mer et littoral
Question de :
M. Yvon Abiven
Finistère (4e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 8 novembre 2000
M. le président. La parole est à M. Yvon Abiven.
M. Yvon Abiven. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, la semaine passée, le naufrage du Ievoli Sun a ému toutes les régions maritimes et notamment la Bretagne pourtant, hélas ! accoutumée aux catastrophes de la mer.
Chaque jour, plus de 150 navires passent par la pointe de Bretagne transportant 500 000 tonnes de pétrole, 35 000 tonnes de gaz ou encore 60 000 tonnes de produits chimiques. En 1998, 308 navires ont connu des avaries dans le rail d'Ouessant et 283 ont commis des infractions aux règles de circulation.
Bon nombre de ces bateaux sont de véritables poubelles qui finissent au mieux dans nos ports. Ainsi, peu après le naufrage la semaine dernière du Ievoli Sun, un chimiquier turc, le Dantas, classé 48 sur l'échelle de risques, qui en comporte 50, soit à deux points de l'interdiction de naviguer, a du être escorté en baie de Douarnenez et serait prêt à reprendre la mer. Le Palatial, sous pavillon panaméen et immobilisé à Brest après une explosion en cale, vient d'être racheté par un armateur grec, également propriétaire d'un autre bateau qui se trouve à Brest, le Junior M, qui contient 4 000 tonnes de nitrate d'ammonium dont on ne sait que faire. Rebaptisé le Han, le Palatial serait prêt à repartir sous pavillon bolivien.
Monsieur le ministre, la mise en place d'une réglementation européenne efficace est indispensable. Cela implique des contrôles plus nombreux et plus pointilleux pour dissuader l'arrogance de certains armateurs ou affréteurs peu scrupuleux. Vous avez fait état des négociations que vous menez au niveau européen. Pouvez-vous nous assurer que les mesures en préparation seront suffisantes et à la hauteur des attentes de la population lassée des dégâts économiques et écologiques causés par ces nombreux naufrages ? Dans quelle mesure la position européenne pourra-t-elle être entendue au niveau international ? Enfin, peut-on, dès maintenant, prendre des mesures d'urgence pour bloquer la navigation de ces bateaux poubelles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le député, vous l'avez dit, l'Ievoli Sun était un navire italien, parti d'un port anglais, qui a sombré dans des eaux internationales après avoir lancé un appel de détresse dans les eaux internationales. Les exemples que vous avez cités montrent que les solutions efficaces passent par des actions à l'échelle communautaire et internationale.
Après le naufrage de l'Erika, nous avons déposé trois memorandums qui ont été plutôt bien accueillis tant par l'Union européenne que par l'Organisation maritime internationale - l'OMI. Notre mobilisation sans précédent a permis d'obtenir, dès le premier conseil des ministres des transports européens sous présidence française, un accord politique sur trois aspects essentiels: la responsabilisation des sociétés de classification, le renforcement du contrôle de l'état du port avec la possibilité d'aller vers des procédures de bannissement des bateaux, enfin l'élimination, dès 2003, des navires à simple coque - soit quinze ans en avance sur le calendrier initialement prévu.
Ces mesures, certes importantes, ne seront toutefois pas suffisantes. C'est pourquoi la France a proposé un deuxième paquet portant sur la surveillance et la transparence du transport maritime, la création d'une agence européenne de sécurité et la mise en place d'un système de responsabilisation de tous les acteurs du transport maritime - chargeurs, affréteurs, armateurs et responsables publics. Je n'oublie pas les mesures d'harmonisation sociale dont on parle peu. C'est cette lacune qui fait qu'aujourd'hui des navires fonctionnent avec des équipages surexploités et sous-payés.
Tout cela implique un contrôle renforcé dans les ports européens. Le nombre des inspecteurs français sera ainsi doublé par rapport à ce qu'il était lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement (Exclamations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et ce dans les délais les plus brefs. Le budget proposé pour 2001 est, quant à lui, en augmentation de 60 %.
Mais l'action gouvernementale ne se limite pas à l'échelle européenne. Avec l'Organisation maritime internationale, nous avons engagé des discussions pour prévoir une signalisation obligatoire de la fosse des Casquets, pour doubler les contrôles en cale sèche - soit tous les deux ans et demi au lieu de tous les cinq ans - dès lors qu'un navire a atteint quinze ans d'âge, et pour éliminer progressivement les navires à simple coque.
Je termine sur les deux mesures d'urgence dont vous avez parlé. La France demandera à ses partenaires une application immédiate des dispositions qui auront fait l'objet d'un accord politique entre la Commission, le conseil des ministres et le Parlement qui doit se prononcer à la fin du mois de novembre. Parallèlement, je proposerai à l'Europe et à l'Organisation maritime internationale, au nom de la France, d'interdire la navigation dans les zones particulièrement sensibles que constituent le rail d'Ouessant, la Manche et la mer du Nord lors des tempêtes, qui sont en général prévues quarante-huit heures à l'avance. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) En effet, eaux internationales ou pas, c'est toujours sur nos côtes que les dégâts se produisent et que l'environnement est détruit. (Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Edouard Landrain. Il faut le faire !
Auteur : M. Yvon Abiven
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : équipement et transports
Ministère répondant : équipement et transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 novembre 2000