construction aéronautique
Question de :
M. Gérard Bapt
Haute-Garonne (2e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 10 décembre 1997
M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
M. Gérard Bapt. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. L'importance économique du secteur aéronautique et spatial, ainsi que celui de l'électronique de défense, qui lui est proche, est grande, puisque, en Europe, il concerne 370 000 emplois. Mais, face aux concentrations massives qui ont lieu aux Etats-Unis, l'Europe doit consolider sa position commerciale dans le monde et utiliser l'aérospatiale civile et militaire pour renforcer l'intégration européenne en matière de défense.
A cet égard, l'intention manifestée par plusieurs entreprises européennes, et notamment françaises, britanniques et allemandes, de regrouper leurs activités apparaît très positive.
La première manifestation de cette volonté sera la transformation d'Airbus en une société intégrée. Mais n'est-il pas nécessaire qu'une initiative politique des gouvernements vienne consolider et accélérer cette intégration sur la base d'un partenariat équilibré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Ueberschlag. Pourvu que ça dure !
M. le président. La parole et à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. La mondialisation est un fait. Elle n'est pas une fatalité à laquelle nous devrions nous plier, pas plus dans le domaine industriel, que dans le domaine technologique ou culturel.
On se souvient, en particulier dans le domaine culturel, des combats que nous avons menés en Europe pour défendre l'exception culturelle, c'est-à-dire une certaine conception de notre identité européenne et de notre culture nationale.
Plus généralement, le Gouvernement entend conduire une politique active dans le monde. Sur le terrain industriel, comme sur celui de l'emploi ou de la politique sociale, il prend des initiatives. Nous croyons qu'un certain nombre de politiques peuvent être encore conduites à condition d'en avoir la volonté.
Pour autant, les trente-cinq heures ne semblent pas décourager tout le monde de s'installer en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et de l'Union pour la démocratie française.)
M. Louis de Broissia. A quel prix ?
M. Robert Pandraud. Il n'y a pas de télé, aujourdh'ui, monsieur le Premier ministre !...
M. le Premier ministre. Mes propos n'auront que plus de force: c'est sur le fond que je m'exprime .(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
La France entend aussi mener des coopérations européennes chaque fois qu'elles sont nécessaires. Depuis deux ans, nous assistons aux Etats-Unis à un processus de concentration formidable, industriel et capitalistique, dans le domaine de l'aéronautique, mais aussi dans d'autres secteurs. La fusion Boeing-McDonnell-Douglas en a été le signe le plus manifeste.
Dans ces conditions, ou bien on peut penser que les solutions sont purement nationales. Nous ne le pouvons pas. D'ailleurs dans le domaine de l'aéronautique comme dans celui de l'espace, avec Airbus comme avec Ariane, nous avons cherché des solutions européennes. Ou bien des entreprises nationales des différents pays européens croient trouver des solutions en nouant des alliances avec de très grandes entreprises américaines, dont, en réalité, elles deviendraient rapidement des partenaires mineurs.
Dans ces secteurs décisifs, l'espace, l'aéronautique, l'électronique de défense, à partir des réalités industrielles nationales, qu'elles soient publiques ou privées - nous n'avons pas à cet égard d'a priori idéologiques...
M. Pierre Lellouche. Tant mieux !
M. le Premier ministre. ... car ce sont des projets industriels qui nous guident (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française), et nous n'en avons pas non plus en faveur des privatisations ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean Ueberschlag. On verra !
M. le Premier ministre. C'est sur la base de projets industriels que nous agirons.
Dans les contacts noués par le Gouvernement avec ses homologues britannique et allemand, nous avons senti qu'existait cette volonté politique que vous appeliez de vos voeux, monsieur le député, même si les regroupements à opérer dans les différents domaines devront l'être sur la base des réalités industrielles et de projets d'entreprise.
C'est pourquoi le Président de la République et moi-même, au nom de la France, le Chancelier fédéral, au nom de l'Allemagne, et le Premier ministre britannique, au nom du Royaume-Uni, ont signé cette déclaration commune qui marque la volonté de nos trois pays de s'ouvrir à d'autres. Et les collaborateurs du président du gouvernement espagnol nous ont fait savoir en fin de matinée que ce dernier souhaite s'associer à cette démarche.
Comme je le disais dans un déjeuner de travail préparatoire au sommet de vendredi et de samedi à Luxembourg au Premier ministre suédois également intéressé, personne ne peut être a priori exclu de cette démarche. C'est pourquoi effectivement les trois gouvernements ont souhaité donner un élan, marquer une volonté politique pour préparer les évolutions nécessaires, en particulier, dans le domaine de l'aéronautique, et dans la perspective de créer une société Airbus. Nous serons très attentifs à ce que l'emploi, notamment chez nous, le savoir-faire de nos groupes et le potentiel acquis soient préservés et valorisés dans les discussions que nous conduirons.
De la même manière que nous nous sommes efforcés, avant la troisième phase de l'Union monétaire, de rééquilibrer, en prenant en compte, l'emploi, cette construction jusqu'ici trop centrée sur des préoccupations exclusivement financières, nous nous efforçons maintenant de rééquilibrer cette construction en ouvrant des perspectives industrielles. C'est le sens de notre démarche. Nous aurons, dans les mois qui viennent, mesdames et messieurs les députés, de nombreuses occasions d'en reparler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
Auteur : M. Gérard Bapt
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 décembre 1997