Question au Gouvernement n° 2118 :
Allemagne

11e Législature

Question de : M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 24 mai 2000

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. J'ai deux questions à poser, qui concernent M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur. Ces derniers étant malheureusement retenus à l'étranger, je m'adresserai à M. le ministre des relations avec le Parlement.
Après les déclarations «fracassantes» du Premier ministre à Bir Zeit, un ministre important du Gouvernement vient de commettre un dérapage extrêmement lourd de sens, sur une question centrale qui touche à la politique européenne de la France. Il a dit dimanche après-midi: «l'Allemagne ne s'est pas encore guérie du déraillement qu'a été le nazisme dans son histoire». Un peu plus tard, le même jour, répondant au ministre allemand des affaires étrangères lors d'un colloque sur l'Europe, M. Chevènement, toujours lui, disait de l'Allemagne: «Au fond, elle rêve toujours du Saint Empire romain germanique, rêve maladif de l'Allemagne qui ne peut s'affranchir du concept de Volk.»
Ce qui est grave dans cette affaire, ce n'est pas seulement que M. Chevènement n'ait rien compris à l'histoire contemporaine de l'Allemagne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), c'est que ces déclarations fracassantes, elles aussi,...
M. Didier Boulaud. Il fallait écouter Giscard l'autre jour !
M. Pierre Lellouche. ... aient été faites cinq semaines avant la présidence française de l'Union et à l'heure où se déroulait, à Rambouillet, un sommet franco-allemand en présence du Président de la République, du Premier ministre et du chancelier fédéral. Après le ratage français de la réunification de l'Allemagne sous François Mitterrand (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), la gauche nous offre aujourd'hui le spectacle d'au moins trois politiques allemandes: celle du ministre de l'intérieur, celle du ministre des affaires étrangères et celle de certains porte-parole des Verts. Quarante-huit heures après cet épisode, le silence du Gouvernement est consternant. D'où ma question: monsieur le Premier ministre, reprenez-vous, ou non, à votre compte les propos du ministre de l'intérieur ? L'Allemagne est-elle, ou non, guérie du nazisme ? L'Allemagne veut-elle encore faire l'Empire romain germanique ? Et si, comme M. Chevènement, vous pensez que l'Allemagne n'est pas guérie de ces maladies, que diable faisons-nous avec elle à construire l'Europe ?
Ma seconde question s'adresse, elle, au ministre de l'intérieur. Selon une autre de ses déclarations célèbres, «Un ministre ça démissionne ou ça ferme sa gueule.» Monsieur Chevènement, quand comptez-vous tirer les conclusions de vos propres déclarations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Vous l'avez dit, monsieur le député, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur participent au sommet franco-espagnol de Santander, ce qui explique leur absence ici cet après-midi.
M. Jean Bardet. Ca on le savait !
M. le ministre des relations avec le Parlement. Le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de s'exprimer lundi matin sur les réactions qu'avaient provoquées ses déclarations de la veille. Il a en effet souhaité y revenir pour deux raisons: d'une part, parce qu'il estimait que sa pensée avait été trop contractée (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), d'autre part, parce que ses propos ont souvent été déformés. Il a ainsi pu réitérer son attachement à l'amitié franco-allemande et sa confiance dans la construction franco-allemande pour l'avenir de l'Europe. Quant au fond, le débat sur l'avenir de l'Europe et de ses institutions à long terme est parfaitement justifié.
Soyez assurés enfin que le Gouvernement fera tout...
M. Pierre Lellouche. Pour que M. Chevènement n'y participe pas !
M. le ministre des relations avec le Parlement. ... pour que la prochaine conférence intergouvernementale soit couronnée de succès dès que nous serons parvenus à un consensus sur un projet ambitieux. J'observe d'ailleurs que les dirigeants allemands partagent l'analyse du Gouvernement français sur le caractère très constructif du sommet de Rambouillet qui s'est tenu la semaine dernière et que les propos du ministre de l'intérieur provoquent plus de réactions de ce côté du Rhin que de l'autre. Je veux y voir la preuve que la relation franco-allemande est solide et que ces péripéties ne sont pas de nature à l'entamer.
Par ailleurs, monsieur Lellouche, l'essentiel c'est que le ministre de l'intérieur fasse bien son travail (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), au service de l'intérêt général, de la sécurité des Français. Et, avec M. Debré, vous n'avez guère de leçons à nous donner ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Lellouche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : relations avec le Parlement

Ministère répondant : relations avec le Parlement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 mai 2000

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