Question au Gouvernement n° 2113 :
comptes de la sécurité sociale

11e Législature

Question de : M. Alfred Recours
Eure (2e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 24 mai 2000

M. le président. La parole est à M. Alfred Recours.
M. Alfred Recours. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lucien Degauchy. Evidemment !
M. le président. Je ne comprends pas ce qui justifie, au tout début du propos de M. Recours, les réactions bruyantes de M. Degauchy !
M. Jean-Noël Kerdraon. Vous avez raison !
M. le président. S'il vous plaît, monsieur Degauchy, ne suivez pas votre pente habituelle et laissez donc s'exprimer l'orateur !
Monsieur Recours, vous avez seul la parole.
M. Alfred Recours. Merci, monsieur le président. Depuis quinze ans, année après année, dans l'hémicycle comme dans le pays, nous avons l'habitude de discuter des déficits et des trous de la sécurité sociale. Or nous venons de prendre connaissance des comptes de la sécurité sociale pour 1999, et il apparaît que, pour la première fois, ils sont à l'équilibre, voire en léger excédent.
M. Lucien Degauchy. Merci Juppé !
M. Alfred Recours. Ce n'est certes pas le fruit du hasard puisque, après 265 milliards de francs de déficit cumulé de 1993 à 1997, l'action engagée depuis lors a progressivement permis d'assainir la situation.
M. André Aschieri. Très bien !
M. Alfred Recours. Dès lors que les prévisions tablent sur 13,5 milliards de francs d'excédent pour 2000, il s'agit de savoir ce que nous allons en faire. Nous avons entendu différentes propositions, qui intéressent les Français, quant à la pérennisation de notre protection sociale, en particulier du système des retraites. Mais nous savons aussi que certaines prestations médicales sont peu ou mal remboursées, comme la lunetterie,...
M. Lucien Degauchy. Tout à fait !
M. Alfred Recours. ... la dentisterie ou les prothèses auditives.
Madame la ministre, mes questions seront simples. («Ah !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Finis les déficits, bonjour les excédents ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Première question: pourquoi ? Deuxième question: pour quoi faire ? Troisième question: comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, depuis quinze ans, en effet, lorsque l'on parlait de la sécurité sociale, les Français avaient l'habitude de penser d'abord au «trou de la sécu». Mais nous avons appris hier que la sécurité sociale, depuis 1999, n'avait plus de trou, que ses comptes étaient en équilibre. Nous prévoyons même 13,5 milliards de francs d'excédent pour 2000 et nous envisageons déjà d'en affecter une partie - 8,5 milliards - au fonds de réserve.
Ces résultats ne sont pas tombés du ciel. Vous avez rappelé, monsieur le député, que nous avons trouvé une sécurité sociale déficitaire de 54 milliards de francs. Il a fallu s'attaquer à toutes les causes de ce déficit. S'agissant des dépenses de ville, nous avons négocié âprement avec les médecins - rappelez-vous les discussions avec les radiologues, les cardiologues, les laboratoires biologiques. Nous avons mis en place une politique de l'hôpital visant à mieux répondre aux besoins, à améliorer la qualité et la sécurité, à réduire les inégalités et à rendre la gestion plus rigoureuse.
M. le président. Madame la ministre, excusez-moi de vous interrompre.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Debré, puis-je vous demander de respecter nos débats et de vous asseoir ? («Debré, assis !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Vous pouvez poursuivre, madame la ministre.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons engagé une véritable politique du médicament, fondée sur les effets des produits commercialisés sur la santé et sur le développement des génériques.
Les résultats sont là. Bien évidemment, la croissance et la réduction du chômage expliquent une partie de cette réduction des déficits. Toutefois, disons-le simplement, à croissance égale, si nous n'avions pas mis en oeuvre ces réformes et fait ces économies, si les dépenses maladie avaient continué à croître comme dans les années 1993-1997, nous n'aurions pas aujourd'hui un excédent de 1 milliard de francs, mais un déficit de 30 milliards !
M. Lucien Degauchy. Ce n'est pas sérieux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il fallait effectivement mettre en oeuvre ces réformes pour pouvoir mieux répondre aux attentes des Français.
J'en viens à l'affectation des excédents de la sécurité sociale. Nous savons effectivement que les besoins sont nombreux. La priorité, je l'ai déjà dit, c'est de mieux rembourser dans les domaines où la prise en charge actuelle n'est pas suffisante: les lunettes, les soins dentaires, les prothèses auditives. Nous allons le faire, et rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean-Pierre Michel. Très bien !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Le deuxième objectif, c'est d'être capables de suivre les évolutions thérapeutiques - tout en continuant d'être vigilants, car nous consommons encore trop de médicaments et parfois à des prix excessifs. En un an, le nombre d'appareils d'IRM destinés à la prévention de maladies souvent graves, pour améliorer la sécurité des Français a plus que doublé; il y en a maintenant 182, et nous les finançons. Nous voulons aussi payer à leur juste prix les médicaments innovants, les thérapies coûteuses contre des maladies graves, comme nous l'avons fait pour la trithérapie.
Troisièmement, les retraités demandent à bénéficier d'une part plus grande des fruits de la croissance; et ils ont raison. Nous devrons y réfléchir, alors même que nous affectons de l'argent au fonds de réserve, comme nous nous y étions engagés, pour atteindre les 1 000 milliards de francs en 2020.
Enfin, nous continuerons à mettre en oeuvre une politique familiale ambitieuse, avec Ségolène Royal, et une politique active d'aide aux personnes handicapées.
Je suis heureuse d'annoncer que le retour à l'excédent, pour les Français, c'est effectivement l'assurance que nous n'irons pas vers la sécurité sociale privée, porteuse d'inégalités, et que nous prendrons chaque jour mieux en compte leurs besoins en matière de santé, de politique familiale, de retraite et d'accidents du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Alfred Recours

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité sociale

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 mai 2000

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