politiques communautaires
Question de :
M. Didier Quentin
Charente-Maritime (5e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 19 octobre 2000
M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.
M. Didier Quentin. Ma question, que je pose au nom des trois groupes de l'opposition (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)... Voilà la droite plurielle qui s'exprime !
M. le président. Merci, monsieur Quentin, cela va me permettre de globaliser les temps de parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Didier Quentin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre car elle concerne plusieurs départements ministériels. Elle porte sur la mise en oeuvre de la directive européenne «Habitats», dite Natura 2000, qui instaure un réseau d'espaces protégés, engageant la France pour de nombreuses années, et qui touche à des intérêts sensibles: les activités économiques et de loisir du monde rural, l'évolution des plans d'occupation des sols, le droit de propriété, et il y aurait bien d'autres enjeux à citer.
Votre gouvernement avait été sanctionné une première fois en septembre 1999 par le Conseil d'Etat, qui avait donné raison à tous ceux qui contestent depuis plus de trois ans votre façon pour le moins désinvolte d'appliquer cette directive européenne.
M. Christian Jacob. C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Didier Quentin. Le Conseil d'Etat soulignait déjà la raison principale du retard de la France dans Natura 2000, à savoir l'insuffisance et l'échec de la concertation.
Je constate aujourd'hui que la sanction du Conseil d'Etat ne vous a pas servi de leçon. En effet, il se dit beaucoup que votre gouvernement aurait l'intention de procéder par ordonnance pour transcrire Natura 2000 dans notre droit interne. Ainsi, vous persisteriez à vouloir priver la représentation nationale d'un examen attentif et complet de ce dossier si sensible pour nos populations rurales.
Le groupe RPR et nos amis de DL et de l'UDF s'insurgent contre une telle confiscation du débat démocratique (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie Libérale et Indépendants), qui risque de surcroît de nourrir des sentiments anti-européens.
Ma question est donc double. Quand cesserez-vous d'entretenir le trouble et la confusion autour de Natura 2000 et d'attiser ainsi les passions autour de ce dossier qui gagnerait à être traité dans la transparence et la sérénité ? Allez-vous, oui ou non, disjoindre cette question de l'ensemble des ordonnances prévues et déposer rapidement un projet de loi au Parlement afin d'engager le vrai débat démocratique attendu par tous les usagers et protecteurs de la nature ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le député, la progression indéniable du contentieux national et communautaire concernant la directive «Habitats» traduit l'importance et la complexité des enjeux liés à cette directive et à la directive «Oiseaux».
M. Jean-Louis Debré. C'est de la bouillie pour chats !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Des procédures d'infraction ont été engagées par la Commission européenne contre la France au titre de la directive «Oiseaux» - le problème est pratiquement réglé - mais aussi en raison d'un classement insuffisant des zones de protection spéciale ou d'une transmission insuffisante de propositions nationales au titre de la directive «Habitats».
La Commission a également pointé l'absence de transposition de l'article 6 de la directive dans notre droit national.
M. Christian Jacob. Cela fait trois ans que vous êtes au Gouvernement !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La Commission ne s'est pas contentée d'engager des mesures d'ordre juridique. Elle nous a également fait savoir que le respect de nos engagements communautaires risquait de conditionner désormais l'attribution des fonds structurels européens,...
M. Thierry Mariani. Chantage !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... en particulier dans le cadre des DOCUP - documents uniques de programmation - du plan national de développement rural.
Vous invoquez le chantage, monsieur le député. Sachez en tout cas que si chantage il y a, c'est un chantage qui paraît mené non seulement par la direction générale chargée de l'environnement au sein de la Commission...
M. René André. C'est un chantage que vous soutenez !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... mais aussi par la direction générale chargée des politiques régionales.
De réels progrès ont été accomplis: 1029 propositions de sites représentant 5 % du territoire ont été examinées par la Commission dans le cadre des séminaires bio-géographiques.
M. Christian Jacob. Sans acune concertation !
M. Christian Estrosi. Sans démocratie !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Pas plus qu'elle ne met en cause la poursuite du processus, la décision du Conseil d'Etat qui annule les transmissions réalisées dans l'urgence en 1997 n'affecte ces premiers acquis. Nous avons, il est vrai, été amenés à transmettre à nouveau, de façon plus réglementaire, 531 des 543 premiers sites qui l'avaient été en 1997.
Vous vous en souvenez, en 1997, le processus était bloqué. Nous avons réinstallé la France dans une position plus honorable au coeur des discussions communautaires. Mais, c'est vrai, il nous reste à transposer l'article 6 de la directive.
M. André Berthol. Faxez-nous la réponse !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous devez le savoir, le contenu de l'article en question a été largement débattu au sein du comité national de suivi et de concertation Natura 2000 (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), ...
M. Christian Estrosi. C'est à l'Assemblée qu'il faut débattre !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... où sont représentés l'ensemble des utilisateurs de la nature: chasseurs, agriculteurs, forestiers, protecteurs de l'environnement, élus représentatifs des différentes associations d'élus. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Christian Estrosi. C'est ici qu'il faut débattre !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il nous faudra bien transposer cette directive. Le Gouvernement envisage de le faire dans le cadre d'un projet d'ordonnance.
M. René André. Et le Parlement ?
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous parlez de désinvolture, monsieur le député. Mais à désinvolture, désinvolture et demie. La situation bloquée que nous avons trouvée en 1997 (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République)...
M. Christian Jacob. Qu'avez-vous fait depuis trois ans !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... ne l'est plus.
Il vous reste à franchir la dernière étape et à ne pas prendre en otage les fonds structurels pour une sorte de match retour de la loi sur la chasse qui ne vous grandirait pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Didier Quentin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement
Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 octobre 2000