Question au Gouvernement n° 2110 :
Côte d'Ivoire

11e Législature

Question de : M. Henri Emmanuelli
Landes (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 18 mai 2000

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.
M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, le 12 mai, en Côte d'Ivoire, le général Gueï a fait connaître le calendrier électoral devant aboutir à l'élection présidentielle des 17 septembre et 8 octobre prochains.
La première étape de ce calendrier sera un référendum organisé le 23 juillet et portant sur la Constitution. Dans le projet qui sera soumis aux électrices et aux électeurs, figureraient des dispositions relatives à l'éligibilité à la magistrature suprême et certaines prévoiraient - je parle au conditionnel - que des personnalités ayant occupé des fonctions officielles antérieures sous un passeport différent seraient exclues de l'élection présidentielle.
Monsieur le ministre, compte tenu de l'intérêt et de l'attachement que porte la France à la Côte d'Ivoire, pays ami et francophone, qui tient une place privilégiée en Afrique de l'Ouest et où vivent 20 000 de nos compatriotes, je souhaiterais connaître votre opinion sur les risques de déstabilisation que pourrait entraîner ce genre de dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, depuis qu'à la veille de Noël un coup de force a conduit au renversement du président Bédié et à la mise en place d'un Conseil national de salut public présidé par le général Gueï, la France n'a eu de cesse de demander aux autorités de fait comment elles entendaient refonder la démocratie en Côte d'Ivoire. Il nous semblait qu'il fallait le faire vite: pour les Ivoiriens, car cette situation transitoire est fragile et comporte des risques d'insécurité; pour la Côte d'Ivoire, car celle-ci doit retrouver la confiance pleine et entière de ses partenaires, de la France, de l'Europe et des institutions internationales dont la contribution sera essentielle au redressement d'une situation économique très difficile. Cela dit, il convient de saluer les efforts accomplis par la Côte d'Ivoire en remboursant à l'Union européenne ce qu'elle devait et à l'Agence française de développement certains arriérés.
Que s'est-il passé ? Le général Gueï a mis en place une commission nationale consultative, constitutionnelle et électorale dont la première tâche était de proposer une nouvelle Constitution. La question délicate est celle de la nationalité des candidats. Nous savons comment le débat autour de l'«ivoirité» avait pollué la vie politique ivoirienne tout au long de l'année 1999 et contribué à la situation de crise qui a connu un dénouement en décembre 1999.
Le général Gueï a reçu les propositions de la commission, consulté les dirigeants des formations politiques et tranché.
Deux dispositions concernent la nationalité ou les conditions de nationalité des candidats. La première va plutôt dans le sens de l'ouverture, contrairement à ce qui s'était passé, notamment, à la fin de l'année 1999. On n'exige plus du candidat qu'il soit de père «et» de mère ivoiriens mais de père «ou» de mère ivoirien.
La seconde disposition, elle, ne va pas tout à fait dans la même direction car, comme vous l'avez dit vous-même, elle exclut les candidats qui se seraient prévalus d'une autre nationalité pour postuler à un emploi public. Bien évidemment, les partisans de M. Ouattara y voient le risque que la candidature de ce dernier soit écartée; cela suscite d'ores et déjà de grandes réserves.
Que pouvons-nous dire ? Que pour la première fois, la question de la nationalité n'est plus confisquée par les états-majors et qu'elle sera posée au peuple ivoirien. L'essentiel est que celui-ci puisse, dans la clarté, mesurer l'importance de l'enjeu de la consultation populaire à laquelle il participera dans quelques mois. La France va s'y employer, au sein de l'Union européenne, de façon que les scrutins qui vont suivre, et dont vous avez rappelé le calendrier, soient parfaitement transparents et que les futures autorités ivoiriennes tirent d'un scrutin démocratique la légitimité dont elles ont besoin.
Est-il besoin de préciser que la France suit avec une attention extrême l'évolution d'une situation qui demeure fragile et très préoccupante, notamment du point de vue de l'ordre public, en particulier à Abidjan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical. Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Henri Emmanuelli

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : coopération

Ministère répondant : coopération

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mai 2000

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