sécurité des biens et des personnes
Question de :
M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 3 décembre 1997
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Ma question, qui s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, je la poserai à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, qui a bien voulu répondre tout à l'heure sur un sujet analogue: les violences dans les transports publics.
Votre réponse, madame le garde des sceaux, m'a paru édifiante: un conseil, une commission, des discussions locales et des emplois jeunes. Il ne manquait que la table ronde de M. le ministre des transports et l'appel à l'imagination de M. le ministre de l'intérieur, la semaine dernière !
M. Didier Boulaud. Et vous qu'avez-vous fait ?
M. Nicolas Dupont-Aignan. Le décalage entre la réalité des problèmes dans nos banlieues, votre discours et les actes du Gouvernement est proprement stupéfiant. Il ne va pas rassurer les 34 % d'habitants d'Ile-de-France qui se disent quotidiennement en insécurité dans les transports publics.
Lors de l'examen du projet de loi sur l'emploi des jeunes, j'avais dénoncé l'utopie qui consistait à confier à des jeunes peu formés des missions de sécurité dans nos cités. L'actualité récente marque la première faillite d'une illusion sur laquelle vous avez commencé de bâtir votre politique de l'emploi et votre politique de sécurité.
Quand comprendrez-vous que nos banlieues ont besoin d'effectifs de police expérimentés ? Quand comprendrez-vous qu'il faut prendre à bras-le-corps la question des mineurs délinquants ? Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour rétablir l'ordre dans nos cités et dans les transports publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je comprends que vous ayez la tentation de tourner en dérision («Mais non !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) les mesures prises par le Gouvernement. Mais elles ont au moins le mérite d'exister, alors que sur ces difficultés, qui ne se posent pas seulement depuis que nous sommes là, vous n'avez pas fait grand-chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
La délinquance des mineurs est, en effet, un des problèmes les plus graves que notre société ait à affronter aujourd'hui. Des mineurs de plus en plus jeunes commettent des actes de délinquance de plus en plus graves.
Voici où en est, aujourd'hui, la réflexion du Gouvernement sur ce sujet et ses pistes d'action.
D'abord, il est très important de s'attaquer aux actes d'incivilité qui empoisonnent la vie dans nos villes. Ils sont du ressort de la médiation sociale, car ce ne sont pas des délits caractérisés et ils exigent la prise en charge très précoce, par l'ensemble de nos institutions, des enfants qui ont des difficultés et qui manifestent très tôt leur violence, parfois dès l'école maternelle.
M. Jean-Luc Reitzer. Vous faites de l'angélisme !
Mme le garde des sceaux. Ensuite, en ce qui concerne les délits caractérisés, il faut distinguer deux sortes de délinquants.
Les primodélinquants, d'abord: la justice les convoque immédiatement, en tout cas c'est le cas dans une dizaine de parquets en France, dans la région parisienne et dans la région lyonnaise notamment, avec leurs parents. En effet, à la racine du problème de la délinquance des mineurs, il y a toujours une démission des parents. Mais prenons garde que les institutions ne déresponsabilisent encore davantage les parents. C'est un grave problème.
M. Yves Nicolin. La fessée !
Mme le garde des sceaux. Convocation immédiate, donc, mais aussi sanction immédiate qui prend la forme de réparations - de la simple lettre d'excuse à un travail d'intérêt général - ce qui présente l'avantage d'indemniser tout de suite la victime. Ce n'est pas le moindre mérite de ces modes de traitement en temps réel.
Pour les délinquants les plus graves, les multirécidivistes, ceux qu'on n'a pas pu prendre en charge suffisamment tôt, pour ceux-là les juges ont besoin de structures pour pouvoir éloigner temporairement les enfants de leur quartier avant de les réinsérer dans la vie sociale.
Depuis le mois de juillet, nous menons une réflexion tant sur les unités à encadrement renforcé, créées par mon prédécesseur, que sur les foyers d'accueil classique. J'ai demandé à l'IGAS, que Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a bien voulu me confier, à l'inspection générale de l'administration et à l'inspection générale des services judiciaires de faire un rapport au Gouvernement sur le fonctionnement de ces foyers d'accueil.
Nous aurons à prendre des mesures. Il est indispensable que nous puissions disposer de foyers d'accueil diversifiés, de façon que ces jeunes puissent être temporairement accueillis avant d'être ensuite remis dans la vie normale.
J'ajoute, puisque beaucoup de critiques ont été faites, que, si nous privilégions l'action éducative, nous n'en écartons pas pour autant la sanction pénale. Je rappelle qu'il y a 700 mineurs dans nos prisons aujourd'hui. Et je vous dis, pour les avoir visitées, que nous devrions tous avoir un seul but: éviter aux mineurs de faire de la prison. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 1997