Question au Gouvernement n° 2433 :
politiques communautaires

11e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Balligand
Aisne (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 29 novembre 2000

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
M. Jean-Pierre Balligand. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Depuis une dizaine d'années que l'Europe a décidé la liberté de circulation des capitaux, les Européens ont tenté, sans succès, de faire converger leurs approches de la taxation de l'épargne. Dans le cadre de la présidence française, un accord vient enfin d'être trouvé - hier - entre les ministres de l'économie et des finances.
Faut-il rappeler que, lorsque les Etats européens ne coopèrent pas et se livrent à une concurrence fiscale effrénée pour attirer des capitaux, la fiscalité sur les revenus du travail compense la baisse des recettes fiscales provenant de la taxation de l'épargne ?
M. Christian Bataille. Très bien !
M. Jean-Pierre Balligand. Faut-il rappeler aussi que, avant cet accord, les Etats qui, comme le nôtre, souhaitent préserver une politique publique de redistribution sont contraints à maintenir une pression fiscale élevée, notamment sur les salaires, à moins bien sûr d'accepter des réductions massives des dépenses publiques, ce qui n'est pas, fort heureusement, l'orientation de ce gouvernement ?
A cet égard, l'exemple britannique des transports ferroviaires nous montre bien à quels résultats la concurrence fiscale non maîtrisée conduit: une amélioration du bien-être du consommateur, à très court terme, par des tarifs plus attractifs, mais complètement annihilée, dans le temps, par la dégradation des conditions de sécurité des voyageurs.
A quelques jours du Conseil européen de Nice, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions sur le contenu de l'accord et sur les engagements réciproques des Etats membres, tant en matière de taxation des citoyens qui placent l'épargne ailleurs que chez eux qu'en matière de lutte contre l'évasion fiscale dans les paradis fiscaux européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, effectivement, hier, au petit matin, les ministres des finances des pays de l'Union se sont mis d'accord pour boucler ce que l'on appelle dans notre jargon le «paquet fiscal». Il s'agit là d'un accord important qui avait été évoqué pour la première fois en 1989 et sur lequel on avait commencé à travailler il y a trois ans.
Sans insister sur l'aspect technique, je rappellerai que ce paquet comporte deux éléments principaux.
D'abord, le code de bonne conduite. Dans certains pays - ce n'est pas le cas de la France, mais c'est le cas, par exemple, des Pays-Bas et de l'Irlande -, il existe des régimes, exorbitants pour les entreprises et leurs quartiers généraux, qui conduisent au dumping fiscal. Soixante-six régimes dommageables ont été identifiés, dont il a été décidé qu'ils devaient être démantelés au 1er janvier 2003.
Ensuite, le régime de la fiscalité de l'épargne. Actuellement, dans certains pays comme le Luxembourg, l'Autriche ou la Belgique, des non-résidents peuvent investir leurs capitaux et bénéficier non seulement de taux privilégiés, mais d'un régime dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas transparent.
Nous sommes parvenus à fixer un principe général, applicable désormais à tous, celui de l'échange d'informations, ce qui signifie, à terme, la fin du secret bancaire en ce qui concerne ces placements. Dès 2002, l'échange d'informations fonctionnera dans douze pays et il est convenu que, pour le Luxembourg, l'Autriche et la Belgique, il y aura une période intermédiaire un peu plus longue pendant laquelle ceux qui y placent leur argent devront acquitter des sommes destinées aux pays dont ils sont originaires.
Cet accord, on le voit, est important à trois titres.
Il porte un coup, d'abord, au dumping fiscal, puisque les régimes dérogatoires seront purement et simplement démantelés, ensuite, à l'évasion fiscale publique puisque, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, il signifie à terme la fin du secret bancaire. Enfin, grâce à cet accord, il y aura probablement moins de distorsion entre la fiscalité du travail et celle du capital, ce qui va dans le sens des idées que vous défendez.
Bien sûr, cela ne s'appliquera pas du jour au lendemain et nous connaissons suffisamment la réalité dans ces domaines pour savoir qu'il y aura encore des obstacles à surmonter. Mais qu'une discussion entamée depuis plus de dix ans - en particulier une négociation nouée il y a trois ans - puisse se terminer favorablement sous présidence française, sera, je crois, accueilli favorablement par tous les Européens, et en particulier par tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Balligand

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 29 novembre 2000

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