régime d'assurance chômage
Question de :
M. Renaud Dutreil
Aisne (5e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 21 juin 2000
M. le président. La parole est à M. Renaud Dutreil.
M. Renaud Dutreil. Monsieur le Premier ministre, je vous avais posé, la semaine dernière, une question sur la réforme du régime d'assurance chômage. Je vous ai demandé, premièrement, de nous dire si votre gouvernement entendait respecter le dialogue social en donnant son agrément à l'accord intervenu entre la CFDT, la CFTC, le MEDEF, la CG-PME et l'UPA au sujet de la réforme de l'UNEDIC; deuxièmement, de nous donner votre avis sur le plan d'aide au retour à l'emploi destiné à améliorer l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, l'indemnisation des demandeurs d'emploi, en contrepartie d'un engagement à rechercher effectivement un emploi.
A ces deux questions vous n'avez pas répondu, et pas davantage Mme Aubry, qui s'était exprimée à votre place. Sur le dialogue social, elle s'est bornée à nous dire qu'elle était à l'origine des lois Auroux - ce qui fait remonter à près de vingt ans sa dernière contribution au renouveau de la négociation collective. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. De fait, ce ne sont pas les 35 heures, imposées unilatéralement par le Gouvernement, qui auront redonné du lustre au dialogue social. Mais surtout, sur le fond, elle nous a livré une réponse tout à la fois véhémente et confuse.
Au moment où votre gouvernement semble à la recherche d'un nouveau souffle (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en panne d'idées, tétanisé par les échéances électorales et embarrassé par les divisions de sa majorité, je vous renouvelle la question à laquelle vous n'avez pas donné de réponse: que pensez-vous du plan d'aide au retour à l'emploi ? Etes-vous favorable à donner l'agrément de votre gouvernement à l'accord intervenu sur le texte que la CFDT et le MEDEF ont signé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse aussi brève que possible.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, au moment où des succès déterminants sont remportés sur le front de l'emploi, notre responsabilité collective est de tout faire pour assurer le retour à l'emploi des chômeurs, de tous les chômeurs, et dans les mêmes conditions pour tous.
Le Gouvernement a eu à maintes reprises l'occasion de dire combien il se réjouissait de voir les partenaires sociaux rechercher une utilisation tout à la fois plus efficace et plus juste des fonds de l'UNEDIC.
Les organisations patronales et deux organisations syndicales vont prochainement conclure un protocole d'accord. Le meilleur moyen de les respecter, monsieur le député, c'est d'abord d'attendre qu'ils l'aient signé, et plus encore qu'ils aient signé une convention, puisque c'est seulement sur la convention d'indemnisation chômage que le Gouvernement doit s'exprimer en donnant ou non son agrément. J'attends donc d'avoir cette convention; elle devrait d'ailleurs arriver rapidement, car le régime d'indemnisation chômage, vous le savez, se termine fin juin. Passé ce délai, nous devrons le proroger par décret si aucune convention n'est signée.
Je voudrais d'abord faire deux observations.
Premièrement, l'UNEDIC renoue avec les excédents. Nous pouvons tous nous en rejouir. C'est pour une large part le fruit de notre politique: il y a davantage de cotisations car davantage d'hommes et de femmes sont au travail, et moins d'indemnisation à verser car moins de gens sont au chômage.
Le Gouvernement, comme d'ailleurs tous les Français, pense que le retour aux excédents de l'UNEDIC est l'occasion d'améliorer la couverture chômage. Rappelons qu'en dix ans, le nombre de chômeurs couverts est passé de 52 % à 42 %. A cet égard, le protocole d'accord prévoit que des indemnités chômage seront accordées à ceux qui auront travaillé quatre mois sur les quatorze derniers mois au lieu de quatre mois sur les huit derniers mois. C'est évidemment un progrès car, nous le savons, les plus en difficulté restent les précaires et les jeunes.
