pouvoir d'achat
Question de :
M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 11 octobre 2000
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En cette rentrée, les revendications salariales tendent à se multiplier. «Il y a un besoin criant d'augmentation des salaires», vient de déclarer Bernard Thibault, le secrétaire de la CGT. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Quant à Marc Blondel, pour Force ouvrière, il appelle à la mobilisation sur les salaires.
Quoi de plus normal ? Les salariés entendent et lisent que les profits financiers des entreprises n'ont jamais été aussi florissants.
M. Lucien Degauchy. Ca ne va pas durer !
M. Alain Bocquet. Ces profits servent à peine à l'emploi. Ils servent d'abord à la spéculation financière et à des fusions géantes. Au premier semestre, les grands groupes industriels et commerciaux avouent avoir réalisé autant de bénéfices que durant toute l'année 1999.
«Et nous ! et nous !» disent les salariés et les familles modestes, qui ont tout à fait raison de réclamer leur juste part des fruits de la croissance. Il est vrai que ça ne peut pas toujours être pour les mêmes.
Donner davantage de pouvoir d'achat aux salariés, notamment à ceux payés au SMIC, et aux sans-emploi, c'est également donner un nouveau souffle à la croissance, qui connaît des premier signes de faiblesse.
Les experts de l'INSEE viennent, en effet, de confirmer dans une étude que «le relèvement de la croissance s'explique surtout par celui de la consommation des ménages qui, après avoir progressé de 0,8 % au premier trimestre, n'a pas dépassé les 0,2 % les trois mois suivants». De plus, ces experts ajoutent que «le revenu disponible des ménages ralentit légèrement au dernier trimestre».
A l'évidence, remédier à cette tendance préoccupante, c'est redonner un élan à la consommation populaire en augmentant le pouvoir d'achat. Le meilleur moyen, c'est l'augmentation sensible des salaires, et prioritairement les plus bas et les moyens salaires. Le salaire, on le sait, est le point d'appui tangible du pouvoir d'achat.
Alors, monsieur le ministre, avec le Gouvernement comptez-vous répondre à l'attente forte qui s'exprime et décider une augmentation exceptionnelle du SMIC de 3 % et une revalorisation des minima sociaux ?
M. Christian Jacob. Voilà qui est très clair !
M. Alain Bocquet. De même, comme le demandent les retraités qui auront une journée d'action ce jeudi 12 octobre, entendez-vous réindexer les pensions sur l'évolution des salaires ?
Tout cela ne serait pas du luxe et aurait le mérite de conjuguer justice sociale et efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Bocquet, c'est vrai, cette année, certaines grandes entreprises enregistrent des résultats souvent spectaculaires.
La question est de savoir à quoi ils sont dus, d'une part, et à quoi ils vont servir, d'autre part. C'est donc à juste titre que vous posez à cet égard la question des salaires.
De ce point de vue, je voudrais vous rendre attentif, et avec vous toute l'Assemblée, aux deux raisons pour lesquelles un grand nombre de salariés de notre pays ressentent un contraste, et parfois même un divorce, entre l'évolution générale de la croissance et celle de leur propre pouvoir d'achat.
Quand vous regardez comme vous le faites attentivement les réalités et les chiffres, vous vous apercevez que, sur l'an 2000, la masse salariale globale a crû fortement, mais essentiellement grâce aux nouveaux emplois. Le pouvoir d'achat par tête des personnes déjà employées a augmenté, lui, beaucoup plus faiblement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
C'est le même phénomène qui est prévu pour 2001, à ceci près que, heureusement, le pouvoir d'achat par tête devrait croître davantage.
La seconde raison, c'est que la réduction de la durée du travail a été accompagnée très souvent d'une modération salariale («Ah !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), comme c'était prévu dans les accords. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Les salariés sont bien sûr contents de travailler moins, mais ils souhaiteraient que leur pouvoir d'achat soit augmenté. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il est évident que nous devons prendre en compte cette préoccupation, tout en veillant bien sûr aux équilibres financiers globaux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Pour les retraites, en particulier, et cela sera inscrit dans les documents qui vous seront prochainement transmis, il est prévu des augmentations qui sont peut-être moins importantes que celles qu'on pouvait espérer mais qui devraient tout de même se traduire par des augmentations de pouvoir d'achat.
M. Jean Auclair. Et la CSG ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il faudra en plus ajouter les baisses d'impôts et les baisses ou la suppression de CSG prévues.
Au total, sur la ligne que j'ai définie, nous devrions pouvoir avoir à la fois une progression sensible du pouvoir d'achat et le maintien d'une croissance forte et des équilibres nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Auclair. Marchand d'illusions !
Auteur : M. Alain Bocquet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 octobre 2000