Question au Gouvernement n° 2071 :
épargne

11e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Brard
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 10 mai 2000

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, vous avez fait remettre, la semaine dernière, aux organisations syndicales un document présentant vos options avant la discussion du projet de loi sur l'épargne salariale. Que les organisations syndicales soient associées à la réflexion, c'est excellent. Cependant, la commission des finances aurait apprécié d'être aussi destinataire du document. («Très bien !» sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Jean-Pierre Brard. De quoi s'agit-il ? Avec l'épargne salariale, il s'agit, pour nous, de discuter de l'extension des droits des salariés dans l'entreprise et de leur participation en particulier aux choix qui déterminent son modèle de développement. Or, si j'en crois ce qui a été écrit dans les journaux, dans le document que vous avez remis figure un élément nouveau qui ne manque pas de provoquer notre inquiétude. Vous imaginez, semble-t-il, la possibilité de sortir en rente du système de l'épargne salariale, c'est-à-dire, pour parler autrement qu'en langue de bois, de réintroduire les fonds de pension d'une autre manière. (Applaudissements et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Edouard Landrain. Très bien ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Brard. Si nous posons aujourd'hui cette question, c'est tout simplement pour éclairer les termes du débat. Vous savez à quel point nous sommes attachés à ne pas mêler épargne salariale et retraites ! En ce qui nous concerne, nous en restons, pour les retraites, aux engagements pris par le Premier ministre, M. Jospin, («Lesquels ?» sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française) de préserver notre système par répartition, ce qui est tout à fait fondamental (Applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) de préférence à un système à l'anglo-saxonne, où les salariés jouent leur retraite à la loterie et n'ont plus, dans certains cas, que leurs yeux pour pleurer, on l'a vu en Grande-Bretagne, lorsque sonne l'heure de la retraite. (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions concernant l'épargne salariale ? Excluez-vous clairement les fonds de pension, et ce quelque dénomination qu'ils prennent dans le vocabulaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, s'agissant de la méthode, il est tout à fait exact que j'ai adressé, voilà quelques jours, un avant-projet aux partenaires sociaux. J'ai pensé, appliquant en cela les indications du Premier ministre, qu'il était excellent de les associer à la réflexion sur un tel sujet. J'ai commencé ce matin même les consultations, que je poursuivrai cet après-midi pour les terminer la semaine prochaine. Cela nous permettra de connaître les réactions des partenaires sociaux. Nous élaborerons ensemble un projet qui sera déposé sur le bureau de cette assemblée, de sorte que vous pourrez ainsi y apporter toutes les modifications que vous souhaiterez. («Ah ?» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Enfin, au début de la session d'automne nous aborderons la discussion proprement dite. Voilà pour la méthode.
Sur le fond, il ne s'agit nullement, contrairement à ce que je lis dans certains journaux - même si je vois l'inverse dans d'autres journaux que vous lisez également (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - d'établir des fonds de pension. D'ailleurs, Mme Aubry vous proposera d'ici à quelques jours un texte tendant à abroger expressément la loi qui instituait les fonds de pension, dite loi «Thomas». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Nous considérons, en effet, comme légitime que les salariés, sans qu'il soit en rien porté atteinte à la négociation salariale, puissent bénéficier pleinement de la valorisation des richesses dans l'entreprise, valorisation à laquelle ils sont les premiers à contribuer.
M. Pierre Carassus. Il y a les salaires pour cela !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Aucune raison ne justifie de réserver cet avantage à une catégorie; cela exclut les petites et moyennes entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous considérons que la liberté de choix des salariés doit être respectée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Fromion. Très bien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De ce point de vue, et je pense que de ce côté-ci de l'Assemblée on applaudira moins, il n'est absolument pas question d'établir des fonds de pension. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Premièrement, la loi Thomas prévoyait des cotisations sans limite alors qu'il s'agit, en l'espèce, de contributions plafonnées. Deuxièmement, il n'était possible de sortir qu'en rente, alors qu'il n'en est pas ici question, puisque, troisièmement, cela se faisait au détriment des cotisations sociales !
M. Pierre Lellouche. C'est une capitulation sans condition !
M. le président. Un peu de silence ! Monsieur Lellouche, je vous en prie !
M. Pierre Lellouche. Mais enfin, c'est lamentable !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, loin de je ne sais quel ralliement ou de je ne sais quelle capitulation, il s'agira d'une avancée concrète pour des millions de salariés en France et d'un projet qui, au surplus, permettra à nos entreprises, singulièrement les petites et moyennes, de disposer de davantage de fonds - des fonds indépendants et non pas décidés je ne sais où mais, en tout cas, ailleurs qu'en France.
Tel est, monsieur le député, le projet qui sera soumis à votre appréciation, à votre discussion et à votre concertation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Brard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 mai 2000

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