Question au Gouvernement n° 2209 :
régime d'assurance chômage

11e Législature

Question de : M. Renaud Dutreil
Aisne (5e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 15 juin 2000

M. le président. La parole est à M. Renaud Dutreil.
M. Renaud Dutreil. Monsieur le Premier ministre, l'emploi repart, en France, comme dans tous les pays industriels, et ce phénomène, chacun en convient - si ce n'est ici, du moins dans le monde du travail et de l'entreprise -, doit moins aux 35 heures, en tout cas beaucoup moins aux vantardises des uns et aux coups de clairon des autres, qu'à une reprise vigoureuse de la conjoncture internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Franck Dhersin et M. Germain Gengenwin. Très bien !
M. Renaud Dutreil. Cette reprise, toutefois, laisse au bord de la route un très grand nombre de nos concitoyens, pratiquement 3 millions d'entre eux, sans emploi ou dans une situation de précarité.
Ce matin, les partenaires sociaux - le MEDEF, la CFDT, la CFTC et la CGC - semblent avoir trouvé un terrain d'entente sur une réforme ambitieuse de l'UNEDIC.
Cette réforme vise à apporter à chaque demandeur d'emploi une aide personnalisée, assortie, le cas échéant, d'une formation. En contrepartie, et cela semble justice, le demandeur d'emploi s'engagera à rechercher effectivement un travail.
En outre, cette réforme devrait permettre de mieux indemniser les demandeurs d'emploi, à assurer aux jeunes une meilleure couverture face au problème du chômage et de réduire les cotisations des salariés et des employeurs, ce qui serait bon pour le pouvoir d'achat des salariés comme pour la reprise.
Depuis que cette négociation est engagée, vos ministres n'ont eu de cesse de s'immiscer dans cette négociation, afin d'influencer les partenaires sociaux, comme s'ils souhaitaient la faire échouer, notamment par une lettre du 3 juin adressée aux partenaires sociaux. On sait le peu de cas que Mme Aubry fait du dialogue social (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), mais on attendait mieux de M. Fabius, qui, lui, est habituellement plus mesuré, semble plus attentif à la liberté et a plusieurs fois employé le mot «contrat», ces temps derniers.
Alors, monsieur le Premier ministre, allez-vous respecter la liberté des partenaires sociaux ? Allez-vous respecter le dialogue social ? Allez-vous vous opposer à l'accord élaboré la nuit dernière, même s'il est signé par trois centrales syndicales, ou bien allez-vous laisser le dialogue social poursuivre son chemin, pour que les demandeurs d'emploi puissent trouver un travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je ne me lasse jamais de rappeler les faits. Je vais donc vous donner les statistiques de l'OCDE sur la réduction du taux de chômage ces six derniers mois en France et dans le reste de l'Europe. Elles viennent d'être publiées. («Ce n'est pas la question !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Yves Nicolin. Hors sujet !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous verrez ainsi qu'en France, le chômage a baissé quatre fois plus vite que dans le reste de l'Europe: moins 1,2 %, contre moins 0,3 % de moyenne européenne, moins 0,8 % en Allemagne, moins 0,3 % en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas, moins 0,1 % en Italie et au Royaume-Uni. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Les faits sont têtus. En démocratie, il faut toujours s'en rapprocher.
Mme Christine Boutin. La question !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, monsieur le député, vous me faites un grand honneur en évoquant mes positions en matière de négociation collective. Dois-je vous rappeler que j'ai eu la chance d'être le directeur de cabinet de Jean Auroux lorsque nous avons fait voter la loi sur la négociation collective (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), au moment où vous disiez, sur ces bancs, qu'il ne fallait pas laisser les syndicats entrer dans l'entreprise, que la négociation amputait le pouvoir unilatéral du chef d'entreprise ? Ce n'est donc pas à moi, qui me bats depuis 1975 dans mon ministère pour le développement de la négociation à tous les niveaux, de recevoir de vous des leçons en matière de négociation collective ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialise, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) D'ailleurs, à notre arrivée au pouvoir, nous avons trouvé un pays dans lequel la négociation était en panne. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Regardez les rapports présentés par M. Barrot à la Commission nationale de la négociation collective !
M. Bernard Accoyer. Ca y est, elle rechute ! Elle ne peut pas résister à ses pulsions !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. On ne négociait plus au niveau interprofessionnel. Jamais la négociation de branche n'a été aussi ténue qu'entre 1993 et 1997, alors que, grâce à la réduction de la durée du travail, nous avons aujourd'hui un mouvement de négociations sans précédent dans les entreprises.
M. André Santini. Et alors ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est nouveau, tant mieux ! Nous devons nous en féliciter.
M. Yves Nicolin. Combien de grèves !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'en viens au protocole qui a été discuté cette nuit par les partenaires sociaux. Nous attendons des signatures - nous n'avons pas encore les réponses. De plus, une convention devrait reprendre, avant fin juin, les dispositions relevant de l'indemnisation chômage. En effet, certaines dispositions figurant dans ce texte relèvent des partenaires sociaux. Nous les examinerons le moment venu, lorsque cette convention nous sera présentée.
Ensuite, je voudrais redire clairement, et je suis étonnée que certains députés puissent s'en émouvoir, que, dans notre pays, l'Etat est garant de l'égalité des chances du retour à l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) C'est ce que le Gouvernement a rappelé avant cette négociation aux organisations patronales et syndicales pour ne pas les prendre en traître. Il ne peut être question pour nous d'accepter que le service public de l'emploi soit réservé aux chômeurs de longue durée et aux titulaires des minima sociaux, tandis que ceux qui sont sur les rails, indemnisés - ils ne sont que 40 % aujourd'hui -, bénéficieraient d'un traitement spécial de la part de l'UNEDIC, où les offres d'emploi seraient déposées. Cela irait à l'encontre de votre volonté de lutter contre l'exclusion et de nous attaquer, comme nous le faisons actuellement, au noyau dur du chômage, de longue durée en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Voilà ce que nous avons rappelé !
M. Edouard Landrain. Ce n'est pas une réponse !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, et c'est dans cet esprit que nous examinerons, avec intérêt, la convention lorsqu'elle nous sera présentée, je n'oublie pas que l'Etat a apporté 30 milliards à l'UNEDIC quand le chômage était important, notamment lorsque vous étiez au pouvoir.
M. Alain Néri. Eh oui !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il n'est donc pas anormal que nous nous attachions à clarifier les relations entre l'Etat et l'UNEDIC maintenant que la situation du chômage s'améliore - j'ai la faiblesse de penser que le Gouvernement n'y est pas pour rien - tant et si bien d'ailleurs, et je m'en réjouis, que l'on peut envisager d'améliorer l'indemnisation du chômage et même d'indemniser ceux qui, aujourd'hui, ne reçoivent rien. C'est dans cet esprit, et seulement dans cet esprit, que nous examinerons, avec grand intérêt et en nous attachant à assurer l'égal accès de tous à l'emploi, l'accord qui devrait être signé. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Renaud Dutreil

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Chômage : indemnisation

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 juin 2000

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