Question au Gouvernement n° 202 :
cotisations

11e Législature

Question de : M. Renaud Dutreil
Aisne (5e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 26 novembre 1997

M. le président. La parole est à M. Renaud Dutreil.
M. Renaud Dutreil. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, la réduction des charges qui pèsent sur le coût du travail n'est pas, nous le savons, votre politique pour l'emploi.
M. François Vannson. C'est vrai !
M. Renaud Dutreil. Lorsque vous en parlez, vous n'avez qu'un mot à la bouche: «cadeaux aux patrons». Vous en restez à la caricature et, dans votre budget encore, vous avez alourdi les charges.
Pourtant, une étude récente et très précise publiée dans la revue de la CFDT démontre, premièrement, que le coût du travail en France est de 40 % plus élevé qu'aux Etats-Unis.
M. Christian Bataille. N'importe quoi !
M. Renaud Dutreil. ... deuxièmement, que, s'il était identique à celui des Etats-Unis, nous pourrions créer 1,8 million d'emplois dans le secteur du commerce et un million dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Ma question est donc très simple: plutôt que de vous engager dans la voie hasardeuse des trente-cinq heures autoritaires et universelles, voie dont M. Dondoux lui-même...
M. Bernard Accoyer. Qui est-ce ?
M. Renaud Dutreil. ... a fini par reconnaître qu'elle n'aboutirait à aucune création d'emploi, pourquoi ne vous engagez-vous pas dans la réduction massive des charges qui pèsent sur le travail, et notamment sur les bas salaires ? (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, s'il y a un sujet dont nous avons réussi à parler pendant la discussion de mon budget sans employer des mots du type «cadeaux aux patrons», c'est justement le coût du travail. Je regrette que vous n'ayez pas été là (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République) mais nous en avons très calmement débattu et en partant d'éléments aujourd'hui bien connus - car il ne s'agit pas de philosophie, mais de réalité.
La réalité est la suivante: aujourd'hui, le coût du travail tout compris, en France, se situe dans la moyenne des pays industrialisés. Nous venons d'être dépassés par la Belgique et même par l'Italie. Je ne parle pas de l'Allemagne, bien évidemment.
Reste la question des bas salaires: je l'ai toujours dit, et sans jamais utiliser les mots que vous avez employés. Là encore, il est difficile de répondre avec le sourire à des questions qui ne reflètent pas la réalité des débats que nous avons eus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Il y a effectivement, dans notre pays, un problème de coût du travail et de charges sociales pour les bas salaires.
Vos gouvernements successifs - ce fut la voie choisie par M. Balladur puis par M. Juppé - ont opté pour le système dit de ristourne dégressive et accordé ainsi aux entreprises des aides dont le coût budgétaire s'élève aujourd'hui à 40 milliards de francs par an. Ce système devait entraîner, chaque année, la création de 200 000 emplois, mais chacun s'accorde à reconnaître qu'il n'a permis d'en créer que de 40 000 à 45 000.
Je n'en tire pas pour autant la conséquence - cela aussi je l'ai dit à l'Assemblée nationale - que ces aides n'ont aucun intérêt, car nous étions alors en période de faible croissance. En pareil cas, même avec un coût du travail plus bas, il n'est pas évident que les entreprises embauchent parce que la consommation est réduite et qu'elles ont peu de clients. Nous devons donc continuer à étudier l'effet de ces mesures dans les mois qui viennent.
Mais là où vous vous trompez, monsieur le député, c'est quand vous niez le fait que le Gouvernement, dans le projet de budget pour 1998, a non seulement maintenu globalement ces exonérations de charges sociales au même montant qu'en 1996 - 40 milliards -, mais a pris deux mesures complémentaires: le transfert des cotisations maladie vers la CSG, qui abaisse le coût du travail; l'exonération de charges sociales pour les entreprises qui réduiront la durée du travail.
Parallèlement, nous nous sommes engagés à réformer le système des cotisations patronales. Celles-ci pèsent aujourd'hui uniquement sur les salaires, ce qui va à l'encontre de l'emploi.
Je vous donne donc rendez-vous dans un an, puis dans deux ans...
M. Bernard Accoyer. Quelle arrogance ! Vous ne serez plus là !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... pour apprécier les effets de cette réforme. Vous verrez alors que les charges sociales pesant sur les bas salaires seront moindres aujourd'hui, mais grâce à des moyens peut-être plus efficaces pour l'emploi que ceux que vous-mêmes avez utilisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Renaud Dutreil

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité sociale

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 1997

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