sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Yves Nicolin
Loire (5e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 28 juin 2000
M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.
M. Yves Nicolin. Monsieur le ministre de l'intérieur, la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Le citoyen auquel vous aimez vous référer si souvent tient ce droit de l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.
Or il semble que l'administration que vous dirigez ne s'encombre guère des principes que vous proclamez.
En effet, mes chers collègues, vouloir dresser un état des lieux de l'évolution de la criminalité et de l'efficacité de l'Etat face à la délinquance dans notre pays est un véritable parcours du combattant: on interdit les reportages dans certains commissariats, on contrôle les interviews, on donne l'ordre aux préfets de ne pas communiquer aux élus les statistiques les concernant (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et on cultive l'opacité sur des chiffres sensibles, comme ceux des faits élucidés.
Vous déclariez pourtant la semaine dernière, sur un ton satisfait, qu'en matière d'élucidation des faits délictueux, nous étions dans la norme européenne et que la délinquance des mineurs connaissait un léger tassement. Si votre bilan depuis 1997, place Beauvau, était à ce point positif, monsieur le ministre, si vos prédécesseurs étaient à ce point incompétents, alors pourquoi organiser, via la direction générale de la police nationale, cette obstruction méthodique pour empêcher nos concitoyens de connaître la réalité des chiffres de la criminalité dans chaque circonscription de sécurité publique ?
M. Arnaud Montebourg. Et la question ?
M. Yves Nicolin. Elle va venir !
Depuis le début des années 80, le nombre de crimes et de délits contre les personnes a doublé dans notre pays, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et le taux d'élucidation atteint péniblement 20 %. L'insécurité, il faut le reconnaître, est une des préoccupations majeures des Français. Or, vous n'apportez pas à nos nombreuses questions sur ce sujet les réponses que nos concitoyens attendent.
M. le président. Posez donc la vôtre, monsieur Nicolin !
M. Yves Nicolin. Ainsi, l'année dernière, trois malfaiteurs sur quatre étaient sûrs de ne pas être arrêtés.
Dès lors, monsieur le ministre, après le discours de Villepinte, après la mise en place d'une prétendue police de proximité, ne pensez-vous pas qu'il devient urgent de traiter réellement le problème ? Car pendant que vous faites, semaine après semaine, des annonces teintées d'autosatisfaction, nos compatriotes, eux, continuent de souffrir de l'insécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Christian Bataille. Langue de bois !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Cette question devient rituelle ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Souffrez donc, monsieur le député, que je ne puisse y apporter, d'une semaine à l'autre, une réponse différente.
Au début de chaque année, le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, dans une conférence de presse commune, communiquent les statistiques de la criminalité et de la délinquance de manière détaillée. Vous pouvez vous référer à ces états qui sont publics.
J'aimerais que la transparence soit aussi totale dans tous les domaines qu'elle l'est dans celui de la police nationale et, de manière générale, dans tous ceux qui sont de ma compétence ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe libérale et Indépendants.)
M. Jean-Louis Debré. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. le ministre de l'intérieur. S'agissant des statistiques de la délinquance, sur la base de 100 en 1990, l'indice pour 1999, est de 102,6, ce qui montre une certaine stabilisation, à un niveau malheureusement élevé. Je vous confirme les chiffres que je vous ai donnés la semaine dernière pour le taux d'élucidation dans la police: il est passé de 22,2 % en 1995 à 23,4 % en 1999 (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et la moyenne, tous services confondus, est de 27,6 %. J'ai démontré que nous étions tout à fait dans la norme des pays occidentaux, et même au-dessus si on veut bien tenir compte du nombre de faits recensés.
Je tiens à donner un éclairage rapide des tendances que nous constatons parce que je dois à la représentation nationale une information aussi complète que possible.
Depuis que nous avons donné la priorité à la lutte contre l'insécurité au quotidien, nous constatons un recul de la délinquance sur la voie publique, particulièrement sensible dans des départements comme la Gironde, le Gard et le Rhône où elle régresse respectivement de 6,5 %, 11,5 % et 13,6 %.
Nous observons, en revanche, une augmentation des vols à main armée et chacun connaît la recrudescence des attaques contre les convoyeurs de fonds. Mais je vous signale à cet égard que la brigade de répression et d'intervention de la préfecture de police de Paris a remporté, il y a trois jours, un très beau succès en Seine-et-Marne, en éliminant une équipe de leurs agresseurs.
Je veux aussi attirer votre attention sur la mutation de la délinquance, liée au nouvelles technologies: explosion des vols de portables et des fraudes à la carte à puce, qui sont considérables en particulier dans votre département, monsieur le député, où je note une augmentation de 60 % dans les cinq premiers mois de cette année.
Cela dit, je vous invite à raison garder et à ne pas renouveler, d'une manière aveugle, des questions qui n'ont pour but que d'exploiter un sentiment d'insécurité (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) alors qu'il s'estompe dans les quartiers difficiles grâce à la politique définie par le Gouvernement. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Yves Nicolin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 juin 2000