Question au Gouvernement n° 2159 :
prêts de livres

11e Législature

Question de : Mme Huguette Bello
Réunion (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 1er juin 2000

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.
Mme Huguette Bello. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Depuis plusieurs années, la bataille du prêt payant en bibliothèque fait à nouveau rage. Signée par 300 écrivains, une pétition a été lancée par le Syndicat national de l'édition et la Société des gens de lettres qui considèrent les prêts de livres sans rémunération dans les bibliothèques comme une sorte de contrefaçon et réclament le paiement de cinq francs par livre emprunté. La riposte à cette initiative n'a pas tardé avec une contre-pétition de ceux qui sont résolument opposés au prêt payant. La stagnation des ventes de livres et l'arrivée des nouvelles technologies sont au coeur de ce débat.
Prétendre résoudre les difficultés du secteur du livre en instaurant le prêt payant direct par le lecteur ou indirect par les collectivités locales est illusoire, inefficace et anticulturel. S'attaquant au fondement même du droit de tous à la culture, le prêt payant remet en cause toute la politique de lecture publique poursuivie par l'Etat et les collectivités locales à travers notamment les bibliothèques. Remettre en cause, pour des intérêts corporatistes, l'accès gratuit au livre c'est prendre le risque de détourner de la lecture un grand nombre de personnes, notamment les plus démunis. C'est faire planer sur la lecture une sélection supplémentaire par l'argent. C'est finalement porter préjudice au livre lui-même.
Comme vous vous y étiez engagée lors de votre arrivée rue de Valois, vous avez entamé, madame la ministre, une série de consultations. Pouvez-vous déjà livrer à la représentation nationale les grandes lignes de votre réflexion et lui préciser le sort que vous réservez à la directive europénne de novembre 1992, qui permet de rendre payant le prêt dans les bibliothèques et contre l'application de laquelle nous nous élevons une fois de plus ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste ainsi que quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, votre question fait écho à un débat très vif qui s'est développé dans le pays au moment même où j'arrivais au ministère de la culture et de la communication. Pour ma part, d'ailleurs, je ne déplore pas que de tels sujets puissent faire partie intégrante du débat public dans notre pays. («Très bien !» sur quelques bancs.)
Je me suis immédiatement saisie du dossier, car la question me paraît doublement légitime.
D'abord, elle confronte deux préoccupations fondamentales pour nous, celle du respect du droit d'auteur, auquel nous sommes indéfectiblement attachés, et celle de la politique du livre et de la lecture dans laquelle, depuis vingt ans, l'Etat et les collectivités territoriales se sont engagés résolument et efficacement.
Ensuite, cette question rejoint le vaste sujet du droit de la propriété intellectuelle dans le contexte en complète mutation du développement de la société de l'information, sujet qui, vous le savez, angoisse profondément les professionnels de la chaîne du livre, en particulier les auteurs, et qui donne lieu actuellement à de vastes discussions au plan européen, discussions qui devraient, je l'espère, aboutir dans des délais raisonnables.
Personnellement, madame la députée, je regrette le ton parfois excessivement passionnel, accusateur, qui a pu être employé par les uns et les autres pour exprimer leur conviction. Mais j'y vois le signe d'une très réelle inquiétude plutôt que l'expression d'intérêts corporatistes. Le poids respectif des positions prises montre bien qu'il n'y a pas de réponse simple à cette question. Cela rend d'autant plus nécessaire la recherche consensuelle de solutions constructives, élaborées avec l'aide de tous et dans l'intérêt de tous.
En ce moment même et depuis mon arrivée au ministère, je consulte très méthodiquement les élus et tous les professionnels, quelle que soit leur approche du dossier. De ces consultations, je retire l'impression d'une volonté réelle de trouver des solutions qui englobent et dépassent la seule question du prêt dit gratuit pour considérer l'ensemble des problèmes de la chaîne économique du livre.
Sur le fond de la question, je tiens à dire clairement ici qu'il n'est pas envisageable d'adopter une formule de paiement à l'acte. Pour moi, l'acquis politique de vingt années de lecture publique ne doit pas être fragilisé et encore moins remis en cause. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La progression constante du prêt dans les bibliothèques doit être considérée par tous comme une donnée très positive du développement de la lecture dans ce pays, donc de l'avenir du livre et des auteurs. Nul ne saurait dire aujourd'hui ce que serait le nombre de lecteurs dans notre pays si une telle politique publique n'avait pas été menée.
M. le président. Pouvez-vous conclure, madame la ministre, s'il vous plaît ?
Mme la ministre de la culture et de la communication. Naturellement, je m'attache à rechercher des solutions économiques au problème de la juste rémunération des auteurs ainsi qu'à celui, plus large, des flux impliqués dans la chaîne complexe et fragile du livre, de l'auteur au lecteur en passant par le libraire. Ma recherche se veut sans a priori et sans exclusive.
Je me suis fixé un calendrier: conduire les consultations jusqu'à l'été, mettre dès la rentrée des propositions sur la table et conclure avant la fin de l'année. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : Mme Huguette Bello

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Archives et bibliothèques

Ministère interrogé : culture et communication

Ministère répondant : culture et communication

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juin 2000

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