immigration clandestine
Question de :
M. André Capet
Pas-de-Calais (7e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 21 juin 2000
M. le président. La parole est à M. André Capet.
M. André Capet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
L'Europe entière est bouleversée par la tragédie de Douvres où ont péri cinquante-huit immigrants clandestins. Ceux-ci avaient embarqué à Zeebrugge en Belgique, mais ce drame aurait tout aussi bien pu se produire à partir du territoire français, Calais étant le premier port européen de voyageurs et donc le principal point de passage de clandestins vers la Grande-Bretagne.
De fait, depuis le mois d'août dernier, près de 10 800 d'entre eux ayant été interpellés, le centre d'accueil de Sangatte, créé récemment, prévu initialement pour 250 réfugiés, en héberge actuellement plus de 600. Si d'un point de vue humanitaire, ce centre se révèle d'une absolue nécessité, il n'est, en fait, que l'antichambre d'un hypothétique passage clandestin vers l'Angleterre, souvent au risque de la vie des clandestins eux-mêmes.
Aussi, monsieur le ministre, confronté à un drame aussi atroce, quelles mesures entendez-vous prendre pour renforcer efficacement la lutte contre les filières d'immigration clandestine, notamment celles organisées au port de Calais, 400 passeurs ayant été arrêtés à ce jour ?
Par ailleurs, dans le cadre de la très prochaine présidence française de l'Union européenne, la France ne doit-elle pas être à l'initiative d'une politique de développement de la coopération avec les pays d'origine des réfugiés afin de mettre un terme à cette immigration clandestine ?
Enfin, dans le même esprit, comment la France entend-elle favoriser une véritable politique commune d'asile et d'immigration conforme aux accords de Schengen, que seuls le Royaume-Uni et l'Irlande n'ont pas encore signés à ce jour ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, le drame de Douvres illustre l'augmentation de la pression migratoire sur la Grande-Bretagne, mais cette pression migratoire est générale et les flux migratoires traversent la France, notamment à partir de l'Italie, de Modane, ou de Menton, et à partir de Roissy où le nombre d'arrivées de demandeurs d'asile atteint 1000 par mois, ce qui n'est pas sans poser de nombreux problèmes quant à l'accueil dans des zones d'attente.
La prolongation du maintien en zone d'attente est d'ailleurs refusée dans un cas sur trois par les juridictions compétentes, et un nombre très élevé de demandeurs d'asile se retrouvent dans la nature; 80 % d'entre eux ne donnent d'ailleurs par suite à leur demande, ce qui montre le détournement du droit d'asile chez nous.
J'ajoute à cela 10 000 clandestins interceptés chaque année dans les transports routiers.
Ces personnes se retrouvent donc notamment à Calais, où toute une série de mesures ont été prises depuis août dernier.
Un dispositif combiné de contrôles de grande ampleur a été mis en oeuvre, en liaison avec le parquet de Boulogne - renforcement des effectifs de police, création d'un centre d'hébergement géré par la Croix-Rouge, qui est aujourd'hui surpeuplé -, dispositif qui a tout de même permis d'interpeller 11 000 étrangers, d'écrouer 255 passeurs, de prononcer 1 704 arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.
Cela dit, il faut être bien conscient que, derrière ces réseaux de passeurs qui exploitent la misère humaine dans des conditions que j'ai évoquées tout à l'heure, il y a des mafias, les triades chinoises, des mafias russes, qui exploitent Sri-Lankais ou Chinois, des mafias turques, qui s'occupent des Kurdes, des mafias albanaises, qui gèrent le trafic en provenance des Balkans. Il y a là un trafic honteux d'être humains, contre lequel nous devons réagir avec détermination.
La difficulté vient de ce que les contrôles ne sont réellement possibles qu'à la frontière extérieure de l'espace Schengen et que certaines pénalités ne peuvent pas être appliquées, par exemple à la frontière italienne. La police aux frontières et l'office central de lutte contre l'immigration clandestine ont donc fort à faire. Je rends d'ailleurs hommage à leur excellent travail, car ils arrivent à démanteler des dizaines de filières d'immigration clandestine.
Il n'en reste pas moins qu'il est absolument nécessaire qu'il y ait une prise de conscience au niveau européen. Je m'y attache, croyez-le, avec beaucoup d'énergie. Deux textes sont prévus pour renforcer les sanctions et les pénalités contre les passeurs et contre les transporteurs. Un séminaire aura lieu en juillet (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), comme je l'ai dit à M. Mariani, et un conseil des ministres informel à la fin du mois de juillet.
Nous devons absolument harmoniser nos politiques, mais cela suppose qu'il y ait un égal degré de conscience politique dans chaque pays. C'est à quoi je m'emploie car je crois que nous avons tout de même pris ici la mesure de la complexité immense de ce problème (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et je dois apporter des solutions en luttant contre toutes les plus affreuses démagogies, d'où qu'elles viennent, mais nous le faisons avec résolution. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. André Capet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 21 juin 2000