réforme
Question de :
M. Pierre Méhaignerie
Ille-et-Vilaine (5e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance
Question posée en séance, et publiée le 7 décembre 2000
M. le président. La parole est à Pierre Méhaignerie.
M. Pierre Méhaignerie. Monsieur le président, je voudrais dire à M. Gayssot que j'ai participé moi-même, entre 1993 et 1995, sous la présidence de M. Balladur, à deux comités interministériels sur la sécurité routière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Menteur, Gayssot !
M. Pierre Méhaignerie. Faire du débat sur la sécurité routière une question partisane me paraît vraiment déplacé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Le rapport publié hier par le conseil d'analyse économique que vous avez mis en place est particulièrement digne d'intérêt: il dresse un constat et il préconise un changement de stratégie en matière de politique de l'emploi, si l'on veut voir la France passer en dessous de 8 % de taux de chômage au cours des prochaines années.
M. René Mangin. Nous sommes déjà en dessous de 10 % !
M. Pierre Méhaignerie. D'abord, le constat. Deux éléments du constat appellent le Gouvernement à l'humilité. Le premier, c'est que le taux de chômage en France reste l'un des plus élevés d'Europe, alors que six des quinze pays de l'Union européenne ont déjà un taux inférieur à 5 %.
M. Jean-Pierre Dufau. Qui l'a fait baisser ? Pas vous !
M. Pierre Méhaignerie. Le seconde, c'est que, comme la rapport le démontre clairement, les allégements de cotisations sur les bas salaires réalisés entre 1993 et 1997 ont largement participé à la création d'emplois au cours des dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Dufau. Pourquoi avoir dissous alors ?
M. Pierre Méhaignerie. Quant aux mesures préconisées, permettez-moi de les citer rapidement.
Le rapport demande un assouplissement dans l'application des 35 heures, dispositif qu'aucun gouvernement européen ne s'est hasardé à adopter. («Absolument !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il demande aussi de laisser aux salariés la liberté de choisir entre le paiement d'heures supplémentaires et le repos compensateur.
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. Pierre Méhaignerie. Il remet en question le double SMIC. Il demande, en matière de taxation du capital, de réduire l'écart qui pénalise l'économie française et qui constitue pour cette dernière un handicap important pour les prochaines années. («Très juste !» sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Or nombre de ces mesures ont été rejetées par votre gouvernement.
M. le président. Monsieur Méhaignerie, posez votre question.
M. Michel Hunault. C'est intéressant, monsieur le président !
M. Pierre Méhaignerie. Alors, monsieur le Premier ministre, que vous déclariez à Grenoble que vous n'aviez pas de raison de changer de politique, la publication de ce rapport va-t-elle vous inciter à opérer les changements nécessaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, le rapport du conseil d'analyse économique, organisme qui siège auprès du Premier ministre, a été établi par des personnalités indépendantes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. François Vannson. C'est bien ça votre problème !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ces personnalités indépendantes, en particulier l'auteur principal de ce rapport M. Pisani-Ferry,...
M. Pierre Lellouche. Qui appartenait au cabinet de Strauss-Kahn !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... concluent à tout à fait autre chose que le donne à croire le résumé que vous en dressez. («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je reconnais, monsieur Méhaignerie, que c'est un gros rapport et que peut-être vous n'avez pas eu le temps de le lire. (Protestations sur les mêmes bancs. - Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. Allez , on a encore mal lu !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais moi qui l'ai lu, je puis vous dire que, bien évidemment, il n'appelle en aucun cas à un changement de stratégie. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Ce rapport commence par souligner que la situation obtenue en matière d'emploi est tout à fait exceptionnelle, que, depuis trois ans, 1,6 million d'emplois ont été créés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste) et que ce n'est pas le fait du hasard.
M. Gilbert Meyer. En tout cas, ce n'est pas dû aux 35 heures !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ensuite, ce rapport expose les raisons pour lesquelles, à son avis, des progrès ont eu lieu. Il insiste sur un certain nombre de points - et, pour ma part, j'y suis extrêmement sensible - liés à la fois à la politique de la demande et à celle de l'offre.
Il souligne, avec raison, qu'il faut continuer à réduire régulièrement les déficits,...
M. Bernard Deflesselles. Vous n'en prenez pas le chemin !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... poursuivre une politique monétaire favorable à la croissance,...
M. Gilbert Meyer. Nous sommes à l'opposé !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et faire le maximum - et nous nous y employons - pour assurer le retour à l'emploi des salariés les moins qualifiés. Ce rapport rend ainsi hommage aux mesures que nous avons prises pour alléger les charges pesant en particulier sur ces derniers.
M. Charles Cova. Vous avez fait faire deux rapports ? Un pour la gauche et un autre pour la droite ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce rapport demande également un redéploiement des dépenses de l'emploi vers la formation.
Enfin, il conclut, et c'est la logique principale de ce rapport, en précisant que pour qu'une économie avance bien et ait en perspective le plein emploi, elle doit avancer sur ses deux jambes, c'est-à-dire en s'appuyant à la fois sur une demande soutenue et une politique de l'offre équilibrée.
Bref, monsieur le député, ce rapport propose non un changement de cap mais un approfondissement de la politique menée.
Je vous remercie de nous avoir rendu hommage au travers de votre question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
Auteur : M. Pierre Méhaignerie
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 7 décembre 2000