Question au Gouvernement n° 2148 :
téléphone

11e Législature

Question de : M. François Goulard
Morbihan (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 31 mai 2000

M. le président. La parole est à M. François Goulard.
M. François Goulard. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je voudrais, après mon collègue du groupe communiste, revenir sur le rachat par France Télécom de la compagnie britannique Orange. Le montant de cette transaction, autorisée par votre Gouvernement, puisque l'Etat détient 63 % de cette société publique, s'élève à 300 milliards de francs. Or cette somme est considérable au regard, par exemple, du montant du fonds consacré à financer les obligations de service public de l'opérateur national et alimenté par les opérateurs qui est de l'ordre de 2 milliards de francs.
Ces 330 milliards de francs incluent le prix de la licence de téléphonie mobile de troisième génération, dite «UMTS», acquitté par la compagnie, soit 40 milliards de francs. En autorisant ce rachat par France Télécom, vous avez donc admis, monsieur le ministre, qu'une licence de téléphone de troisième génération valait 40 milliards. Si tel n'était pas votre point de vue, vous auriez évidemment interdit à France Télécom de procéder à cette acquisition, très largement grevée par le coût de cette licence.
Dès lors, comment pouvez-vous justifier que le prix d'une licence de téléphone de troisième génération soit sensiblement différent de 40 milliards en France ? Vous avez évoqué, tout à l'heure, les obligations de service public. Or celles-ci ne représentent que 2 ou 3 milliards. Au demeurant, elles n'empêchent nullement, une fois qu'elles ont été inscrites dans un cahier des charges, de procéder à des enchères publiques.
Mais si vous refusez cette logique, si vous offrez des licences à faible prix ou à prix nul, vous ferez un cadeau aux actionnaires des sociétés qui se verront attribuer gratuitement ces licences. Pourquoi un tel cadeau ?
Surtout, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que vous alliez décider dans les quinze jours. Or cette question concerne tous les Français. Je le rappelle, 24 millions d'entre eux ont un téléphone mobile, aujourd'hui. Elle intéresse aussi des groupes industriels très importants de notre pays. Enfin, elle porte sur 150 ou 200 milliards de francs. Trouvez-vous convenable qu'une telle décision soit prise dans le secret de votre cabinet, en l'absence de toute transparence ? Ne relève-t-elle pas plutôt du Parlement, qui pourrait en débattre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je vous remercie de cette question. («Ah !» sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous connaissez mieux que moi les règles de fonctionnement du système économique international. Une société britannique, Orange, titulaire, depuis peu, d'une licence de téléphonie mobile a été mise en vente par son propriétaire, Vodafone. Et toute une série d'acheteurs potentiels se sont présentés. Finalement, c'est France Télécom qui est devenu propriétaire d'Orange et, par là même, de cette licence, même si celle-ci a été acquise très cher. C'est la loi du - comment dit-on déjà ? - du «marché». (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Cela étant, ce n'est pas parce que les Britanniques ont, dans des conditions spécifiques, et selon des critères n'appartenant qu'à eux, décidé un certain prix qu'automatiquement nous devons nous aligner. En même temps, il faut reconnaître que cette donnée existe d'autant que les Allemands s'apprêtent, vous le savez sans doute, à agir de même.
J'entends, d'un côté et de l'autre de l'hémicycle - et d'ailleurs surtout sur les bancs de l'opposition -, des raisonnements assez différents.
M. Renaud Donnedieu de Vabres. Il faut un grand débat !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, monsieur Goulard, la semaine dernière ou celle qui la précédait - et cela prouve que nous parlons fréquemment et à juste titre de ce sujet - l'un de vos collègues a déclaré que c'était beaucoup trop cher. Je ne sais pas du reste par rapport à quoi il se situait puisque le Gouvernement n'a pas encore fait connaître son appréciation. En tout cas, puisque vous avez visiblement des difficultés à vous mettre d'accord (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), le Gouvernement, qui est compétent en ce domaine, tranchera.
J'en arrive enfin à la saisine du Parlement. Vous le savez, il existe une loi prévoyant que l'Autorité de régulation des télécommunications doit définir toute une série de règles; je l'ai rappelé en répondant à la question pertinente de M. Billard. Pour le prix, après évaluation très précise - il ne s'agit pas d'opérer à partir de je ne sais quel arbitraire -, le Gouvernement aura à décider. Si vous souhaitez que ce point fasse l'objet de questions et de réponses - ce ne sera jamais que la cinquième fois -, nous procéderons ainsi. Compte tenu de l'importance du sujet, c'est avec un grand plaisir que nous vous mettrons d'accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Arnaud Lepercq. C'est un peu court !

Données clés

Auteur : M. François Goulard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mai 2000

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