mer et littoral
Question de :
M. Daniel Paul
Seine-Maritime (8e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 1er novembre 2000
M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. («Ah ! Il arrive à l'instant !», sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Le Ievoli Sun a sombré ce matin à neuf heures, à une dizaine de milles du cap de La Hague. Il contenait 4 000 tonnes d'un produit chimique insoluble dans l'eau, très toxique, corrosif et explosif. Comme tous les Français, nous sommes indignés. Dix mois après l'Erika, un navire à l'évidence sous-normes, même s'il avait un double fond, a sombré avec une cargaison dangereuse. Dix mois après l'Erika, ce navire avait été contrôlé par la société de classification mise en cause depuis décembre 1999.
M. Edouard Landrain. Qui préside l'Union ?
M. Daniel Paul. Dix mois après l'Erika, des compagnies pétrolières sont une nouvelle fois les affréteurs de navires sous-normes pour des produits chimiques dangereux. Oui, nous sommes indignés, parce que les mêmes pratiques de recherche de transport au moindre coût sont ici mises en cause. Depuis vingt-cinq ans, c'est la même logique libérale qui produit les mêmes effets (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), celle qui fait fi des hommes et de la nature au nom des marchés financiers.
M. François Vannson. Et les sous-marins russes ?
M. Charles Cova. C'est le capitalisme qui a coulé le Koursk ?
M. Daniel Paul. Dois-je rappeler, messieurs de la droite, l'héritage que vous nous avez laissé ? Ainsi, nous n'avions plus que cinquante-six contrôleurs dans nos ports. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je tiens à saluer ici les marins de l'Abeille Flandre, qui, dans des conditions extrêmement difficiles et dangereuses, ont tenté de sauver ce navire et de le reconduire dans un port. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) La mer est souvent dure, mais elle l'est surtout quand on ne respecte pas les règles de la sécurité maritime.
Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Qui fixe les règles ?
M. Daniel Paul. Dès lors, monsieur le ministre, ayant entendu les réponses qui ont déjà été faites à mes collègues, je souhaite vous poser les trois questions suivantes.
Où en sont précisément les négociations avec l'organisation maritime internationale ?
La compagnie Exxon, qui est aujourd'hui mise en cause, vient d'être condamnée en appel par un tribunal américain à verser 5 milliards de dollars de dommages et intérêts à la suite de la catastrophe de l'Exxon Valdes.
Un député du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Ca a du bon, le libéralisme !
M. Daniel Paul. N'est-il pas temps de suivre une voie identique de responsabilisation financière totale des acteurs du transport maritime ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Après tout, M. Roger Meï vient de le rappeler, les compagnies pétrolières ont les moyens de payer.
M. Bernard Accoyer. Eh oui !
M. Daniel Paul. Nous devons renforcer nos moyens de surveillance et d'intervention, et non les fragiliser au nom d'une concurrence imposée par le libéralisme. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Confirmez-vous, monsieur le ministre, les intentions affichées par le Gouvernement dans ce domaine ? Les côtes nord-ouest et ouest de notre pays, c'est-à-dire les côtes de la Manche, sont les plus menacées du fait des vents dominants dans ce secteur: cela milite encore plus pour l'application de mesures fortes. Dois-je rappeler que 140 000 tonnes de produits chimiques passent chaque jour au large des côtes de la Bretagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Il a retiré son ciré !
M. Jacques Myard. Et ses palmes !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'arrive à l'instant de Cherbourg (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et je me suis rendu sur la zone du naufrage de ce navire...
M. Bernard Accoyer. C'est bien la moindre des choses !
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... en compagnie de l'amiral préfet maritime. Je veux d'abord dire ce que nous avons vu. L'Abeille Languedoc est sur place, une surveillance par hélicoptère et par l'avion Polmar est mise en oeuvre. En ce qui concerne les traces de pollution, on observe une nappe irisée qui s'étend sur huit cents mètres environ. On ne sait pas encore s'il s'agit du fameux produit toxique dont on a parlé, le styrène, ou du carburant s'échappant des moteurs.
