Question au Gouvernement n° 2305 :
taux

11e Législature

Question de : M. Michel Bouvard
Savoie (3e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 12 octobre 2000

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le ministre, ce matin, les députés RPR membres de la commission des finances ont à nouveau défendu des amendements en faveur de l'abaissement à 5,5 % de la TVA sur la restauration (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.) et ils continueront la semaine prochaine lors de la discussion de la loi de finances. Je pense à une forme de restauration populaire, traditionnelle, où 50 % des repas sont à moins de cinquante francs et 80 % à moins de quatre-vingts francs. Le maintien de la TVA à 19,6 % pénalise d'abord les Françaises et les Français qui souhaitent se rendre au restaurant ou qui ont besoin de cette restauration populaire sur leur lieu de travail. Pour leur part, les entreprises ont bénéficié, à la suite d'une récente décision de la Cour de justice européenne, d'un remboursement de TVA, mettant en évidence l'incohérence du système français en matière de TVA sur la restauration.
Nous constatons tous, y compris sur les bancs de la majorité, des distorsions de concurrence. Au niveau intérieur, vis-à-vis de la restauration rapide dont les parts de marché s'accroissent et mettent en cause progressivement une certaine qualité de restauration dans notre pays. Au niveau international par rapport à nos principaux concurrents touristiques européens.
Nous avons appris, après la décision du Conseil d'Etat vous accordant six mois pour régler le problème des distorsions de concurrence, qu'un arrangement serait intervenu avec la Commission pour régler le problème de la restauration collective d'entreprise. Nous nous en réjouissons même si le problème de fond demeure. Pouvez-vous nous confirmer, après l'arrêt du Conseil d'Etat, qu'une solution a bien été trouvée ? Pouvez-vous nous indiquer les démarches que le Gouvernement français a entreprises, depuis le début de la présidence française du Conseil des ministres de l'économie et des finances pour que la restauration française bénéficie enfin d'une mesure que la majeure partie de nos concurrents européens ont obtenue, y compris le Portugal, qui a bénéficié récemment d'une clause dérogatoire ? Il y va de l'avenir de la restauration française, de l'équité mais aussi de la disparition d'un système qui, avec les distorsions qu'il entraîne, n'a que trop duré. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)
M le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, en ce qui concerne l'arrêt du Conseil d'Etat, je peux vous rassurer: toutes les dispositions sont prises pour qu'il soit pleinement appliqué. Sur ce point, il n'y a pas de difficulté.
En ce qui concerne un éventuel abaissement de 19,6 % à 5,5 % du taux de TVA pour la restauration, le problème est différent. Si vous le voulez bien, je vais essayer d'expliquer la situation rapidement. En effet, si cette revendication pour une profession importante qui connaît des difficultés recueille la sympathie sur tous les bancs de l'Assemblée, elle se heurte à trois séries de difficultés que personne ne peut ignorer.
La première tient à son coût. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Yves Fromion. Et la cagnotte ?
M. le président. Mes chers collègues, la question était intéressante. La réponse le sera aussi. Ecoutez-la !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ou alors ne posez pas une question si vous ne souhaitez pas entendre la réponse. (Murmures.)
Nous avons donc étudié le coût d'une telle décision: il s'agirait de 20 milliards de francs. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Bernard Accoyer. Et le coût des 35 heures ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour financer des sommes de cet ordre, il faut évidemment...
M. Pierre Lellouche. Diminuer les dépenses publiques !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... consentir des sacrifices soit en augmentant les déficits - ce que nous ne souhaitons pas (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) -, soit en amputant des dépenses, soit en accroissant les impôts. On ne peut pas faire comme si le problème financier n'existait pas. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
La deuxième difficulté, que vous connaissez mais que vous avez évacuée un peu rapidement, est d'ordre juridique.
Vous savez, en effet, puisque vous connaissez bien ces problèmes, monsieur Bouvard, que la liste des produits pour lesquels il peut y avoir diminution du taux de TVA figure sur une annexe qui a été arrêtée il y a déjà plus de dix ans: l'annexe H à la sixième directive sur la TVA. Or cette liste ne comprend pas la restauration.
M. Pierre Lellouche. Qui vous empêche de proposer de l'y inclure ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est vrai, vous l'avez rappelé à juste titre, qu'une exception a été faite pour le Portugal. Toutefois, il a bien été précisé que cette décision concernerait exclusivement ce pays où avait d'ailleurs été appliqué un taux minoré de TVA dans ce domaine avant 1991, ce qui n'a jamais été le cas en France. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Vous m'avez aussi demandé quelles initiatives avaient été prises pour avancer dans cette direction. Nous en avons effectivement parlé à nos collègues, mais ils nous ont indiqué qu'ils ne partageaient pas ce souhait. (Protestations sur les mêmes bancs.)
Il est enfin une troisième difficulté à laquelle je souhaite vous rendre attentifs, parce qu'elle est rarement soulignée.
En admettant que nous puissions trouver une solution, ce qui semble impossible aujourd'hui à cause des difficultés financières et juridiques, reste une question qu'il faut poser à ceux qui appuient cette revendication: la baisse du taux de TVA est-elle demandée pour diminuer le prix des menus ? (Rires et applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean Ueberschlag. Voilà !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Après m'en être entretenu avec les responsables, je puis vous indiquer que la réponse est négative. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Les restaurateurs, que je comprends tout à fait, soulignent que la profession connaît une situation difficile en raison des horaires de travail qui sont très lourds et de frais très élevés. Ils souhaitent donc une baisse du taux de TVA pour l'améliorer et pouvoir accorder des avantages sociaux.
Je ne discute évidemment pas la nécessité d'apporter des améliorations sociales, mais je ne pense pas que cet objectif pourrait être atteint par une baisse du taux de TVA, dont tout le monde attendrait qu'elle soit répercutée sur le prix des restaurants. (Protestations sur les mêmes bancs.)
M. Yves Fromion. Cela créerait des emplois !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. S'il est indéniable que la profession connaît des difficultés, ce n'est pas une baisse du taux de TVA qui permettra de les résoudre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Michel Bouvard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Tva

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 12 octobre 2000

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