Question au Gouvernement n° 2120 :
Allemagne

11e Législature

Question de : M. François Léotard
Var (5e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 24 mai 2000

M. le président. La parole est à M. François Léotard.
M. François Léotard. Ma question s'adressera au membre du Gouvernement qui voudra bien répondre au lieu et place de M. le Premier ministre.
La semaine dernière, j'ai posé au nom du groupe UDF une question sur les réactions du gouvernement français à la proposition de M. Fischer, devenue depuis, du fait de l'approbation du chancelier, celle du gouvernement allemand. Pour nos amis allemands, il ne s'agissait, ni plus ni moins, que d'un plan proposé à la France, d'un projet progressif, cohérent, sur lequel on attendait du gouvernement français un jugement explicite, positif ou négatif, conforme à la qualité des relations entre nos deux pays que le général de Gaulle avait voulues. Nous pouvons d'ailleurs penser les uns et les autres à ce qu'était, il y a fort longtemps, en 1962, le plan Fouchet.
Par la voix de l'un de ses ministres les plus importants, aujourd'hui absent, nous avons reçu du gouvernement français une réponse qui sonne comme une insulte à l'Allemagne démocratique d'aujourd'hui. Il ne suffit pas de dire que le nazisme n'était au fond qu'un «déraillement» dans l'histoire allemande. La composition avec un accident ferroviaire n'est qu'une blessure supplémentaire, ajoutée à toutes celles qu'ont connues les victimes du nazisme. Faut-il rappeler dans cet hémicycle que les premières de ces victimes ont été les résistants allemands ? Il ne suffit pas de dire que les propos tenus ont été une maladresse. Il y a, dans l'histoire des nations, des maladresses, appelées aujourd'hui des «contractions», qui sont des fautes contre les peuples.
Le Président de la République française a, quant à lui, eu, sur la responsabilité de la France dans la tragédie qui a accompagné et l'Occupation et la collaboration, des mots courageux qui ont honoré notre pays. Il n'est pas admissible aujourd'hui - pour tout dire, il est fort dangereux - que la construction européenne soit assimilée par un ministre français, aux yeux de l'opinion allemande, à une résurgence du nazisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Joseph Parrenin. C'est une libre interprétation !
M. François Léotard. La question qui est posée au gouvernement de la République française est bien celle-ci, celle de la cohérence de sa politique, celle de la fiabilité de son engagement européen, celle de la crédibilité de ceux qui s'expriment en son nom: oui ou non, le Gouvernement approuve-t-il les propos du ministre de l'intérieur ? Si la réponse est oui, la présidence française de l'Union européenne restera lourdement handicapée dans l'esprit des opinions publiques de part et d'autre du Rhin. Si la réponse est non, il paraîtrait convenable que M. Chevènement mette, de lui-même, un terme à la lourde fonction qu'au nom du Gouvernement il exerce. S'il ne le faisait pas, il appartiendrait au Premier ministre de s'adresser au peuple allemand dans des termes qui ne devraient exclure ni la clarté de l'excuse ni la sincérité de l'amitié. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le ministre, s'agissant de ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur, M. le ministre des relations avec le Parlement a, je crois, fait la mise au point qui s'imposait. («Non !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mais je voudrais vous répondre sur le fond, puisque votre interrogation porte en fait sur la position de la France par rapport à l'Allemagne et à la construction européenne. Il y a quelques jours, nous avons célébré le cinquantenaire de la grande déclaration de Robert Schuman qui a marqué le début de la construction européenne et de l'aventure commune qu'ont décidé de vivre ensemble l'Allemagne et la France. S'il est un point sur lequel, depuis des décennies, tous les présidents de la République, tous les premiers ministres et tous les chanceliers d'Allemagne, quels que soient les péripéties et les événements, ont été d'accord, c'est sur le fait que la construction européenne soit l'une des clés de la politique de la France et repose avant tout sur l'amitié profonde entre l'Allemagne et la France.
M. Alain Barrau. Très bien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce gouvernement, monsieur le ministre, est un gouvernement européen.
M. François d'Aubert. Sauf un de ses membres !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Fischer, récemment, a développé un certain nombre de propositions que vous avez sans doute lues et qui méritent de l'être. On peut être en accord ou en désaccord sur tel ou tel point, mais personne...
M. Maurice Leroy. Sauf Chevènement !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... ne peut mettre en cause l'élévation de pensée de M. Fischer, ni le fait que les questions qu'il pose nous sont posées à tous pour les années qui viennent.
Mme Sylvia Bassot. Même à Chevènement ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Fischer prend le soin de distinguer d'abord...
M. Jean Bardet. La question, c'est Chevènement, pas Fischer !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... la tâche immédiate, à laquelle s'attachent aussi bien le Chancelier Schröder que le Président Chirac et le Premier ministre Jospin, qui est de faire réussir la conférence intergouvernementale.
M. Georges Tron. Ce n'est pas la question !
Mme Yvette Roudy. Mais c'est la réponse !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ensuite, il évoque de grandes perspectives pour le futur et il propose, pour le moyen terme, un certain nombre d'orientations sur lesquelles les options sont ouvertes. Je tiens à vous dire que, pour ce qui dépend du Gouvernement, c'est cette approche européenne, fondée sur l'amitié franco-allemande, qui continuera à être notre déterminant.
M. Jean Bardet. Sauf pour Chevènement ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et puisque vous avez posé, avec une élévation de pensée que je veux saluer, la question des relations franco-allemandes, je voudrais vous répondre, faisant allusion à toute cette polémique, par une phrase de Goethe: «La négation, c'est le néant. Il ne faut pas renverser, il faut bâtir.»
M. Pierre Lellouche. Expliquez-le à Chevènement !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'objectif de ce gouvernement c'est de bâtir, et en particulier de bâtir sur l'amitié entre l'Allemagne et la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. François Léotard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 mai 2000

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