génétique
Question de :
M. André Aschieri
Alpes-Maritimes (9e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert
Question posée en séance, et publiée le 8 juin 2000
M. le président. La parole est à M. André Aschieri.
M. André Aschieri. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Le 30 juillet 2000, la directive européenne 98/44 devra s'imposer en droit français. Elle concerne la brevetabilité du vivant. Une fois encore, l'idéal européen se voit manipulé par les lobbies industriels.
Au fond, cette directive européenne ne crée-t-elle pas un privilège pour une poignée de transnationales ?
Elle nous trompe !
Selon le paragraphe 1 de son article 5, le corps humain, y compris la séquence partielle d'un gène, ne peut constituer une invention brevetable. Mais revenant au réalisme marchand, le même article, dans son paragraphe 2, affirme le contraire: «Un élément isolé du corps humain [...], ou la séquence partielle d'un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel.
Cette position est en contradiction avec celle de différentes instances nationales et internationales, en particulier le Comité consultatif national d'éthique français et le Comité international de biothique de l'UNESCO.
Elle est aussi en opposition avec la loi française de 1994 qui serait abrogée d'autorité par la directive, dans la torpeur de l'été. Le Parlement français, qui réexaminera la loi sur la bioéthique, serait donc mis devant le fait accompli.
D'autre pays ont réagi. En effet, la Norvège, les Pays-Bas et l'Italie ont déposé un recours contre ce texte devant la Cour européenne de justice. Notre pays, madame la ministre, doit se porter à l'avant-garde de toute action contre la privatisation du vivant, privatisation qui confisquerait un espace de liberté essentiel au profit exclusif d'intérêts privés. Il me semble donc indispensable de ne pas accepter de transposer cette directive dans le droit français.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Aschieri, s'il vous plaît.
M. André Aschieri. Madame la ministre, vous associerez-vous à l'action des trois pays de l'Union européenne dans ce combat ? Quelle sera la position de la France, le 22 juin, à Bordeaux, lors de la réunion très importante du G 8 sur la bioéthique, où il sera question de décider de la privatisation du vivant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, la possibilité de breveter des séquences de génome humain, vous l'avez souligné, suscite un intérêt réel auprès de certains chercheurs et industriels, mais aussi de grandes craintes, spécialement dans notre pays, où nous avons une tradition de non-commercialisation du corps humain.
La directive européenne est, en effet, incompatible avec nos lois. Elle l'est avec les lois sur la bioéthique de 1994, avec le code de la propriété industrielle qui interdit la brevetabilité du génome humain, ainsi qu'avec les dispositions de l'article 16-5 du code civil qui prohibe la commercialisation du corps humain, de ses éléments ou de ses produits. Et cette interdiction, nous le savons, correspond à des impératifs éthiques et culturels qui sont profondément ancrés dans la conscience de nos concitoyens.
C'est pourquoi la transposition de la directive, dans le respect de ces principes essentiels de notre droit, rencontre des obstacles considérables et soulève de très gros problèmes. Il faut donc qu'un débat s'instaure dans notre pays sur ce sujet. Je vous indique que le Gouvernement a sollicité l'avis du comité consultatif national d'éthique sur cette question, que cet avis est attendu très prochainement, que l'Académie de médecine et l'Académie des sciences se sont également saisies de cette question et que nous disposons d'ores et déjà du rapport du Conseil d'Etat du 25 novembre 1999 sur la révision des lois de bioéthique qui exprime déjà de grandes réserves et constate l'incompatibilité de cette directive avec nos lois.
Il est indispensable que le Parlement puisse débattre des conséquences de la mise en oeuvre de ce texte. J'ai reçu, aujourd'hui même, le président et les rapporteurs de la mission parlementaire sur la bioéthique et je considère que, sur ce sujet, plus encore que sur tout autre, il est indispensable que le Parlement soit associé à l'élaboration des solutions que nous devrons apporter à ces graves questions. En tout cas, un projet de loi sera très prochainement soumis à votre Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)
Auteur : M. André Aschieri
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Bioéthique
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 8 juin 2000