immigration clandestine
Question de :
M. Rudy Salles
Alpes-Maritimes (3e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 21 juin 2000
M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.
M. Rudy Salles. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La mort de cinquante-huit immigrants découverts à Douvres dans un camion frigorifique, au-delà de l'horreur qu'elle suscite, met en lumière la difficulté de lutter efficacement et en amont contre l'immigration clandestine.
Elle relève que, dans le domaine du contrôle de l'immigration comme dans celui de la justice avec le problème de l'extradiction de Rezala, ce n'est pas de trop d'Europe que nous souffrons, mais au contraire de l'absence d'Europe.
Le Président de la République lui-même a exprimé ce point de vue hier, au sommet de Feira, au Portugal, en demandant le renforcement de la coopération entre les Etats membres et l'accélération de la mise en oeuvre des conclusions du conseil européen de Tempere en matière d'asile et d'immigration.
En effet, la chute du mur de Berlin et la prospérité de l'Union européenne ont eu pour conséquence d'amener les filières de la honte à se développer, puisque ce sont près de 500 000 immigrés clandestins qui arrivent chaque année en Europe.
L'UDF a toujours plaidé pour l'harmonisation des politiques européennes en la matière et surtout pour la création d'un corps de douane et d'un corps de police des frontières européen, de façon à les rendre véritablement opérationnelles en exerçant plus efficacement les contrôles aux frontières extérieures de l'Union et en traquant ces odieux trafics d'innocents. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) De la même façon, nous souhaitons un renforcement des peines à l'encontre des passeurs.
Ma question est simple: quelles initiatives entendez-vous prendre dans ce domaine pendant la période où la France exercera la présidence de l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, votre question relative au drame de Douvres nous renvoie à une problématique plus générale: celle de la capacité de l'Europe à maîtriser les flux migratoires dans des conditions humaines, d'une part, en aidant les pays source à se développer et à retenir leur population, d'autre part, en permettant une intégration convenable des étrangers légalement établis sur notre sol.
C'est cette problématique qu'a reprise le Conseil européen de Tampere. Vous reconnaissez, à travers ce triptyque codéveloppement - intégration - maîtrise des flux migratoires, la politique que le Gouvernement a développée ici même à l'occasion de l'examen du projet de loi dit RESEDA, que vous avez combattu mais qui est devenu une loi votée par le Parlement.
Je pense sincèrement, monsieur le député, que vous devez prendre en compte les problèmes au niveau où ils se posent. Je vous entends flétrir l'absence d'Europe...
M. Jacques Limouzy. Il y en a trop !
M. le ministre de l'intérieur. Peut-être savez-vous que la Grande-Bretagne comme l'Irlande se sont mises en dehors du traité d'Amsterdam par le biais d'une clause dite opting out...
M. Rudy Salles. Ce n'est pas le problème !
M. le ministre de l'intérieur. ... et que, de ce fait, des contrôles sont toujours exercés aux frontières entre l'Europe continentale et la Grande-Bretagne, particulièrement entre Zeebrugge et Douvres.
Le sommet européen de Tampere a défini plusieurs orientations que j'entends appliquer afin de parvenir à maîtriser ces flux migratoires qui vont en se développant. Le nombre de demandes d'asile à la frontière en France a doublé depuis l'an dernier. Il atteint déjà 10 000 pour le premier trimestre alors que, pour toute l'année 1997, les demandes d'asile ne dépassaient pas 17 000. Sans atteindre le niveau de la Grande-Bretagne, 71 000 demandeurs d'asile l'an dernier, ou en Allemagne, avec 98 000 demandeurs d'asile, cette vague ne nous épargne pas.
Aussi ai-je préparé deux textes qui seront soumis, pendant la période de la présidence française de l'Union européenne, au conseil des ministres «justice et affaires intérieures». Le premier tend à remplacer la répression contre les filières d'immigration clandestine, ceux que l'on appelle les «passeurs», activité criminelle dont nous voyons les effets. Il faut savoir que des malheureux paient souvent plus de 100 000, voire 200 000 francs pour être acheminés dans le pays de destination, qu'il leur faut ensuite rembourser par des années de travail clandestin. Cette criminalité doit être résolument combattue. Il faut donc des sanctions harmonisées à l'échelle de l'Union européenne tout entière, ainsi que des pénalités à l'encontre des transporteurs. Ce dernier point fait également l'objet d'un texte, déjà prêt, que je proposerai à la présidence française pendant les six prochains mois et lors du prochain conseil «JAI» formel.
Deux initiatives ont par ailleurs été prises: d'abord un séminaire consacré à la répression des filières d'immigration clandestine, le 21 juillet; ensuite, un conseil «JAI» informel les 29 et 30 juillet sur les problèmes, à l'évidence considérables, posés par l'immigration sur le long terme, au moins pour les cinquante prochaines années.
M. Charles Cova. Depuis le temps qu'on le dit !
M. le ministre de l'intérieur. Il importe que nous nous dotions des moyens propres à lui apporter une réponse efficace.
Cela dit, lorsque je compare la France avec d'autres pays voisins, je considère que la situation est, à cet égard, bien meilleure dans notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République), en tout cas moins mauvaise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Rudy Salles
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2000