Question au Gouvernement n° 2352 :
salles de cinéma

11e Législature

Question de : M. Marcel Rogemont
Ille-et-Vilaine (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 26 octobre 2000

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.
M. Marcel Rogemont. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Les Françaises et les Français vont de plus en plus au cinéma: 116 millions de spectateurs en 1992, 155 millions en 1999, et probablement plus de 160 millions pour l'année en cours. Cette bonne santé ne peut gommer cependant deux questions respectivement sur les multiplexes et sur la carte d'abonnement.
Il n'est pas question d'interdire les multiplexes, sorte de supermarchés où l'on trouve dix à trente salles de cinéma dans un même lieu, mais d'encadrer leur création afin de respecter les équilibres et de ne pas tuer les cinémas de centre-ville et les cinémas d'art et d'essai. Il faut donc faire en sorte qu'il n'y en ait pas trop sur une même agglomération.
M. Alain Barrau. Très bien !
M. Marcel Rogemont. La carte d'abonnement, qui permet à son détenteur de voir autant de films qu'il veut, est plébiscitée par les usagers depuis sa création. Ainsi, sur la place de Paris, UGC en aura vendu près de 130 000 depuis la fin du mois de mars. MK2 et Gaumont se sont également lancés dans l'opération.
Cet incontestable succès n'appelle pas moins deux questions sur le financement des films et sur la concurrence.
Le lien entre le film vu par un spectateur et le prix des places était absolument nécessaire pour garantir la juste rémunération de l'auteur, du producteur et des distributeurs. La carte d'abonnement actuelle ne permet plus la transparence de ce lien ni donc la juste rémunération des acteurs du cinéma.
A Paris, en six mois, UGC a vu croître ses parts de marché de 26 %, ce qui pose le problème de la concurrence, lequel sera plus aigu encore lorsque ces cartes arriveront dans les agglomérations où les positions dominantes sont souvent plus tranchées.
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants. La question ! La question !
M. le président. Monsieur Rogemont, veuillez poser votre question.
M. Marcel Rogemont. Là encore, il ne s'agit pas d'interdire, ce n'est pas notre philosophie, mais d'encadrer. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Sur ces deux points, madame la ministre, nous souhaiterions connaître votre position. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, comme vous l'avez très justement indiqué, la fréquentation cinématographique se porte assez bien dans notre pays, et même elle progresse, et avec 30 % de films français à l'écran, chiffre que n'ont pas pu atteindre les pays voisins pour leur propre cinématographie.
Pourtant, de lourdes menaces pèsent aujourd'hui sur l'exploitation et donc sur toute la chaîne du cinéma, pour deux raisons: la multiplication et l'implantation insuffisamment maîtrisées des multiplexes et, plus récemment, le lancement de ces fameuses cartes d'accès illimité. Dans les deux cas, selon moi, la juste concurrence n'est pas assurée, pas plus que la préservation des intérêts de l'art du cinéma. Je partage donc vos interrogations.
Je rappelle notre attachement à la diversité du parc de salles qui est garant de la diversité des films. C'est d'ailleurs une constante des politiques publiques de soutien au cinéma, rappelée par le Premier ministre Lionel Jospin lors du dernier festival de Cannes. C'est pourquoi, au nom du Gouvernement, j'ai présenté au Sénat, la semaine dernière, plusieurs dispositions d'encadrement, par voie d'amendements à la loi sur les nouvelles régulations économiques.
Pour l'essentiel, j'ai proposé que les commissions départementales d'équipement cinématographique fondent désormais leurs décisions sur des critères d'appréciation supplémentaires, que le seuil d'examen soit abaissé à 800 fauteuils et que les multiplexes aient à souscrire des engagements fermes de programmation dont le non-respect serait sanctionné financièrement.
S'agissant de la carte d'accès illimité, cette nouvelle pratique commerciale a vraiment un double visage. Certes elle est bien accueillie par un très large public qui y voit d'abord une baisse du prix d'entrée dans les salles de cinéma, baisse qui confine d'ailleurs parfois à la gratuité. Mais elle risque de faire disparaître tout un pan de l'exploitation des cinémas indépendants et d'art et d'essai. En outre, comme vous l'avez souligné, elle n'offre pas de garanties sérieuses pour la rémunération des ayants droit.
Là aussi, pour encadrer ces formules, j'ai proposé un système d'agrément des cartes d'accès, que le Sénat a adopté à l'unanimité. Lorsque ce texte aura achevé son parcours parlementaire, il assurera à la fois la remontée des droits et l'ouverture du système aux salles indépendantes dans des conditions équitables.
Le Gouvernement ne peut pas accepter que des initiatives privées, prises sans aucune concertation, viennent compromettre une politique d'aide à la création et d'aménagement culturel du territoire où tout le monde a trouvé son profit jusqu'ici. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Marcel Rogemont

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Arts et spectacles

Ministère interrogé : culture et communication

Ministère répondant : culture et communication

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 octobre 2000

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