Guinée
Question de :
M. Serge Blisko
Paris (10e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 6 avril 2000
M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
M. Serge Blisko. Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, en Guinée-Conakry, M. Alpha Condé, député et dirigeant du Rassemblement du peuple de Guinée, parti de l'opposition démocratique, est détenu depuis le 16 décembre 1998. Il a d'ailleurs été arrêté deux jours après l'élection présidentielle dont il était l'un des principaux candidats. Depuis cette date, visité par ses seuls médecins - nous savons que son état de santé est mauvais - et ses avocats, il n'a pu avoir aucun contact direct avec sa famille. Ces derniers mois, une forte mobilisation nationale et internationale s'est développée pour obtenir la libération d'Alpha Condé. Les autorités françaises ont à plusieurs reprises saisi le chef de l'Etat guinéen, M. Lansana Conté, pour aboutir à un règlement équitable.
Selon ce que le président de Guinée avait annoncé au président Chirac lors de sa visite officielle, le procès d'Alpha Condé aurait dû avoir lieu le 7 septembre dernier, mais il n'a pas pu se tenir, le dossier étant totalement vide. La date du 12 avril prochain, soit dans une semaine, est avancée aujourd'hui pour ce procès d'Alpha Condé devant la Cour de sûreté de l'Etat. De sources bien informées, il apparaît que des témoins ont été arrêtés en octobre dernier et que des chefs d'accusation extrêmement graves ont été ajoutés. De tels éléments laissent craindre un pur montage judiciaire visant à écarter de la vie politique de Guinée l'un de ses principaux acteurs.
Monsieur le ministre, au regard de ces nouveaux éléments, quelle est la position du gouvernement français sur cette affaire dont il s'est officiellement montré très préoccupé ? Aura-t-elle des répercussions sur les relations entre la France et la Guinée ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, de nombreux parlementaires et de nombreux responsables africains, partenaires de la Guinée, partagent votre préoccupation. Je rappelle que le député Alpha Condé fut secrétaire général de la fédération des étudiants d'Afrique noire en France, ce qui lui vaut un réseau important d'amitiés dans notre pays.
Le procureur général de la République de Guinée vient en effet d'annoncer que le 12 avril serait la date d'ouverture du procès. Il existe quatre chefs d'accusation: atteinte à la sûreté de l'Etat, violences à l'égard d'un agent de la force publique, transfert illégal de devises, violation des décisions des autorités administratives. Il est vrai que les conditions dans lesquelles le député Alpha Condé fut arrêté à l'extrême sud-est de la Guinée, loin de sa circonscription, à quelques kilomètres de la frontière du Mali, au lendemain ou au surlendemain d'une élection présidentielle à laquelle il était candidat, ne sont pas entièrement élucidées. Ces chefs d'accusation ne manquent pas de surprendre ses amis et les informations qui nous arrivent sur la conduite de l'instruction renforcent notre préoccupation.
Depuis de longs mois, la France exprime ses inquiétudes. Le Président de la République a rappelé lors de son voyage, en juillet, que la France était attachée au respect des droits de l'homme et des procédures judiciaires. Notre ambassadeur a fait de même à de nombreuses reprises. Pour ma part, à l'occasion d'un voyage au mois de novembre, je m'en suis entretenu avec le président Lansana Conté qui m'avait alors affirmé que le procès serait public et équitable. Il s'agit maintenant de nous en assurer. Notre ambassadeur, comme nos services, sont en alerte. L'Assemblée parlementaire de la francophonie vient de désigner comme parlementaires en mission M. Wiltzer et M. Penne qui vont se rendre sur place et nous tenir informés du déroulement du procès. Nous veillerons à vous faire part de ces informations, monsieur le député, ainsi qu'à tous ceux qui s'intéressent à ce dossier. La France, je le répète, est extrêmement attentive aux conditions dans lesquelles ce procès sera conduit. Ensuite, s'il le faut, nous en tirerons des conséquences s'agissant de notre coopération avec la Guinée. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Serge Blisko
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : coopération
Ministère répondant : coopération
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 avril 2000