Question au Gouvernement n° 233 :
durée du travail

11e Législature

Question de : M. Serge Poignant
Loire-Atlantique (10e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 4 décembre 1997

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.
M. Serge Poignant. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame le ministre, vous vous obstinez à vouloir instaurer par la force et la supercherie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) les trente-cinq heures généralisées sans réduction de salaire.
Quand cesserez-vous de mettre au même rang toutes les entreprises, de toutes tailles, de toutes natures, en ignorant totalement les efforts déjà réalisés par la grande majorité d'entre elles...
Quelques députés du groupe socialiste. Et les efforts des salariés ?
M. Serge Poignant. ... qui n'ont cessé de se restructurer ou de rechercher tous les gains possibles de productivité ? C'est particulièrement vrai dans nos PME-PMI.
Quand serez-vous attentive aux délocalisations qui se multiplient et qui vont, malheureusement, s'accélérer inexorablement si vous persistez à alourdir le coût du travail ? J'en veux pour preuve la toute récente déclaration du PDG des Cristalleries d'Arques, entreprise à forte utilisation de main-d'oeuvre.
Avez-vous vraiment conscience, en affirmant garantir le niveau actuel du SMIC malgré le passage à trente-cinq heures, que le taux horaire du SMIC devra passer à 43,92 francs au lieu de 39,43 francs actuellement, ce qui s'appliquera à toute les entreprises y compris à celles de moins de vingt salariés ?
Madame le ministre, vous entretenez le flou sur ces trente-cinq heures: trente-cinq heures payées trente-neuf, trente-cinq heures sans réduction de salaire... En entretenant ce flou, qui pensez-vous tromper ? Les entreprises elles-mêmes, en annonçant le dialogue mais en fixant à l'avance le terme de la négociation ? Les salariés, à qui vous devriez avoir le courage de dire qu'ils perdront, à terme, en pouvoir d'achat ? Les chômeurs, à qui vous faites miroiter des centaines de milliers d'emplois, objectif que vous savez parfaitement irréaliste ?
Vous condamnez la démarche volontaire amorcée sous l'ancien gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous condamnez nombre de PME-PMI, petites entreprises ou petits commerces, pourtant potentiellement créateurs d'emplois, qui voient arriver ces trente-cinq heures obligatoires comme une catastrophe ! («Très bien» sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Le seule voie pour atténuer les effets dévastateurs du renchérissement du coût salarial serait de le compenser par une baisse massive des charges sur les salaires; mais vous n'en avez ni la volonté ni les moyens !
Quand allez-vous donc vous décider, madame le ministre, à écouter les voix qui s'élèvent de toutes parts ? Sans quoi vous persisterez dans un dogmatisme qui peut être lourd de conséquences négatives pour l'avenir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, les voix que j'entends le plus actuellement, ce sont celles des 3,5 millions de chômeurs, auxquelles s'ajoutent celles de tous ceux qui sont sur le bord de la route. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Ces voix, que nous disent-elles ? Elles nous disent que nous avons tous échoué sur le chômage (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), ce qui devrait nous inciter aujourd'hui à un peu plus de modestie.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Jean-Michel Ferrand. Quatorze ans de socialisme !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut à la fois relancer la croissance, comme nous le faisons actuellement, par la consommation, et nous engager dans de - nouvelles activités - services ou nouvelles technologies de l'information ainsi que dans cette voie que l'ensemble des pays européens - je dois bien le reconnaître - ont enfin jugé possible, celle de la réduction de la durée du travail.
M. Rudy Salles. Ce n'est pas vrai ! C'est une honte !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Dois-je vous rappeler que nous sommes dans la moyenne basse européenne pour les efforts entrepris en la matière ?
Cela dit, monsieur le député, nous sommes très sensibles aux problèmes des petites et moyennes entreprises.
M. Jean-Michel Ferrand. C'est faux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. D'ailleurs, ce matin même, Marylise Lebranchu a annoncé que trente-sept mesures allaient être prises pour réduire les formalités administratives des entreprises. Ces mesures leur seront très utiles pour créer des emplois car elles permettront de traiter les choses avec plus de simplicité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean-Michel Ferrand. Il n'y a que dans les cabinets ministériels que l'on croit ça !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. En ce qui concerne la durée du travail, vous le savez très bien, le projet de loi comporte de multiples souplesses. Tout d'abord, si la durée légale est fixée dans la loi, celle-ci renvoie néanmoins à la négociation et fait confiance aux négociateurs. Dans un premier temps, un délai de plus de deux ans est accordé aux entreprises, avec un seuil de vingt salariés.
Je vous rappelle que le Gouvernement va mettre en place un système incitatif d'aide aux entreprises pour prendre en compte une partie du coût. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Combien ça coûte ?
M. Jean Auclair. Qui va payer ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela coûtera, par emploi, environ dix fois moins que ce que coûtent aujourd'hui les 40 000 emplois que vous avez mis en place avec 40 milliards d'exonérations et de ristournes sur les cotisations sociales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Michel Ferrand. Ce n'est pas sérieux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Enfin, les modalités définitives de passage à la loi seront décidées après avoir fait un bilan sur les négociations collectives et en tenant compte de la situation économique à la fin de 1999.
Mme Nicole Catala. Mais non !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, monsieur le député, j'ai du mal à penser qu'une loi qui va être votée par l'Assemblée nationale et par le Sénat puisse être un «coup de force» et une «supercherie» ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Serge Poignant

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 1997

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