élections municipales
Question de :
M. Christophe Caresche
Paris (18e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 7 juin 2000
M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Je voudrais, monsieur le ministre, revenir sur l'affaire des faux électeurs de Paris. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste.)
Depuis une semaine, on assiste dans cette affaire à des manoeuvres, à des surenchères, dont le caractère improvisé n'aura échappé à personne, mais dont le but est de semer la confusion et de masquer les responsabilités.
La vérité, c'est que cette affaire a révélé l'existence d'un vaste système de fraude, méthodiquement organisé. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est scandaleux !
M. Christophe Caresche. Ce sont des élus, et pas des moindres, des fonctionnaires de la mairie de Paris, qui sont mis en cause dans ce véritable rapt électoral qui, dès 1989, a privé certains arrondissements de l'alternance. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lucien Degauchy. Vous n'avez pas de leçons à nous donner !
M. Christophe Caresche. La vérité, c'est que nous avons avec cette affaire une nouvelle illustration de ce lien organique entre un parti, ses alliés et la ville de Paris, lien dont parlait en expert un de nos collègues. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lucien Degauchy. Et si on parlait de la MNEF ?
M. Christophe Caresche. La vérité, c'est que ces agissements étaient connus des responsables des partis concernés, car ils touchaient au coeur du fonctionnement de ces partis.
Le groupe socialiste souhaite tout d'abord que des sanctions exemplaires soient prises à l'encontre de ceux qui ont bafoué la démocratie.
L'Etat, confronté à une situation de fraude très exceptionnelle, dont j'ai rappelé les responsabilités, se doit de tout mettre en oeuvre pour garantir la sincérité des listes électorales à Paris.
Depuis 1997, un travail important a été accompli dans ce sens, puisque plus de 100 000 électeurs ont été radiés des listes électorales parisiennes. Ne pensez-vous pas cependant que de nouvelles mesures réalistes et crédibles pourraient être envisagées, et j'ai sur ce point deux questions précises à vous poser ? Est-il possible que des magistrats désignés par le préfet (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République) puissent siéger à l'avenir dans les commissions administratives ? Est-il possible que le Gouvernement saisisse les instances compétentes pour permettre aux commissions administratives et au préfet de consulter les fichiers existants et en particulier ceux de l'administration fiscale, dans le respect des libertés individuelles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Michel Ferrand. Des magistrats désignés par le préfet ! Qu'est-ce que c'est que cette démocratie ?
M. Jean-Louis Debré. On rêve !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, et à lui seul, s'il vous plaît !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, le Gouvernement est bien sûr prêt à prendre toutes les mesures nécessaires («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) dès lors qu'elles sont réalistes et crédibles.
Je ne reviens pas sur ce qui a déjà été fait, vous l'avez dit excellemment, et je l'avais moi-même rapporté dans cet hémicycle le 30 mai dernier.
Peut-on faire plus ? Assurément !
M. François Goulard. Gare aux déraillements !
M. le ministre de l'intérieur. Le Gouvernement privilégie une démarche rapide et réaliste, l'amélioration de la procédure de révision des listes électorales, qui, vous le savez, est ouverte du 1er septembre au 31 décembre, plutôt qu'une illusoire refonte complète des listes.
M. Jean-Pierre Michel. Très bien !
M. Pierre Lellouche. C'est vous qui en avez parlé ici même, monsieur le ministre !
M. le ministre de l'intérieur. Je commencerai, si vous le voulez bien, par ce dernier point.
Bien entendu, et on peut le comprendre, M. Philippe Séguin, en préconisant la refonte des listes, cherchera peut-être à se positionner en rupture par rapport aux pratiques que la justice met progressivement à jour, notamment à Paris.
M. Jean-Claude Perez. Par rapport aux tricheurs !
M. Michel Terrot. Parlez-nous de la MNEF !
M. le ministre de l'intérieur. Je souhaite attirer son attention et celle des députés qui pourraient être amenés à déposer une proposition de loi sur les dangers que comporterait une telle démarche de refonte complète des listes. Je ne sais pas si vous avez bien mesuré ce que signifie une telle opération. Elle obligerait, rien qu'à Paris, 1 047 000 électeurs à retourner en mairie, munis de documents apportant la preuve qu'ils sont bien électeurs, pour s'inscrire à nouveau.
M. Philippe Séguin. Et alors ?
M. Pierre Lellouche. C'est vous qui en avez parlé !
M. le ministre de l'intérieur. Juridiquement, la loi instituant cette mesure exceptionnelle devrait s'appliquer à l'ensemble de la République et pas seulement à Paris, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 9 mai 1991.
M. Philippe Séguin. Vous avez mal lu !
M. le ministre de l'intérieur. Elle conduirait donc 40 millions d'électeurs à se réinscrire. Cela reviendrait à sanctionner l'immense majorité des électeurs honnêtes, avec toutes les conséquences que vous pouvez imaginer.
