sida
Question de :
Mme Odile Saugues
Puy-de-Dôme (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 3 décembre 1997
M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.
Mme Odile Saugues. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, hier, 1er décembre, journée mondiale contre le sida, de nombreuses actions d'information ont fait le point sur les avancées de la recherche, les progrès des traitements mais aussi sur l'étendue de l'épidémie dans le monde, sur les difficultés des personnes séropositives ou malades à conserver un emploi, un logement ou simplement l'affection des amis et de la famille.
Parce que le foyer infectieux existe toujours en France et qu'il progresse encore dans les pays du tiers monde, pouvez-vous nous indiquer les actions spécifiques que vous comptez prendre pour permettre aux traitements d'être plus largement diffusés dans les pays en voie de développement les initiatives qui peuvent être engagées par votre ministère pour sensibiliser en France les personnes les plus démunies, celles qui vivent dans une grande précarité, celles qui souffrent de handicaps psychologiques, celles qui n'ont pas accès à notre langue et celles qui vivent dans un cadre carcéral où les actions de dépistage et les traitements restent peu diffusés, tandis que les risques de contamination existent réellement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Madame le député, vous avez raison de dire que l'épidémie de sida n'est pas terminée. Dans notre pays, dans les pays riches, l'espoir est autorisé mais l'épidémie persiste. Dans les pays pauvres, le désespoir s'impose, et l'épidémie galope.
Chez nous, entre 5 000 et 6 000 personnes sont contaminées tous les ans, et comme le montrent les affiches de campagne 30 000 personnes ne connaissent pas leur condition sérologique. Il y a donc sans doute 110 000 personnes touchées par le sida en France dont 80 000 qui connaissent leur condition et 30 000 qui l'ignorent. Ce sont ceux-là dont vous parlez, madame le député, et qui sont en plus grande situation de précarité.
En effet, ces 30 000 personnes, peut-être moins, peut-être plus, entrent dans la maladie à la suite de complications, et non après un dépistage. Autrement dit, c'est à la faveur - le mot est tragique - d'une complication intercurrente que l'on connaît la présence du sida. Or, madame le député, le dépistage précoce est possible puisque, dorénavant, on peut dépister la séropositivité entre le dixième et le quinzième jour. Mais, surtout, la thérapeutique peut commencer dès les premiers jours et, d'après les séries que nous connaissons, se montrer efficace.
C'est pourquoi, madame le député, il faudrait absolument, dans notre pays, déclarer d'abord la séropositivité, comme cela se fait dans la majorité des pays de l'Union européenne, et pas seulement le sida. Actuellement, c'est le médecin qui, de manière confidentielle, déclare la maladie sida à la DDASS.
Nous nous interrogeons pour savoir ce qu'il convient de faire en termes épidémiologiques. Il est tout à fait utile de savoir qui est séropositif. Les médecins et les experts le réclament. Nous allons consulter, dans la semaine qui vient, les dernières associations, le conseil national de lutte contre le sida, l'académie de médecine et la CNIL. Il est évident que nous ne prendrons cette décision que si la confidentialité est assurée absolument. Ce fut le cas pour la déclaration de sida. Il devrait en être de même pour la déclaration de séropositivité. Je vous tiendrai informés dans les jours qui viennent.
Par ailleurs, en ce qui concerne les personnes en situation de précarité, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité travaille à ce système essentiel qu'est l'assurance universelle, laquelle serait mise à leur disposition.
En attendant, celles qui sont en situation précaire ne connaissent pas leur condition et, et si elles la connaissent, elles ne se soignent pas bien. Il faut donc absolument que l'écart entre les consultations anonymes et gratuites et la prise en charge hospitalière se réduise et que nous travaillions en ce sens.
Il faut également que l'on développe, ce que nous ferons en 1998, des campagnes d'information. Je l'ai dit, la thérapeutique a suscité des espoirs fous: 50 % de mortalité en moins dans notre pays en 1997, c'est un chiffre considérable ! Mais si la vie a repris chez nombre de patients, la maladie n'est pas achevée, la maladie n'est pas terminée, la maladie n'est pas morte ! Il faut continuer l'information, la prévention et ne pas se contenter de ces succès. Il faut continuer aussi à rechercher le vaccin.
Un mot sur le tiers monde, où règne le désespoir. A l'occasion de cette journée mondiale du sida, on a appris que le nombre de sidéens potentiels à travers le monde serait de 30 à 40 millions en l'an 2000. Des pays comme l'Inde, qui refusaient de voir la maladie, dénombrent 3 à 5 millions de cas. Le Nigeria, le plus grand pays d'Afrique, l'Afrique australe sont atteints. Tout cela nous donne des statistiques tragiques: 16 000 nouveaux cas par jour et 9,5 millions d'orphelins.
Que faire ? Il faut d'abord conforter les crédits alloués par notre ministère de la coopération, les 120 millions consacrés à la prise en charge ambulatoire. Il faut absolument prendre en charge plus fermement les patients avec les systèmes locaux et soutenir le programme ONU Sida qui, dans quatre pays, va tenter de prendre en charge de manière satisfaisante les traitements de ces patients. Et surtout, il faut proposer - M. le Président de la République se rend d'ailleurs au sommet d'Abidjan dimanche - ce qui a été esquissé par le Parlement européen, à savoir la solidarité thérapeutique. Nous ne pouvons plus regarder mourir 40 millions de personnes sans tenter, nous les pays riches, d'apporter un secours à ceux qui sont malades, au cas par cas, sans négliger, bien sûr, ni la prévention ni le vaccin qui sont essentiels.
On pourrait, et la France s'honorerait d'en prendre le leadership, instituer ce fonds de solidarité thérapeutique: pour un malade soigné dans les pays riches, un peu d'argent donné pour soigner un jour les malades dans les pays pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical Citoyen et Vert.)
Auteur : Mme Odile Saugues
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 1997