Question au Gouvernement n° 2229 :
lutte contre l'exclusion

11e Législature

Question de : M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 22 juin 2000

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, le chômage baisse, les comptes de la sécurité sociale s'équilibrent, la croissance est là. Tout le monde s'en félicite, les députés communistes les premiers. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Néanmoins, alors que les résultats des entreprises ne cessent de croître, que la bourse exulte, que la spéculation financière va bon train. (Murmures sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et que les grandes fortunes s'enflent, il y a les oubliés de la croissance.
M. Alfred Recours. C'est vrai !
M. Alain Bocquet. Prenons les salariés payés au SMIC, ils sont un peu plus de deux millions dans notre pays. Chaque mois, ils gagnent environ 5 500 francs net, un salaire plus que limite pour faire vivre une famille, convenez-en. Quant aux bénéficiaires du minimum vieillesse, près d'un million, ils perçoivent 3 575 francs par mois. Là encore, c'est nettement insuffisant pour vivre dignement.
M. Lucien Degauchy. Merci la gauche !
M. Alain Bocquet. Et je n'oublie pas les chômeurs en fin de droits, les bénéficiaires du RMI, de l'allocation spécifique de solidarité ou de l'allocation pour adulte handicapé.
A la veille du rendez-vous traditionnel du 1er juillet d'augmentation du SMIC, le Gouvernement va-t-il donner un coup de pouce significatif ? Une augmentation de 6 % comme le propose mon ami Robert Hue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. - Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - «Ah ! si c'est Hue !», et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Cela ferait 300 francs par mois, ce qui serait loin d'être du luxe.
M. Michel Herbillon. C'est tout ?
M. Guy Teissier. Ce n'est guère généreux !
Alai Bocquet. Ce serait un geste fort et attendu !
Allez-vous augmenter sensiblement les pensions de retraite et les minima sociaux ? Ce serait une juste redistribution des fruits de la croissance. Chacun a droit à sa part, ce ne peut pas être toujours pour les mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, vous avez raison, quand la croissance est là, quand le chômage baisse, notre attention doit se tourner plus particulièrement vers ceux qui restent sur le bord de la route, je pense aux titulaires des minima sociaux, aux chômeurs de longue durée. Nous devons également veiller à ce que l'allocation de ressources soit la plus juste possible.
Le premier objectif du Gouvernement, vous l'avez rappelé, est de ramener vers l'emploi ceux qui en sont aujourd'hui dépourvus, les chômeurs de longue durée comme les titulaires des minima sociaux. Et ces douze derniers mois le chômage de longue durée a baissé, vous le savez, de 20 %.
Pour la première fois depuis la crise pétrolière, à l'exception des années 1986-1988. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...
Mme Nicole Bricq. De mauvaises années !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... années pendant lesquelles le taux de croissance était très élevé, le nombre des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique a baissé de 6 % pour ces douze derniers mois et, depuis trois mois maintenant, le nombre des titulaires du RMI a enfin diminué.
Bien évidemment, il reste encore beaucoup à faire, et l'application de la loi de lutte contre les exclusions ou le nouveau départ mis en place avec une réelle efficacité par l'ANPE figurent parmi nos objectifs prioritaires.
Mais, vous avez raison, lorsque la croissance est là, lorsque le pays produit plus de richesses, nous devons veiller à leur juste répartition.
En 1998, nous avons revalorisé l'allocation de solidarité spécifique de 8 %, ce qui n'avait pas été fait depuis 1994. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé, en 1998, 1999 et 2000, une augmentation des minima sociaux de plus de 3 % chaque année avec effet rétroactif. De nouvelles augmentations seront discutées à la rentrée, lors de la discussion budgétaire.
Nous avons maintenu le pouvoir d'achat des retraités, ce qui n'avait pas été le cas pendant les quatre années précédentes - des prélèvements de plus de 4 % avaient été opérés alors. Aujourd'hui, les retraités réclament une part plus importante des fruits de la croissance. Ainsi que je l'ai annoncé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, nous en discuterons dans les semaines qui viennent à l'occasion de la préparation du projet de la loi de financement de la sécurité sociale qui sera votée à l'automne prochain.
M. Bernard Accoyer. Vous ne serez plus là !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. En ce qui concerne le SMIC, le Gouvernement fera une proposition, comme la loi le prévoit - et vous comprendrez que je respecte les procédures -, dès lundi matin à la commission nationale de la négociation collective.
Bien évidemment, l'augmentation du SMIC au 1er juillet prendra en compte la politique salariale actuelle - et les gains de pouvoir d'achat sont actuellement, vous le savez, beaucoup plus importants que pendant les années précédentes. L'augmentation sera bien réelle pour les bénéficiaires des salaires les plus bas.
J'ajoute, puisque nous parlons beaucoup en ce moment de la négociation collective, que je souhaite que ce mouvement s'accompagne d'une augmentation des minima conventionnels dans la négociation collective. Nous constatons malheureusement aujourd'hui une atonie de la négociation de branches.
M. François Goulard. Evidemment ! Du fait des 35 heures !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela gêne des secteurs d'activité qui se plaignent de la pénurie de main-d'oeuvre, oubliant parfois que ce sont les bas salaires qui font reculer les jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Alain Bocquet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 22 juin 2000

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