Permettez-moi de noter cependant que ce coût de la couverture élargie ne représente que 3,8 milliards de francs sur trois ans et demi, à comparer au coût global de 97 milliards du protocole d'accord, dont 71 milliards au titre de baisses de cotisations.
Deuxièmement, le Gouvernement partage très clairement les intentions exprimées de favoriser le retour à l'emploi des chômeurs par une utilisation plus active des fonds.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Depuis maintenant deux ans, par le nouveau départ, nous aidons les chômeurs de longue durée en les accompagnant pour retrouver un emploi.
Mme Odette Grzegrzulka. Et ça marche !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Les résultats sont là.
Aussi le Gouvernement est-il tout à fait prêt à donner une suite positive à toute proposition qui irait dans ce sens en mobilisant le service public de l'emploi pour apporter un «plus» aux chômeurs.
Mais au-delà de ces deux observations, je souhaite très rapidement rappeler les trois principes...
M. Yves Nicolin. C'est trop long !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... que nous avons été amenés à exposer à l'ensemble des partenaires sociaux avant la négociation et que nous avons, avec mon collègue des finances, rappelés aux signataires.
Premier principe: chaque demandeur d'emploi doit avoir accès au service d'aide au retour à l'emploi dans les mêmes conditions. Comme l'a très bien dit le président de votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Jean le Garrec, un système à double vitesse irait à l'encontre de l'objectif de retour à l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
C'est pourquoi nous ne saurions accepter que l'UNEDIC ne prenne en charge que les demandeurs d'emploi indemnisés et bénéficie des offres d'emploi des entreprises, alors que les fins de droit ou les titulaires des minima sociaux reviendraient à l'ANPE, restant ainsi dans l'assistance.
En ce qui concerne les sanctions, il est normal, je le dis clairement, de sanctionner des chômeurs qui n'acceptent pas un emploi correspondant à leurs compétences et qui ne font pas de réels efforts. Ce n'est pas à moi, qui ai fait voter la loi de 1992, qu'il y a lieu de rappeler ce principe. Mais, pour être impartiales, ces décisions doivent rester de la responsabilité de l'Etat, avec des voies de recours qui permettent aux chômeurs de s'expliquer en tant que de besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Il ne saurait en aucun cas être question de contraindre les demandeurs d'emploi à accepter n'importe quoi. («Trop long !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous vouliez une réponse, je vous fais la réponse ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Le sujet est important. M. le député, tout à l'heure, nous reprochait de ne pas apporter de réponse précise. Je vous en apporte une !
Deuxième principe: le Gouvernement est attaché à la bonne utilisation des deniers publics. Je rappelle que l'Etat a versé 30 milliards à l'UNEDIC, au moment où la situation de l'emploi n'était pas bonne. Cet effort du contribuable ne peut rester à sens unique. C'est d'ailleurs ce qu'ont rappelé les organisations syndicales unanimes dans une déclaration en janvier, en demandant une clarification entre l'Etat et l'UNEDIC.
Troisème principe enfin, il ne saurait en aucun cas être question de préjuger en démocratie la position du législateur. Or beaucoup de dispositions qui figurent dans le protocole sont de sa compétence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. François Goulard. Et le reste de la compétence des socialistes !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, ceux qui prônent aujourd'hui la négociation doivent savoir que la négociation n'est pas la politique du tout ou rien, ni entre le patronat et les syndicats, ni entre les partenaires sociaux et l'Etat, tout particulièrement lorsqu'ils se partagent un domaine de responsabilités communes: aider les chômeurs à retrouver un emploi et les indemniser lorsque nous ne sommes pas capables de le faire.
L'Etat, pour sa part, n'a jamais prôné le tout ou rien. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Il est prêt au dialogue. Je le dis et le redis, et c'est dans cet état d'esprit que nous examinerons la convention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Renaud Dutreil
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Chômage : indemnisation
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2000