Question au Gouvernement n° 1996 :
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11e Législature

Question de : M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 5 avril 2000

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous interroger sur la magnifique pagaille que vous avez occasionnée dans ce pays en n'anticipant pas de manière satisfaisante la mise en place de la couverture maladie universelle. (Huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - «Tiberi ! Tiberi !» sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Le temps de parole du RPR est ce qu'il est et M. Lellouche a peu de temps pour poser sa question. Laissez-le parler, s'il vous plaît !
M. Pierre Lellouche. Cette pagaille touche en priorité les assurés sociaux. Vous n'êtes pas sans le savoir, monsieur le Premier ministre, d'après les statistiques mêmes de la Caisse nationale d'assurance maladie ce sont près de 13 millions de dossiers qui sont aujourd'hui en souffrance et, en région parisienne, les délais de remboursement atteignent des records puisqu'il faut près de sept mois pour être remboursé. Ces retards ne touchent pas seulement les assurés; ils concernent malheureusement aussi les 427 000 professionnels de santé libéraux, notamment les infirmières libérales, dont nous connaissons tous l'exceptionnelle compétence et le dévouement au service de chacun.
Vous ne le savez peut-être pas, mesdames, messieurs de la majorité, mais une infirmière libérale gagne moins de 10 000 francs par mois en ce moment à Paris, pour douze à quinze heures de travail par jour, y compris le week-end. Une piqûre est tarifée 26,30 francs, dont à peine 9 francs pour le déplacement. Or, les trois quarts des actes étant remboursés à 100 %, notamment au titre de la CMU, beaucoup d'infirmières ne sont plus payées. Dans ma circonscription, certaines d'entre elles ne l'ont pas été depuis le mois d'octobre. Nombre de ces jeunes femmes doivent désormais emprunter de l'argent à la banque pour nourrir leur famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Un député du groupe socialiste. Populiste !
M. Pierre Lellouche. Je suis navré de voir que cela ne vous intéresse pas, pourtant cela intéresse beaucoup de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre. Que comptez-vous faire...
M. Jean Auclair. Rien !
M. Pierre Lellouche. ... pour que les remboursements, tant pour les assurés sociaux que pour les infirmières et les professionnels de santé, soient effectués dans des conditions convenables ?
M. Jean Auclair. C'est l'immobilisme !
M. Pierre Lellouche. Par ailleurs, une circulaire récente de Mme Aubry invite les infirmières à traiter en priorité les personnes concernées par la CMU. Mais comment ? Avec quel matériel ? Avec quels moyens de télétransmission dès lors que vous n'êtes même pas capables de rembourser les actes que ces femmes font au service de chacun ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez-moi, monsieur le député, de rappeler deux faits que vous paraissez avoir oubliés dans votre question.
D'abord, la couverture maladie universelle, ce n'est pas une grande «pagaille»; c'est un accès aux soins gratuit pour six millions de personnes dans notre pays ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Ensuite, la Caisse nationale d'assurance maladie est gérée par le patronat et les syndicats, et le Président de la République a rappelé encore récemment combien il était important de respecter l'autonomie des partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Cela dit, arrivons-en aux faits ! Dès le mois de novembre, avant même que la CMU soit mise en place puisque, vous en conviendrez, les premiers dossiers sont arrivés début janvier dans les CPAM, il y avait dix millions d'ordonnances en retard.
M. Pierre Lellouche. Mais pourquoi ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je m'en suis inquiétée à plusieurs reprises, croyez-le bien, et j'ai demandé à la CNAM de prendre des mesures...
M. Pierre Lellouche. Qu'attendez-vous ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais ce sont les partenaires sociaux qui la gèrent ! La Caisse nationale d'assurance maladie compte 90 000 salariés. Or, à l'évidence, il y a un problème d'allocation des ressources, notamment en Ile-de-France. Comme vous, je ne me résous pas à ce retard dans les remboursements qui pose problème aux assurés et aux personnels de santé.
S'agissant de la CMU, la Caisse nationale d'assurance maladie a demandé le renfort de 1 400 personnes supplémentaires, ce qui leur a aussitôt été accordé, et il faut saluer le travail des agents des caisses primaires qui traitent, dans un esprit de service public, les demandes de couverture maladie universelle, dont 40 000 sont satisfaites par semaine.
Malgré les 20 000 contrats à durée déterminée mensuels que j'ai accordés à la Caisse nationale d'assurance maladie il y a quelques semaines, le problème de l'organisation de cette caisse reste en suspens. Je suis très heureuse que vous souleviez cette question, monsieur le député, mais je souhaiterais que vous la posiez à ceux qui la gèrent.
M. Pierre Lellouche. Vous êtes le ministre de tutelle !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais ce n'est pas moi qui gère la CNAM et vous me rappelez sans arrêt l'autonomie des partenaires sociaux ! Je leur ai rappelé leurs obligations. J'ai quant à moi pris toutes les décisions pour que la couverture maladie universelle ne porte pas préjudice au fonctionnement des caisses primaires. J'ai accordé tous les moyens qui m'ont été demandés. Mais je souhaite, tout comme vous, car le problème est grave en Ile-de-France, que des mesures soient prises et que la gestion soit plus rigoureuse pour que les assurés sociaux et les personnels de santé ne soient pas confrontés à des délais de remboursement qui, sans atteindre sept mois - là vous avez un peu exagéré -,...
M. Pierre Lellouche. J'ai parlé de cinq mois !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... sont en tout état de cause inacceptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
M. Didier Boulaud. C'est le sabotage du MEDEF !

Données clés

Auteur : M. Pierre Lellouche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Assurance maladie maternité : généralités

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 avril 2000

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