Question au Gouvernement n° 2013 :
organisation

11e Législature

Question de : M. Marc-Philippe Daubresse
Nord (4e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 6 avril 2000

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le ministre de l'intérieur, hier, en réponse à une question d'actualité, vous avez déclaré que «la police de proximité est la réponse principale donnée à l'insécurité au quotidien, grâce à une nouvelle doctrine d'emploi de la police nationale». Nous sommes restés sur notre faim.
Après l'échec des décisions qui ont suivi le colloque de Villepinte et la recrudescence des actes de délinquance des mineurs, qui vient d'être évoquée par notre collègue Chabert, le groupe UDF vous a interpellé à plusieurs reprises pour vous demander de mettre en place ce que nous appelons, sur plusieurs rangs de cette assemblée, «la tolérance zéro à la française». Cela suppose, tout le monde le sait, une réforme en profondeur de la police et de la justice de notre pays.
Le groupe UDF se réjouit donc de voir que vous prenez des dispositions tendant à la décentralisation et à l'expérimentation. Mais la décentralisation suppose d'abord la déconcentration des moyens.
Au moment où 26 000 fonctionnaires de police partent massivement en retraite et où on les remplace par 14 000 adjoints de sécurité non formés et livrés à eux-mêmes, quelle est donc, monsieur le ministre, cette «nouvelle doctrine d'emploi» de la police nationale, qui prévoit, vous l'avez dit hier, de ne redéployer que 1 200 policiers, c'est-à-dire 1 % des effectifs du ministère de l'intérieur ?
Le rapport Bauer, la Cour des comptes et, plus récemment, un rapport émanant de votre administration - de l'inspection générale de la police nationale - ont montré qu'il était urgent de réformer notre police, avec elle et non pas contre elle, pour qu'elle soit plus présente sur le terrain, aux heures les plus sensibles, et surtout avec les moyens de conduire une repression efficace contre la délinquance des mineurs, que nous évoquions à l'instant.
Votre ancien collègue, Claude Allègre, restera, à tort ou à raison, comme le ministre de la déconcentration ratée de l'éducation nationale. Ma question est simple, monsieur le ministre: quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour ne pas être le ministre de la décentralisation ratée de la police nationale ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, aucune réforme n'a été préparée avec plus de méthode que celle de la police de proximité (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), depuis que nous avons fixé cette priorité, au colloque de Villepinte. Ainsi, 67 expérimentations ont été mises en oeuvre en province, et une par la préfecture de police de Paris.
M. Thierry Mariani. Combien de succès ?...
M. le ministre de l'intérieur. Elles ont fait l'objet de trois séries d'évaluation en temps réel, effectuées à ma demande par l'inspection générale de la police nationale. Celles-ci ont donné lieu à l'établissement d'un bilan d'ensemble, présenté aux assises nationales du 30 mars dernier, et elles nous conduisent maintenant à lancer une généralisation du dispositif en trois phases.
Je rappellerai à la représentation nationale en quoi consiste la police de proximité. Nous avons une très bonne police criminelle, une très bonne police d'ordre public, mais eu égard à l'insécurité au quotidien, chacun mesure que les réponses apportées jusqu'ici n'étaient pas satisfaisantes - pour autant qu'elles relèvent de la police, car celle-ci n'est pas la seule administration concernée.
Le but est de faire en sorte que la police nationale n'intervienne pas seulement en réaction, mais qu'elle soit présente sur le terrain dans des secteurs délimités à l'avance, dans des quartiers placés sous la responsabilité d'équipes polyvalentes, capables d'intervenir aussi bien en prévention qu'en répression, capables d'agir au niveau de la surveillance, du renseignement, de conduire des procédures judiciaires en utilisant toutes les techniques de la police technique et scientifique.
C'est cela la police de proximité: polyvalente, partenariale, agissant dans le cadre des contrats locaux de sécurité, avec tous les acteurs qui «coproduisent», comme on dit, la sécurité.
Partant de cela, il faut en effet motiver l'ensemble des policiers et dégager quelques moyens. A cet égard, les chiffres que vous donnez ne sont pas exacts: 1 200 policiers sont redéployés chaque année - c'est parfaitement juste - mais le Premier ministre m'a accordé 1 664 surnombres l'an dernier, et 1 000 de plus cette année. Ainsi, 6 161 élèves gardiens de la paix suivent actuellement une préparation en école de police. Ils en sortiront à la rentrée; les remises à niveau pourront alors être assurées dans des commissariats où, en effet, le nombre de départs à la retraite s'est accéléré, compte tenu de la pyramide des âges et des recrutements opérés après les événements de mai 1968, il y a un peu plus d'une trentaine d'années.
Des mesures ont donc été prises; d'autres le seront, mais elles méritent d'être arbitrées. Des mesures de fidélisation sont intervenues pour les compagnies républicaines de sécurité et les escadrons de gendarmerie mobile.
Vous voyez donc bien que la priorité n'est plus donnée à une police d'ordre, parce que les problèmes ne se posent plus aujourd'hui comme il y a vingt ou trente ans, mais à une police de proximité, capable de répondre à la détresse qui s'exprime d'une manière concrète dans certains quartiers. C'est ainsi que leurs habitants, qui sont nos concitoyens, ne se sentiront pas abandonnés par rapport à ceux des beaux quartiers. Il y a là une exigence de politique sociale, rappelée par M. le Premier ministre au colloque de Villepinte: la sûreté, la sécurité, c'est un droit pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Marc-Philippe Daubresse

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Police

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 avril 2000

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