiliseraient le système par répartition, qui assure l'égalité entre les Français. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est pourquoi nous n'avons pas pris les décrets d'application de la loi Thomas, qui déstabilisait le système de répartition en ponctionnant sur les cotisations. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Franck Borotra et M. Rudy Salles. Ce n'est pas vrai !
M. le Premier ministre. Nous avons en outre des différences d'approche. Vous avez choisi, pour vous engager dans ce dossier, une méthode d'uniformisation des régimes.
M. Pierre Lellouche. Vous racontez vraiment n'importe quoi aux Français !
M. le Premier ministre. Nous respectons la spécificité, la diversité des régimes, même si nous voulons l'égalité et l'équité entre ceux-ci ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mme Christine Boutin. Egalité !
M. le Premier ministre. Vous êtes gênés, messieurs, vous aussi, madame Boutin ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mme Christine Boutin. Zéro ! C'est double zéro !
M. le président. S'il vous plaît, un peu de silence.
M. le Premier ministre. Enfin, nous avons des différences de conception des outils. Si nous ne sommes pas hostiles à faire appel à l'épargne des Français, nous le faisons par le biais d'un fonds de réserve. Ce n'est pas la solution d'une épargne individuelle qui dépend des revenus de chacun. («Par l'impôt ! Toujours par l'impôt !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Il s'agit d'un effort global de solidarité de la nation, au profit de l'ensemble des retraités de notre pays. Là est la différence fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Enfin, plutôt qu'un pilotage centralisé, autoritaire et technocratique, avec le Conseil d'orientation des retraites (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), nous voulons associer les partenaires sociaux à la régulation des réformes et des progrès qui devront être faits.
Monsieur le député, une fois de plus, j'ai entendu vos critiques. Une fois encore, je n'ai pas entendu de votre part, sur ce sujet comme sur d'autres, la moindre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations et «Faux ! Faux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Finalement, au-delà de votre difficulté à apporter des réponses - car si vous pouvez désormais poser des questions ensemble, vous n'êtes pas capables d'apporter des réponses ensemble aux problèmes de fond du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...
M. Jean-Michel Ferrand. C'est faux !
M. le Premier ministre. ... la vraie raison de ce mutisme,...
M. Georges Tron. Et de votre immobilisme donc !
M. le Premier ministre. ... c'est que vos propositions sur les retraites, vous ne pourriez pas les assumer devant les Français ! Nous sommes prêts à avoir ce débat avec vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Denis Jacquat
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 23 mars 2000