institutions communautaires
Question de :
Mme Marie-Hélène Aubert
Eure-et-Loir (4e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 17 mai 2000
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.
Mme Marie-Hélène Aubert. Ma question s'adresse à Lionel Jospin, Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, il y a quelques jours, Joschka Fischer, ministre des affaires étrangères de l'Allemagne, a fait une proposition, soutenue par le chancelier Schröder, sur la nécessité et les moyens de parvenir à une véritable Europe politique, fédérale, dotée à terme d'une Constitution, proposition qui rompt heureusement avec une politique de petits pas intergouvernementaux, symbole des frilosités et des égoïsmes de bon nombre d'Etats - et le nôtre n'est pas épargné - en matière de projet européen.
Cette déclaration revêt une importance particulière car elle émane d'une personnalité au pouvoir en Allemagne, au moment où tout le monde s'accorde, hélas !, à juger les relations du couple franco-allemand plutôt tièdes.
Certes, nos concitoyens s'inquiètent à juste titre de la vague libérale qui submerge l'Union européenne et qui constitue une menace pour l'emploi, les droits sociaux, l'environnement ou la diversité culturelle, mais, très largement, ils comprennent à quel point la poursuite de la construction européenne est vitale, parce que, et à condition que l'Europe constitue une réelle chance de progrès pour la démocratie, la paix, la justice sociale, bref pour un développement durable et partagé.
Dans cette perspective, comment envisagez-vous de raviver l'indispensable coopération entre la France et l'Allemagne pour sortir enfin la conférence intergouvernementale de son enlisement trop prévisible, voire voulu par certains, et franchir, lors de la présidence française de l'Union, une étape décisive vers une Europe politique et, à terme, fédérale ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance).
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Depuis quelque temps, madame la députée, les dirigeants européens, et notamment les dirigeants français et allemands - Joschka Fischer, dans son discours, rend d'ailleurs hommage au travail réalisé entre Français et Allemands qui a selon lui largement contribué à stimuler sa propre réflexion - sont de plus en plus soucieux d'apporter une bonne réponse à la question du grand élargissement de l'Europe qui s'avance et qui va entrer en vigueur au cours des prochaines années.
La première étape de cette réflexion, c'est ce à quoi nous travaillons dans le cadre de la conférence intergouvernementale. M. Joschka Fischer a voulu se placer au-delà en parlant, à titre personnel et en lançant dans ce débat des réflexions sur ce que pourrait devenir l'Europe au terme de trois étapes.
J'ai eu l'occasion de déclarer que ce débat était vraiment utile, qu'il était souhaitable qu'il s'intensifie, car les échéances se rapprochent. Différentes propositions ont été faites, allant des plus pragmatiques à des solutions à caractère véritablement fédéral, en passant par tout un éventail de noyaux durs avec des caractéristiques diverses.
Il est très important que ce débat s'amplifie, dans notre pays comme dans les autres, car la question de savoir comment faire fonctionner l'Europe à trente doit nous concerner tous. C'est maintenant urgent.
La France va prendre la présidence de l'Union dans quelques semaines, à partir du 1er juillet. Nous allons alors reprendre les travaux de la conférence intergouvernementale à un certain stade, et je rends d'ailleurs hommage au travail et à l'énergie de la présidence portugaise. On sait que les problèmes sont compliqués. Une CIG a déjà échoué dans le passé à ce propos et la solution n'est pas encore trouvée.
Notre rôle, à ce stade, n'est pas de mettre sur la table des propositions de nature à diviser les Européens mais de parvenir à un consensus le plus ambitieux possible pour l'avenir de l'Europe, en commençant par la première étape et non par la dernière.
Pour trouver le consensus, il faudra prendre en compte l'ensemble des positions politiques des uns et des autres, même si nous avons naturellement notre façon à nous de conduire le débat, je l'espère, pour aboutir à une conclusion positive.
L'élément commun de toutes ces démarches, ce sont les coopérations renforcées, qui deviennent de plus en plus clairement le tronc commun de tous les progrès. C'est d'ailleurs la première étape de la réflexion de M. Fischer.
C'est l'un des éléments prioritaires de notre présidence et, par ce système, si nous y arrivons, ce qui n'est pas encore acquis car il faut l'assouplir pour qu'il puisse fonctionner, nous pourrons mettre en oeuvre les coopérations concrètes les plus pragmatiques mais aussi, si c'est décidé vraiment démocratiquement par les Etats concernés, avancer vers les projets les plus ambitieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : Mme Marie-Hélène Aubert
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 mai 2000