Question au Gouvernement n° 2172 :
chiens

11e Législature

Question de : M. Didier Quentin
Charente-Maritime (5e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 7 juin 2000

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.
M. Didier Quentin. Monsieur le ministre de l'intérieur, je souhaite vous interroger sur les leçons que vous entendez tirer du nouveau drame provoqué par des chiens d'attaque.
En effet, le jeudi 1er juin, dans la commune de Tonnay-Charente, située dans ma circonscription de Charente-Maritime, une dame âgée de quatre-vingt-six ans effectuant une paisible promenade a été tuée dans des conditions atroces par un pitt-bull et quatre staffordshires sans surveillance. Et je tiens à me faire l'écho ici, de la douleur de la famille et de l'indignation de la population.
Monsieur le ministre, vous avez été plusieurs fois interrogé sur les dangers que présentaient ces chiens d'attaque, et encore tout récemment, le 9 mai dernier, par mon collègue Pierre Morange, à la suite de l'agression d'un petit garçon de quatre ans par un pitt-bull dans les Yvelines. Vous aviez alors fait l'éloge de la loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants. Vous aviez rappelé que cette loi impose un certain nombre de sujétions aux propriétaires de ces animaux et qu'elle prévoit un dispositif complet concernant l'identification du chien, la vaccination antirabique et l'assurance. Vous aviez ajouté que le défaut des attestations afférentes est sanctionné. Enfin, vous y aviez conclu en déclarant avec force: «Aujourd'hui, il existe un dispositif législatif et réglementaire qu'il convient maintenant de faire appliquer».
Malheureusement, force est de constater que l'application de ce texte sur le terrain est cruellement défaillante.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, alors que continuent la vente et le trafic de ces bêtes qui tuent et qu'il en reste encore environ 140 000 en France, dont près de 40 000 pitt-bulls, quelles mesures concrètes, précises et rapides vous comptez prendre pour éviter la répétition de drames comme celui de Tonnay-Charente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Naturellement, monsieur le député, chacun peut comprendre l'émotion qu'a provoqué le drame de Tonnay-Charente.
Je crois qu'il faut tout de même rappeler quelle est la responsabilité des propriétaires de ces cinq chiens, propriétaires qui n'ont pas appliqué à la loi et qui encourent par conséquent de graves sanctions.
Cette loi, on peut la critiquer, mais elle a le mérite d'exister. Au demeurant, vous ne l'avez pas votée. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce texte prévoit des sujétions, des interdictions dont l'inobservation fait l'objet de sanctions: amendes ou peines de prison.
M. Hervé de Charette. Cette loi est inappliquée !
M. le ministre de l'intérieur. L'existence même de cette loi rend les contrôles plus faciles.
Quelques chiffres: au 31 mars 2000, dans Paris intra muros, les services de la préfecture de police ont constaté une centaine d'affaires; sur l'ensemble du territoire hors Paris, 310 chiens de la première catégorie - chiens d'attaque - et 2 471 de la deuxième catégorie - chiens de garde et de défense - ont fait l'objet d'une déclaration en mairie. Ces chiffres ne concernent que le cinquième des départements et sont donc très en dessous de la réalité.
La loi commence à s'appliquer. Nous devons la mettre en oeuvre avec plus de résolution. C'est ce à quoi je m'attache et m'attacherai...
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Attachez plutôt les chiens ! (Rires.)
M. le ministre de l'intérieur. ... en développant la formation des unités de police, dont je rappelle que le rôle n'est pas de capturer les chiens, mais d'abord de les identifier.
Des milliers de notices «Chiens dangereux» ont été diffusées par l'Institut national de la formation de la police nationale de Clermont-Ferrand. J'ai adressé, le 17 mars 2000, une circulaire qui permet d'assurer localement une action de formation continue, et je m'apprête à généraliser les formations qui ont été instituées par certaines directions départementales de la sécurité publique.
Je voudrais souligner que la police n'est pas seule à avoir une responsabilité en la matière: il faut aussi envisager celle de l'administration et des collectivités locales. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. François d'Aubert. Elles n'en ont pas les moyens !
M. le ministre de l'intérieur. Ainsi, dans l'affaire qui nous occupe, le préfet de Charente-Maritime s'est acquitté de son obligation d'informer les maires.
De même, la direction départementale des services vétérinaires et l'association départementale des vétérinaires sont tenues d'informer les propriétaires de chiens des sujétions qui sont désormais les leurs et des obligations qui s'imposent à eux.
Je voudrais également rappeler que les communes doivent, seules ou en accord avec leurs voisines, réaliser des fourrières communales, et que dans certains cas, les départements doivent instituer des fourrières départementales, car la loi prévoit la mise en fourrière des chiens dangereux.
M. Jean-Louis Debré. Des fourrières citoyennes ! (Rires.)
M. le ministre de l'intérieur. Je voudrais cependant souligner, pour conclure, que, lorsque les conditions de placement sont susceptibles de rendre l'animal dangereux ou de mettre sa santé en péril, le juge, saisi par le procureur, peut décider l'euthanasie du chien. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
De la même manière, les maires doivent pouvoir faire appel aux dispositions des articles 1er et 2 de la loi du 6 janvier 1999, qui leur permettent de décider, après mise en demeure, le placement des chiens dangereux et non stérilisés, et leur euthanasie, lorsqu'ils sont saisis de la présence de ces chiens par un bailleur de logement.
Je crois qu'il faut dépasser un certain nombre de frilosités et qu'il convient d'appliquer fermement la loi, à tous les niveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe RPR, du groupe de l'UDFA et du groupe DLI.)

Données clés

Auteur : M. Didier Quentin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juin 2000

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