sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Patrick Delnatte
Nord (9e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 27 avril 2000
M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte.
M. Patrick Delnatte. Monsieur le Premier ministre, je trouve que vous balayez un peu rapidement l'action des parlementaires de l'opposition. Ceux-ci déposent des propositions de loi dans le cadre des niches.
Mme Martine David. Ah oui ? Lesquelles ?
M. Patrick Delnatte. Mais votre gouvernement et la majorité les repoussent, quand ils ne refusent pas de les discuter. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Monsieur le Premier ministre, dans la nuit du 15 au 16 avril, à l'occasion d'une intervention policière sur un fait de délinquance, un drame s'est produit dans un quartier de Lille, Lille-Sud: la mort du jeune Riad Hamlaoui. Nous comprenons la douleur de la famille, qui, en perdant un enfant, ou un frère, a vu sa vie brisée, tout comme la famille du policier mis en cause. Il appartiendra à la justice d'apprécier les faits et de juger. Ce drame a provoqué une forte émotion dans la population de ce quartier, qui exprime son incompréhension, son mal-vivre, sa soif de justice et de considération, mais aussi sa dignité et son sens des responsabilités.
Mais ce drame a aussi suscité une situation de violence et d'émeutes urbaines par des bandes de jeunes, des violences délictuelles qui se sont propagées dans plusieurs quartiers de la métropole lilloise, dont Tourcoing et Marcq-en-Baroeul.
Ces faits nous interpellent tous et, monsieur le Premier ministre, il vous interpellent dans deux domaines de votre politique gouvernementale: la politique de sécurité et la politique de la ville.
La politique gouvernementale de sécurité met en avant la police de proximité. La valorisation des moyens techniques ne doit pas faire oublier que, dans la lutte contre la délinquance au quotidien, l'efficacité de la police passe aussi et d'abord par sa présence physique et permanente sur le terrain et par ses relations de bon voisinage et de confiance avec les populations concernées. Pensez-vous, monsieur le Premier ministre, que les moyens mis en oeuvre par votre gouvernement soient suffisants et adaptés aux besoins d'une véritable police de proximité ?
M. Eric Doligé. Sûrement pas !
M. Patrick Delnatte. En quantité d'abord, car l'efficacité nécessite une présence 24 heures sur 24, sept jours sur sept, sur tous les territoires sensibles. Très sincèrement, le recrutement massif d'adjoints de sécurité ne me paraît pas une réponse professionnelle adaptée à ces situations complexes et difficiles. De plus, à vouloir généraliser trop vite vos concepts sans que les moyens et les effectifs suivent, ne courez-vous pas le risque d'un grave échec ?
En qualité ensuite. Les professionnels de la police attendent des moyens suffisants en matière non seulement de formation initiale, mais surtout de formation continue, car ils sont confrontés à des situations extrêmement difficiles et très changeantes.
M. le président. Monsieur Delnatte, pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?
M. Patrick Delnatte. Quant à la politique de la ville, à laquelle le Gouvernement et les collectivités territoriales consacrent de plus en plus de moyens budgétaires, elle n'apporte pas de réponses à deux évolutions négatives et préoccupantes: la banalisation des situations délictuelles et les carences de l'éducation, au sens du bien et du mal. («La question !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Face aux problèmes de l'immigration, la politique de la ville laisse se développer - quand elle ne les favorise pas parfois - des solutions de type communautariste, qui créent de nouvelles barrières psychologiques, culturelles et raciales.
Monsieur le Premier ministre, face à ces faits et aux questions qu'ils soulèvent, quelles décisions comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Monsieur Delnatte, ce n'est pas forcément parce qu'elle est longue qu'une question est bonne ! Vous auriez pu dire la même chose en trois fois moins de temps. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Mes chers collègues, je parle au nom de tous les groupes, y compris du groupe du Rassemblement pour la République, qui ne pourra pas nous faire entendre ses trois intervenants de cet après-midi dans les questions !
M. Jean-Louis Debré. Ne parlez pas au nom du groupe du Rassemblement pour la République !
M. Franck Borotra. Pas de jugements qualitatifs, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, une expérience de police de proximité a été entamée en octobre dernier dans le quartier de Lille-Sud, qui compte 23 000 habitants.
Le fait tragique survenu vers minuit et demi le 16 avril dernier ne doit pas conduire à remettre en question l'effort entrepris. Que ce soit tragique, il faut le dire. Une faute a été commise. Le policier a été suspendu moins de douze heures après. La justice a été saisie. Il lui appartiendra de se prononcer. Y a-t-il eu un élément intentionnel, comme on peut le déduire du chef d'inculpation retenu ? S'agit-il au contraire d'un geste de panique dans la nuit ? Ce policier ne faisait pas partie de la police de proximité, je le rappelle, mais d'une unité d'intervention d'une brigade canine, appelée sur les lieux par Police secours en raison d'une tentative de vol d'un véhicule. («C'est déjà ça le problème !» et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Cette tragédie a été suivie de faits très regrettables, confinant à l'émeute. Plus de 130 interpellations ont été réalisées.
M. Eric Doligé. Les personnes ont été relâchées.
M. le ministre de l'intérieur. Vingt-trois personnes ont été déférées à la justice, qui, naturellement, se prononcera en toute impartialité. Je voudrais insister sur le fait que la police de proximité poursuit son travail dans le quartier de Lille-Sud. Tous les policiers ont considéré que ce qu'ils avaient entrepris devait être continué. Et la population le demande également. J'ai vu moi-même le recteur de la mosquée de Lille-Sud, M. Amar Lasfar, à l'occasion d'une réunion de consultation des sensibilités musulmanes présentes dans notre pays, et je rends hommage au rôle d'apaisement qui a été joué par plusieurs représentants de cette communauté pendant ces événements.
Nous devons être capables de rompre le cycle de la violence, cet enchaînement de répression inévitable. C'est là que doit se situer l'effort de tous. C'est en tout cas le sens de la politique du Gouvernement: police de proximité, apprentissage de la déontologie, recrutement à l'image de la population, création d'une commission nationale de déontologie pour la sécurité...
M. Thierry Mariani. La réponse est longue, monsieur le président. (Sourires.)
M. le ministre de l'intérieur. ... politique visant à inscrire l'Islam dans le cadre républicain qui régit les rapports des pouvoirs publics avec les cultes, et enfin politique de la ville, pour laquelle les crédits ont été augmentés de 450 millions de francs par le collectif budgétaire qui a été adopté ce matin par le conseil des ministres.
M. Eric Doligé. Ce n'est pas un problème d'argent, c'est une question de volonté.
M. le ministre de l'intérieur. En tant que ministre de l'intérieur, je tiens à vous dire que ma détermination à tenir tous ces engagements de pair ne fléchira pas.
M. Thierry Mariani. C'est long ! (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le ministre de l'intérieur. L'efficacité de cette action réside dans la cohérence de ces engagements, leur durée et leur application simultanée. Et je compte sur chacun pour maintenir le cap de cette politique. («C'est trop long !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Elle seule est de nature à assurer la sécurité républicaine dans nos quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et communiste.)
Auteur : M. Patrick Delnatte
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 27 avril 2000