Question au Gouvernement n° 2105 :
élargissement

11e Législature

Question de : M. François Léotard
Var (5e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 18 mai 2000

M. le président. La parole est à M. François Léotard. («Giscard, Giscard !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues. Laissez parler M. Léotard.
M. François Léotard. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 9 mai dernier, ici même, au cours du débat organisé à l'occasion du cinquantième anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, M. le Premier ministre a développé un point de vue dont les députés siégeant sur plusieurs bancs de cette assemblée peuvent partager l'esprit, me semble-t-il.
En effet, quoique les mots prononcés par les uns et les autres - noyau dur, avant-garde, coopération renforcée - aient un sens différent, ils recouvrent tous la même volonté de voir émerger, à partir de la future Union européenne à vingt-cinq ou à trente, une Europe plus structurée, plus intégrée, plus résolue à devenir une puissance politique. Est-ce bien la position du gouvernement français ?
Sur ce sujet capital, le Premier ministre avait déclaré que les réflexions doivent être menées «avec un degré suffisant de réalisme pour être partagées et avoir des chances de déboucher». Or il apparaît aujourd'hui, à peine quelques jours plus tard, que ce point de vue est partagé par notre principal partenaire en Europe, je veux parler de la République fédérale d'Allemagne. En effet, le ministre des affaires étrangères allemand, approuvé par le Chancelier, a fait récemment des propositions dont la lucidité, le courage, la force de conviction n'ont pu vous échapper.
Aujourd'hui, le fléchissement de l'euro, dû pour l'essentiel, nous le savons tous, à des raisons politiques, la nécessaire revitalisation permanente du couple franco-allemand, la volonté unanime exprimée ici même de rester fidèle à l'esprit qui a animé Robert Schuman, tout nous pousse à prendre une nouvelle initiative franco-allemande, initiative que les Européens des deux pays appellent de leurs voeux. Du général de Gaulle à Jacques Chirac, sans aucune exception, tous les présidents de la Ve République ont réussi à faire prévaloir cet esprit.
Monsieur le ministre, hier, vous êtes déjà intervenu au sujet de la CIG devant la commission des affaires étrangères. Quelles chances la France et l'Allemagne ont-elles de conserver, après l'élargissement, la pondération des voix en vigueur aujourd'hui ? Dans l'hypothèse d'une Europe à vingt ou vingt-cinq Etats, ces deux pays conserveraient alors un poids politique qui leur permettrait d'entraîner avec eux les six ou sept autres qui le souhaiteraient, pour aller de l'avant - je crois que la Belgique, le Luxembourg, l'Italie et les Pays-Bas se sont prononcés en faveur de ce schéma.
Par ailleurs, si votre sentiment est que nous n'avons aucune chance d'obtenir satisfaction sur ce point, quelles réponses politiques le Gouvernement entend-il apporter à la proposition qui vient d'être faite par notre principal partenaire en Europe ? Je vous rappelle en effet qu'elle a été approuvée par le Chancelier et qu'il ne s'agit donc plus d'une position personnelle de votre collègue allemand. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, le grand débat sur l'avenir de l'Europe à long terme, comme l'a indiqué M. Fischer, prend de l'ampleur. C'est une très bonne chose, car nous sommes tous persuadés ici, comme le sont maintenant nos partenaires au sein de l'Union, qu'un grand élargissement va intervenir dans les prochaines années - de façon maîtrisée, de façon contrôlée, négocié dans les meilleures conditions possibles. Par conséquent, nous devons répondre à la question du fonctionnement de l'Europe de demain, qui engage notre avenir, ainsi que celui de l'Allemagne et de nos autres partenaires de l'Union. Il faudra ouvrir un grand débat, démocratique et sérieux, pour étudier les solutions qui se profilent, solutions très pragmatiques ou de type noyau dur ou fédéralisme.
Mais il s'agit bien d'une perspective à long terme. C'est ainsi qu'il faut comprendre la démarche de M. Fischer et l'approbation manifestée par le Chancelier allemand: ils ont voulu alimenter le débat, sans s'engager sur des détails, et le processus qu'ils proposent interviendrait d'ailleurs par étapes.
Cela rejoint notre préoccupation immédiate, car nous aurons à prendre la responsabilité de la présidence et par conséquent à conduire la Conférence intergouvernementale vers la meilleure solution possible - c'est-à-dire la plus ambitieuse - avec toute l'énergie nécessaire. Nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir, mais cela dépendra aussi des autres Etats membres; nous chercherons naturellement à parvenir au plus grand consensus possible.
Je précise qu'il n'est d'ailleurs pas question de rechercher une issue à n'importe quel prix, sous prétexte que la présidence sera française. Nous conclurons si le résultat est bon, bon pour traiter les problèmes de l'Europe d'aujourd'hui et bon pour préparer le développement de l'Europe de demain.
M. Hervé de Charette. Très bien !
M. le ministre des affaires étrangères. C'est à ce titre que nous prenons pleinement en compte le problème précis que vous avez soulevé: celui de la «repondération» des voix.
Déjà, dans l'Europe à quinze, le problème est réel: on sait que les écarts de population sont énormes, tandis que les écarts de voix sont extrêmement réduits. Or ce problème ne pourra que s'aggraver avec l'élargissement. La «repondération» est par conséquent un élément clé de la négociation de la Conférence intergouvernemantale, et c'est de la solution à ce problème que dépendront l'accord sur l'élargissement à la majorité qualifiée, la taille de la Commission, la coopération renforcée et les autres points importants.
A ce stade, alors que nous n'avons pas encore pris la présidence, je ne peux donc pas vous répondre sur la seule question de la pondération, si ce n'est pour vous dire que nous nous en préoccupons. Nous nous prononcerons à la fin de la présidence française, en étudiant la position de tous nos partenaires sur les quatre points que je viens d'évoquer.
Quelle que soit notre conception de l'avenir de l'Union, il est essentiel d'assouplir les coopérations renforcées, qui, aujourd'hui, sont impraticables - sauf pour les actes hors traités, même si, dans ces cas-là, ce n'est pas non plus la meilleure procédure. Tout le monde est d'accord sur ce point - même M. Fischer en a fait un préalable. Nous concentrerons tous nos efforts et notre énergie politique à obtenir ce résultat. Notre travail immédiat est de convaincre nos partenaires, et, le moment venu, nous pourrons légitimement avancer des propositions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. François Léotard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mai 2000

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