Question au Gouvernement n° 2104 :
A 51

11e Législature

Question de : M. Bernard Deflesselles
Bouches-du-Rhône (9e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 18 mai 2000

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles.
M. Bernard Deflesselles. Monsieur le président, ma question, à laquelle s'associe mon ami Patrick Ollier, député des Hautes-Alpes («Ah !» sur divers bancs) s'adresse à M. le Premier ministre.
Nous vivons, monsieur le Premier ministre, une drôle d'époque, une drôle de République, qui laisse chaque jour défiler des manifestants de toutes origines mais qui matraque ses élus lorsqu'ils expriment un quelconque mécontentement.
Lundi, à Marseille, M. Alain Bayrou, maire de Briançon, président du conseil général des Hautes-Alpes et conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'est fait violemment jeter à terre et matraquer par les forces de police (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) alors qu'il tentait d'alerter l'opinion publique et vous-même, présent ce jour-là pour signer le contrat de plan Etat-région, de l'incohérence d'une décision ministérielle.
Si l'on doit condamner fermement cet emploi de la force, on ne peut que regretter le silence dont vous avez fait preuve, monsieur le Premier ministre, en cette circonstance, un silence d'autant plus assourdissant que, quelques minutes plus tard, à l'intérieur de l'hôtel de région, vous vous réjouissiez dans votre intervention d'une soi-disant bonne coopération des élus de la région.
Monsieur le Premier ministre, ce regrettable incident n'est le fruit ni du hasard ni d'une quelconque manoeuvre de provocation, comme tentent de le faire croire certains responsables de votre administration. Il est le résultat de l'exaspération de tout un département. Il est le résultat de l'immobilisme de votre gouvernement qui, dès juin 1997, a stoppé brutalement le chantier de l'autoroute des Alpes du Sud, autoroute vitale pour le désenclavement des Hautes-Alpes et décisive pour sa survie économique.
Ces centaines d'hommes et de femmes venus crier leur désespoir, ce lundi, n'étaient pas des voyous. Représentants de divers milieux socioprofessionnels, mais aussi élus de toutes tendances politiques ceints de leur écharpe tricolore, ils souhaitaient tout simplement vous rencontrer et être écoutés.
Le conseil régional, pour la quatrième fois depuis dix ans, s'est prononcé le 18 février dernier, à une écrasante majorité, en faveur du passage de l'autoroute par l'est de Gap, seul tracé, à notre avis, capable de conforter l'économie de ce département.
M. le président. Monsieur Deflesselles, pouvez-vous conclure, s'il vous plaît ?
M. Bernard Deflesselles. Je n'ai pas dépassé les trois minutes qui me sont imparties, monsieur le président. Je sais que certaines questions dérangent; elles doivent être posées quand même devant la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Gayssot préconise, semble-t-il, deux tracés, alors que nous peinons financièrement à en réaliser un seul. Cette position paraît être une nouvelle manoeuvre préjudiciable à l'intérêt des habitants de notre région.
Monsieur le Premier ministre, ma question sera double. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mes chers collègues, soyez attentifs !
Premièrement, estimez-vous normal qu'un élu venant exprimer les inquiétudes de tout un département se retrouve avec une côte fêlée et soit empêché d'exercer ses mandats pendant dix jours ? («Scandaleux !» sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.) Pensez-vous réagir publiquement à cet état de fait ?
Deuxièmement, compte tenu des circonstances, êtes-vous d'accord pour recevoir personnellement à Matignon une délégation d'élus et de responsables économiques avant qu'une décision finale concernant ce projet ne soit entérinée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. Monsieur Deflesselles, aucune question ne me gêne. Un problème commence à se poser quand elle dépasse les deux minutes trente ! (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Thierry Mariani. Certaines questions ont pourtant bien été plus longues hier !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, le 15 mai, M. le Premier ministre s'est rendu dans les Bouches-du-Rhône pour signer le contrat de plan entre l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est vrai que le groupe que vous présidez au conseil régional, le groupe Démocratie libérale, s'est abstenu. Il n'en va pas de même de tous les élus de l'opposition, vous le savez bien, mais c'est parfaitement votre droit. Disons que les raisons de ce vote me sont rapportées de diverses manières.
S'agissant du contrat de plan, je vous ferai observer que son montant atteint 20 milliards, soit une hausse de 68 % par rapport au précédent. Seule la Corse a bénéficié d'une augmentation plus importante. («Ce n'est pas la question !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
A la part de l'Etat, qui s'élève à 7 milliards de francs, s'ajoute une contribution de 6 milliards des collectivités ou de grands établissements, tel Réseau ferré de France.
Le Premier ministre est arrivé à Marseille vers seize heures, conformément à son programme. (Sourires.) Mais, dès douze heures quarante-cinq, plusieurs centaines de manifestants s'étaient massés à l'arrière du bâtiment du conseil régional et ont tenté d'y pénétrer par un accès secondaire (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), après avoir franchi les barrières mises en place par le service d'ordre.
Cinq policiers de la compagnie d'intervention se sont fermement opposés à l'action des manifestants qui voulaient occuper les locaux du conseil régional avant la venue du Premier ministre.
Mme Odette Grzegrzulka. Ils ont bien fait !
M. le ministre de l'intérieur. Une bousculade s'en est suivie. A la tête de ces centaines de manifestants se trouvait M. Bayrou, président du conseil général des Hautes-Alpes - je ne le confonds pas avec le président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques ! -, qui, me dit-on, n'en est pas à son coup d'essai ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le ministre, pourriez-vous en venir rapidement à votre conclusion ?
M. le ministre de l'intérieur. J'y arrive, monsieur le président. Il est exact, et c'est regrettable, que M. Bayrou a été légèrement blessé à l'épaule. Mais un gardien a également été blessé à l'épaule suite à un coup: il souffre d'une déchirure musculaire et a fait l'objet d'une interruption temporaire de travail de dix jours. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Monsieur le député, vous comprendrez que les élus doivent donner l'exemple du civisme et du respect de la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
S'agissant du tracé de l'autoroute A 51, M. le ministe de l'équipement, du transport et du logement y travaille et élabore une solution de compromis. Celle-ci pourra naturellement vous être présentée le moment venu, c'est-à-dire, je l'espère, le plus rapidement possible. Mais je pense que le problème doit être réglé par un échange d'arguments,...
M. Jean-Michel Ferrand. L'argument de la matraque !
M. le ministre de l'intérieur. ... si possible d'une manière consensuelle et surtout sans recours à la violence organisée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Deflesselles

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Voirie

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 mai 2000

partager