M. Jean-Pierre Michel. C'est pour cela que Chirac a choisi le référendum !
M. le ministre de l'intérieur. J'ajoute que le référendum, tel que le Président de la République l'a laissé entrevoir, devrait sans doute intervenir d'ici là.
Je le dis clairement, il n'est pas question d'imposer à l'ensemble des électeurs, ni même aux Parisiens, de se réinscrire en mairie d'ici au mois de décembre, dans des conditions d'accueil et de contrôle qui seraient particulièrement aléatoires. Je pense en particulier aux jeunes et aux personnes âgées.
Comment garantir, d'ailleurs, qu'une telle opération n'entraînerait pas des fraudes plus massives encore (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), dès lors qu'ils serait impossible, dans les délais impartis, de vérifier systématiquement toutes les inscriptions, particulièrement dans les grandes villes ?
M. Pierre Lellouche. Là, vous déraillez, monsieur le ministre !
M. le ministre de l'intérieur. M. Séguin est à l'origine de la réforme constitutionnelle instituant la session unique. Il connaît bien les contraintes du calendrier parlementaire. Il faudrait qu'une loi prévoyant la refonte des listes électorales soit adoptée avant le 30 juin.
M. Philippe Séguin. Et alors ?
M. le ministre de l'intérieur. Pensez-vous que ce soit réaliste ?
M. Philippe Séguin. Oui !
M. Patrick Ollier. L'ordre du jour, c'est le Gouvernement qui en est maître !
M. le ministre de l'intérieur. Cette démarche serait, à mon sens, un trompe-l'oeil ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, j'imagine que vous souhaitez une réponse. Je vous prie d'écouter le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l'intérieur. Le Gouvernement choisit d'aller vite pour améliorer la procédure de révision des listes, qui commence, je vous le rappelle, le 1er septembre prochain.
J'adresse aux préfets une circulaire (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour leur demander d'apporter le plus grand soin au choix et à la formation des délégués de l'administration au sein des commissions administratives. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Je leur demande de désigner un fonctionnaire ou, à défaut, un citoyen d'une sensibilité politique différente de celle de la majorité municipale, afin que la commission administrative ne soit pas monolithique.
M. Pierre Lellouche. C'est n'importe quoi !
M. le ministre de l'intérieur. En second lieu, j'ai fait connaître à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, les mesures prises vis-à-vis des délégués de l'administration pour qu'elle puisse informer les présidents de tribunal de grande instance, qui auront pour leur part à désigner un délégué au sein de chacune de ces commissions. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Claude Perez. Tricheurs ! Tricheurs !
M. le ministre de l'intérieur. Apparemment, ce qui pourrait être une démarche simple et pratique ne vous intéresse pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce qui vous intéresse, ce sont les effets d'esbroufe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
J'entends saisir le Conseil d'Etat pour lui demander si le renforcement de l'information des commissions administratives peut se faire dans un délai rapide. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ma demande porte sur trois points: tout d'abord, prévoir que les commissions de propagande transmettent aux commissions administratives les enveloppes des électeurs n'habitant pas à l'adresse figurant sur la liste électorale retournée par La Poste; deuxièmement, autoriser, dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, l'accès des commissions administratives au fichier des contributions directes locales...
Mme Odette Grzegrzulka. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur. ... et aux changements d'adresse déclarés à La Poste; troisièmement, mettre en oeuvre, toujours dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978, les recoupements de fichiers, notamment fiscaux, par l'entremise de l'INSEE.
M. Pierre Lellouche. Heureusement que vous êtes ministre des libertés publiques !
M. le ministre de l'intérieur. Vous mesurez l'importance de ces mesures ! (Exclamations sur divers bancs.)
Je crois savoir que certains députés vont proposer que ce soit le ministre de l'intérieur qui procède à ces recoupements. (Exclamations sur divers bancs.) Je les remercie de cette confiance ! Mais que n'auraient-ils dit si le Gouvernement, de lui-même, avait proposé d'opérer ces recoupements et ces interconnexions ?
C'est pourquoi le Gouvernement veut savoir, et c'est l'objet de cette consultation du Conseil d'Etat, ce qui, dans le respect du droit et des libertés, peut être fait à législation constante. Tout ce qu'il sera possible de faire sera mis en oeuvre rapidement. S'il faut procéder par la loi pour améliorer, dans les meilleurs délais possibles, bien entendu, la transparence, l'information et les pouvoirs des commissions administratives, nous le ferons, éclairés, sans doute, par les nombreuses propositions de loi que vous annoncez. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
Auteur : M. Christophe Caresche
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Élections et référendums
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juin 2000