Algérie
Question de :
M. Thierry Mariani
Vaucluse (4e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 21 juin 2000
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Monsieur le Premier ministre, une partie de la communauté nationale est aujourd'hui meurtrie. Je veux parler, en premier lieu, des harkis mais également de tous ceux qui, à leurs côtés, des appelés du contingent aux militaires de carrière sans oublier les pieds-noirs, ont vécu ce drame que fut la guerre d'Algérie. Ils sont blessés par les propos tenus, sur notre sol, par un chef d'Etat étranger qui a traité publiquement ces combattants de «collabos» ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ils sont aussi, et surtout, meurtris par le silence de votre gouvernement qui n'a pas répondu à ces paroles outrageantes. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, il n'y a pas de bons et de mauvais anciens combattants pour la France. On ne peut pas honorer les combattants de la Première Guerre mondiale morts à Verdun et, dans le même temps, insulter ceux qui, en 1962, ont continué à choisir notre pays, refusant de renier leur engagement pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Maxime Gremetz. «Algérie française !»
M. Thierry Mariani. Les hommes et les femmes qui ont servi la France ont le droit, quelle que soit leur confession, quelle que soit leur origine, à une égale dignité, et qu'ils soient anciens combattants de Verdun ou d'Algérie.
Toute la communauté des anciens d'Algérie est aujourd'hui meurtrie. Alors que votre gouvernement annonce de nouvelles facilités pour les Algériens désirant entrer sur notre territoire, pourquoi ne réclamez-vous pas au moins la réciprocité de cette mesure en faveur des harkis ? («Très bien !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ils doivent avoir le droit, s'ils le souhaitent, de revoir leur sol natal.
L'égalité figure au fronton de nos bâtiments publics. Alors, ma question est toute simple: que comptez-vous faire pour garantir, enfin, cette égalité entre tous nos concitoyens, quelles que soient leur origine et leur confession, afin qu'ils soient accueillis de la même manière à l'étranger, car cette discrimination est intolérable ?
M. Christian Bataille. Qu'avez-vous attendu pour le faire ?
M. Thierry Mariani. On ne peut pas vouloir faire table rase du passé tout en ressuscitant de vieilles haines qu'on croyait révolues.
M. Maxime Gremetz. Fidèle à l'OAS !
M. Thierry Mariani. A cause de votre silence, monsieur le Premier ministre, les harkis se sont sentis une nouvelle fois abandonnés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - M. Georges Frêche applaudit aussi.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Du calme, mes chers collègues !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, j'ai entendu les propos de M. Bouteflika. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises devant l'Assemblée, nous avons à l'égard des harkis un devoir de mémoire, mémoire du rôle qu'ils ont joué dans notre histoire. Nous devons, en permanence, nous souvenir - et j'aurais aimé que ce soit sur ce ton que vous parliez, monsieur le député - ce que vous avez voté à l'unanimité, le 11 juin 1994, c'est-à-dire la reconnaissance que la République doit aux harkis pour les sacrifices consentis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Thierry Mariani. Ce n'était pas à l'initiative de votre majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Mes chers collègues, du calme, s'il vous plaît.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Je déplore toute parole pouvant rouvrir des blessures déjà fort difficiles à cicatriser parce que, reconnaissons-le, la France n'a pas su répondre, dans la dignité, par la préparation de ses jeunes à l'avenir, à ce qu'elle devait à la communauté harkie.
Nous avons décidé d'apposer une plaque sur une vingtaine de monuments aux morts transférés d'Algérie... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce n'est qu'un symbole mais les symboles sont importants, je le sais bien, moi qui rencontre souvent la communauté harkie !
Mais, puisque vous persistez, monsieur le député, à ne pas vouloir poser cette question de manière globale, comme le souhaiteraient les harkis, je veux vous rappeler dans quelle situation nous les avons trouvés en arrivant au pouvoir. Ils comptaient 30 % de chômeurs. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Un précédent gouvernement avait interrompu prématurément, fin 1998, les mesures en faveur des harkis et de leurs familles. (Même mouvement.)
M. le président. Du calme !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons décidé, pour notre part, de prolonger ces mesures et même de les améliorer. Voilà la bonne réponse à leur apporter !
S'agissant de l'aide aux harkis lourdement endettés pour acquérir un logement, qui représentait, sur le plan national, 1,4 million de francs pour les années 1996-1997, elle a été portée à 31 millions.
En ce qui concerne l'emploi, nous en avons fait un programme prioritaire. Cette année, 9 000 jeunes harkis ont retrouvé un emploi dont 45 % en contrat à durée indéterminée, grâce au travail accompli par les préfets, avec la communauté harkie et avec les missions locales, partout sur le terrain.
M. Patrick Ollier. Ce n'est pas la question !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes nous devons, tous ensemble, rappeler aujourd'hui la reconnaissance que nous devons aux harkis. Mais, monsieur Mariani, derrière les paroles, il y a les actes ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et, pour nous, les actes, c'est aider les endettés, favoriser l'accès au logement, à la formation et à l'emploi pour les jeunes. Voilà ce que la République doit aujourd'hui aux enfants de ceux qui nous ont aidés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Thierry Mariani
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2000