Avant d'en venir à ce qui a été décidé, je voudrais, après le Premier ministre, saluer le travail des équipes de sauveteurs. Sur une mer déchaînée, dans des conditions météorologiques épouvantables, ils ont réussi d'abord à sauver la vie des marins et, ensuite, à arrimer le bâteau qui allait couler car il donnait déjà manifestement beaucoup de gîte. Si le bâtiment avait dérivé, il se serait dirigé vers la baie Saint-Michel.
Les sauveteurs ont tiré le navire en espérant le conduire soit à Cherbourg, soit au Havre, qui sont équipés pour traiter au mieux les problèmes que posent les produits chimiques.
Il faut savoir ce que ce genre d'opération, dans ces situations extrêmes, représente d'engagement, de courage et de dévouement. Je crois qu'on peut saluer ces hommes sans arrière-pensées. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Le navire a coulé à environ quarante kilomètres des côtes, par soixante mètres de fond. Il n'est pas dans la fosse des Casquets - je le dis parce que cette possibilité a été évoquée - qui se trouve à trois kilomètres de là. Toutes les dispositions sont prises en collaboration avec nos amis Anglais et les responsables des îles anglo-normandes, lesquelles ont leur propre statut, pour faire en sorte que la situation soit traitée dans les meilleures conditions, notamment du point de vue de la pollution et de la sécurité des populations.
Un chasseur de mines se rend sur la zone, pour suivre, au moyen d'un sonar, l'évolution de l'épave. A soixante mètres de fond, des courants sont susceptibles de la déplacer. Nous voulons connaître en permanence sa position.
Nous nous apprêtons également à faire descendre un robot. Mais le produit que contient le navire étant dangereux, et même explosif, toutes les précautions nécessaires doivent être prises.
En outre, nous envoyons des navires équipés pour d'éventuelles opérations de pompage. Pour l'instant, nous ne savons pas si les cuves sont intactes, ce qui nécessiterait un traitement particulier. En tout cas, il faut être prêt à pomper ce qui pourrait être pompé et à mettre en place des barrages pour éviter tout risque de dérive vers les côtes des produits polluants.
M. André Santini. Voilà qui est intéressant !
M. Marc-Philippe Daubresse. Concrètement, vous faites quoi ?
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. On m'a rapporté les propos de M. Quentin qui a posé une question sur le même sujet.
M. Quentin est en effet bien placé pour dénoncer le manque de moyens, lui qui a été, avant d'être député, secrétaire général à la mer, et alors que l'une des situations difficiles auxquelles nous avons été confrontés à notre arrivée résultait justement du manque de moyens dont souffrait la sécurité maritime. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Charles Cova. Mais qu'est-ce que vous racontez là ?
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je n'ai pas eu le temps de vérifier, si bien que je ne peux dire, de M. Balladur ou de M. Juppé, qui l'avait nommé. Quoi qu'il en soit, il doit effectivement savoir de quoi il parle.
Permettez-moi de rappeler que c'est grâce au comité interministériel à la mer, présidé par Lionel Jospin, Premier ministre, que des décisions ont été prises. Ainsi, l'affrètement d'un navire franco-britannique a permis d'éviter le naufrage du pétrolier Manuela.
Deuxièmement, nous avons décidé de doubler le nombre d'inspecteurs d'ici à deux ans, pour mieux contrôler les navires dans les ports.
Troisièmement, nous avons décidé d'augmenter le budget de 60 %.
Chacun de nous mesure le décalage dans le temps entre le naufrage de l'Erika et les décisions prises. Mais jamais comme cette fois-ci un gouvernement, à l'échelle de l'Europe, n'a eu autant de détermination (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour faire avaliser par l'ensemble des pays de la Communauté européenne un changement radical en ce qui concerne la sécurité maritime.
M. Michel Herbillon. Avec quel résultat ?
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement. On l'a vu avec Total et l'Erika, et on le voit aujourd'hui avec Exxon et Shell, c'est le système qui est en jeu. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le système veut que l'on recherche le prix le plus bas ! Ce qui est en jeu, c'est le libéralisme, que vous soutenez ! Et c'est cela que l'on va changer grâce aux décisions de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Michel Herbillon. Affligeant !
Auteur : M. Daniel Paul
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : équipement et transports
Ministère répondant : équipement et transports
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er novembre 2000