Question au Gouvernement n° 2266 :
République fédérale de Yougoslavie

11e Législature

Question de : M. Alain Juppé
Gironde (2e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 4 octobre 2000

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé.
M. Alain Juppé. Je voudrais interroger M. le ministre des affaires étrangères, comme vient de le faire M. Loncle, sur la situation en Serbie et sur l'action de la France dans la crise qui secoue ce pays.
Ce qui se passe à nos portes, au coeur des Balkans, nous concerne directement. D'abord, pour des raisons historiques et géographiques que chacun a en tête. Ensuite, parce que la France est, depuis dix ans, en première ligne pour aider à rétablir la paix et la stabilité dans l'ex-Yougoslavie. Et cela, ne l'oublions pas, ne les oublions pas, au prix de la vie de plusieurs dizaines de nos soldats. Enfin, parce ce que ce qui est en cause aujourd'hui, en Serbie, ce sont les valeurs mêmes sur lesquelles nous voulons bâtir notre Union européenne, c'est-à-dire la démocratie, les droits de l'homme et le respect de la personne humaine.
Les faits sont connus: toutes les informations concordent pour établir la victoire électorale, dès le premier tour du scrutin, du candidat de l'opposition, M. Kostunica, face à Milosevic. Ce dernier, qui porte une responsabilité écrasante dans les malheurs de son peuple, refuse le verdict des urnes. D'où mes questions auxquelles vous avez - c'est la règle du jeu dans les questions d'actualité - déjà en partie répondu, monsieur le ministre. Le gouvernement français est-il déterminé à combattre cette violation caractérisée des règles démocratiques les plus fondamentales ? La présidence française est-elle parvenue à dégager sur cette question une position commune de l'Union européenne ? Quels contacts avons-nous avec les Etats-Unis d'Amérique et la Russie dont la diplomatie, nous le savons, est très active pour chercher une solution à la crise ? Enfin, comment pouvons-nous encourager le peuple serbe à résister à l'oppression ?
Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la levée des sanctions internationales. Je voudrais évoquer le sommet entre l'Union européenne et les pays des Balkans occidentaux que le Président de la République française a convié à se réunir à Zagreb le 24 novembre prochain. Comment comptez-vous profiter de cette réunion pour lancer un message fort au peuple serbe qui se bat, avec courage et mesure, et lui donner l'espérance d'une réintégration pleine et rapide dans la communauté internationale et européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, mesdames, messieurs les députés, toute l'action que la France mène en son nom propre et au nom de l'Union européenne vise à atteindre l'objectif final qui est d'établir la démocratie en République fédérale de Yougoslavie et de permettre à ce pays de retrouver le chemin de l'Europe puisqu'il s'agit bien d'un pays de l'Europe. A l'intérieur de la politique générale qui vise à européaniser les Balkans, il est clair qu'il y a une place pour la République fédérale de Yougoslavie et pour la Serbie.
Dans cette crise particulière, nous avons agi au nom de la France en établissant assez facilement et assez rapidement un consensus des Quinze, sur la politique de la main tendue et sur la promesse qui a été faite depuis le début de septembre de lever, dès que la démocratie l'emporterait à Belgrade, l'embargo qui touche le peuple serbe. Ce serait déjà le cas si nous étions face à un régime qui accepte la réalité démocratique. Nous avons donc une ligne de force, et c'est celle-ci que les Etats-Unis ont soutenue.
Nous sommes toujours dans cette cohérence et dans cette action. Nous sommes, avec les Russes, dans une sorte de convergence générale. En réalité, les Russes n'ont aucune complaisance à l'égard du régime de M. Milosevic - je peux le confirmer ici, j'étais à Moscou jeudi et vendredi - et je sais qu'ils n'ont qu'une idée eux aussi: que la démocratie s'installe en Serbie. Je crois même pouvoir dire que la situation actuelle est un handicap pour la Russie qui souhaite que la page soit tournée. Mais ils l'expriment autrement que nous et que les Américains, pour des raisons qui tiennent à l'histoire et à la culture. En tout état de cause, je crois que nous sommes globalement dans la même politique.
Dans l'immédiat, il s'agit d'exprimer à nouveau le message adressé au peuple serbe. Et je peux le dire ici à tous: M. Kustunica nous a fait savoir que le message adressé au nom de l'Union européenne au peuple serbe a joué un rôle dans le mouvement qui s'est produit dans ce pays et a aidé les gens à trouver le courage formidable qui consiste à aller voter malgré le régime, malgré sa capacité de menaces et de représailles. Mais il faut maintenant aller au-delà de ce message, il faut le densifier, le concrétiser. Car le moment approche où le régime aura épuisé toutes ses réserves, toutes ses manoeuvres d'arrière-garde et où la réalité rejoindra la légitimité pure, car M. Kustunica représente déjà aux yeux du monde la nouvelle République fédérale de Yougoslavie.
Une grande politique européenne est d'ores et déjà prête à être développée. Nous avons l'accord de nos partenaires et nous continuerons à en avoir l'initiative dans différentes échéances jusqu'à celle que vous avez signalée du sommet du mois de novembre entre l'Union européenne et les Balkans occidentaux.
Mais, je le crois, d'ici là, nous aurons déjà beaucoup avancé sur ce chemin du retour à la démocratie. Je voudrais m'en réjouir d'avance si les jours qui viennent ne s'annonçaient pas aussi périlleux. En tout cas, nous ferons tout pour que la volonté du peuple serbe aboutisse vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe communiste, sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Alain Juppé

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 octobre 2000

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