emploi et activité
Question de :
Mme Muguette Jacquaint
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 12 octobre 2000
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Mme Muguette Jacquaint. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Depuis plus d'un an, l'actualité économique et sociale est occupée par le projet du groupe Alsthom de supprimer près de 1 500 emplois. Contre ce projet, on a observé une mobilisation importante de tous les partenaires sociaux et des élus. A l'Assemblée nationale, plusieurs députés sont déjà intervenus pour démontrer le non-sens industriel et social de ce plan. Et la mobilisation a connu une efficacité certaine car, à ce jour, la direction n'a pu enclencher la phase active des suppressions d'emplois.
Aujourd'hui, la situation est nouvelle. Les chiffres annoncés à l'assemblée des actionnaires - hausse de 15 % de bénéfices, 13 % de commandes supplémentaires - démontrent le bon état de santé du groupe Alsthom qui s'est développé, notamment grâce aux commandes publiques d'EDF, de la SNCF et de la RATP. Dernièrement, la SNCF a commandé 420 locomotives, ce dont nous nous félicitons. Malgré ces chiffres et ces commandes, la direction maintient ses objectifs. Ses choix vont à l'encontre non seulement de l'emploi, mais aussi de l'économie. Ni la croissance économique en France ni les projections de la croissance européenne et mondiale ne pourront se réaliser sans une politique énergétique forte et diversifiée dont Alsthom, son savoir-faire, ses personnels...
M. Bernard Accoyer. Ses syndicats !
Mme Muguette Jacquaint. ... sont l'un des maillons. Face à cette situation, monsieur le Premier ministre, le Gouvernement doit peser de tout son poids pour favoriser l'adoption d'un moratoire aboutissant à l'arrêt du plan de suppressions d'emplois. Il s'agit de permettre aux salariés, à leurs représentants et à leurs élus de faire valoir des solutions alternatives en liaison avec la nouvelle charge de travail et les commandes actuelles.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre à l'attente légitime des élus et des salariés d'Alsthom ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Madame la députée, comme vous l'avez dit, le groupe Alsthom avait nourri en mars 2000 le projet de supprimer 1 500 emplois. Sans nier le contexte concurrentiel très difficile dans lequel évolue cette entreprise au niveau international, et pour les raisons que vous venez d'évoquer, le Gouvernement refuse de rentrer dans une logique de résignation ou de simple cautionnement d'un programme de restructuration. («Très bien !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Nous avons donc engagé avec les salariés un travail très précis de plusieurs mois. Je suis moi-même intervenu lors de nombreuses réunions pour étudier la situation, site par site. Nous avons, avec le président Forni, M. Jean-Pierre Chevènement et Mme Martine Aubry, mis en commun à plusieurs reprises les solutions que nous pouvions apporter à ce problème très grave. Ces réunions de travail donnent dès à présent des résultats concrets. A Belfort, la pérennité du site est garantie par de nouveaux investissements et des transferts de technologie tout à fait considérables; par ailleurs, 150 emplois supplémentaires sont préservés et, donc, 150 licenciements évités. A Lys-lez-Lannoy, Alsthom voulait carrément fermer l'entreprise. Pourtant il existe un projet de reprise qui permettrait de sauver 200 à 300 emplois. Ce projet, présenté au comité d'entreprise, sera ensuite examiné avec la plus grande attention par la direction générale de l'industrie et par le ministère de l'industrie.
A La Courneuve, Alsthom a été contraint de s'engager sur la pérennité du site, ce que le groupe ne voulait pas faire au départ. Grâce à la pression que nous avons exercée ensemble, il a opéré un transfert important d'activités d'ingénierie pour compenser la baisse, par ailleurs sévère, des effectifs que souhaite organiser le groupe. Le Gouvernement ne cautionne en aucune façon ce plan, même si celui-ci a été complètement revu comme je viens de l'indiquer.
Au-delà des discussions avec les salariés, les élus et les organisations syndicales, nous devons faire prévaloir une vision industrielle cohérente, qui préserve les chances du site français au sein de l'ensemble de l'entreprise. Il est tout à fait opportun de souligner combien la proposition de loi de votre collègue M. Robert Hue (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) va nous permettre de montrer combien l'intervention des élus, en particulier des députés, peut être fructueuse pour éviter que des aides publiques soient accordées sans discernement à ce type d'entreprises, qui ne doivent jamais être exonérées de leur responsabilité fondamentale envers les territoires où elles sont installées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : Mme Muguette Jacquaint
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 octobre 2000