Question au Gouvernement n° 2503 :
mer et littoral

11e Législature

Question de : M. François Goulard
Morbihan (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 14 décembre 2000

M. le président. La parole est à M. François Goulard.
M. François Goulard. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur une question qui a été évoquée hier, mais dont la réponse a été incomplète. Il s'agit de l'indemnisation des victimes de la marée noire causée par le naufrage de l'Erika il y a un an.
Nos régions atlantiques ont été profondément meurtries. Les préjudices écologiques et économiques ont été et restent considérables.
Comme vous le savez, des accords internationaux datant de 1992 ont prévu un fonds d'indemnisation, qui s'appelle le FIPOL, doté de 1,2 milliard de francs. Rappelons au passage que ces accords exonèrent de toute responsabilité les fauteurs de la pollution, à savoir les compagnies pétrolières. A ce jour, le FIPOL n'a, autant le dire, pas versé un seul franc aux victimes. Il a utilisé pour cela des moyens classiques: manoeuvres dilatoires, dossiers interminables à remplir, formulaires incompréhensibles, pièces justificatives à fournir toujours plus nombreuses.
Devant cette situation qui laisse dans un profond désarroi, quand ce n'est pas dans le plus total désespoir, toutes les professions concernées - les professions du tourisme, les professions des cultures marines, de la pêche -, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à vous ranger résolument du côté des victimes, en cessant d'espérer, comme on le lit parfois, qu'il restera des fonds dans le FIPOL pour indemniser l'Etat ? Etes-vous prêt à faire injonction au FIPOL de payer enfin ce qu'il doit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Bernard Accoyer. Elle n'a pas été très brillante sur ce dossier !
M. le président. Monsieur Accoyer !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur Goulard, sur le constat, vous ne trouverez ni au Gouvernement, ni parmi les élus, ni parmi les professionnels, ni parmi les habitants du littoral atlantique quelqu'un pour contester le constat que vous venez de dresser, un constat sévère pour le FIPOL, dont on peut dire, pour résumer, qu'il n'assume pas ses responsabilités et qu'il n'est pas à la hauteur des attentes qui ont été placées en lui. (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Les règlements internationaux prévoient pour ce sinistre une mobilisation du FIPOL à hauteur de 1,2 milliard de francs. A cette heure, on peut avancer une fourchette de 40 à 50 millions de francs qui auraient été versés, sinon par le FIPOL lui-même du moins par l'assureur du navire. Le FIPOL le conteste, nous dit que 80 millions de francs auraient déjà été débloqués. Soit. On est très loin, de toute façon, de ce qui est attendu par les professionnels, par les élus et par le Gouvernement lui-même, lequel a engagé, je dois le rappeler, plus de 800 millions de francs au titre du plan POLMAR.
Nous n'avons pas l'intention de relâcher notre effort, nous devons gagner la bataille contre la marée noire pour finaliser le nettoyage des côtes. Je vous rappelle que l'essentiel du linéaire côtier avait été traité avant la saison estivale, que l'effort a été sinon suspendu du moins ralenti durant la saison, et que nous avons devant nous des chantiers qui sont pour l'essentiel des chantiers plus techniques, qui mobilisent des professionnels et pour lesquels nous considérons qu'une centaine de millions supplémentaires pourrait bien devoir être débloquée, et ce dans une fenêtre de temps très courte, puisque nous ne souhaitons pénaliser ni les conchyliculteurs ni les paludiers. Nous devons travailler avant la fin du mois de mars.
Deuxième chose, nous devons accompagner les efforts des professionnels: les professionnels de la mer, les pêcheurs, les conchyliculteurs, les paludiers, avec la mobilisation de l'OFIMER qui, dans un premier temps, s'est mobilisé à hauteur de 50 % de ce qui avait été demandé au FIPOL, mais qui devra peut-être revoir à la hausse son intervention compte tenu des difficultés que nous avons avec celui-ci. Mobilisation aussi au profit des professionnels du tourisme: nous avons mis en place au printemps un dispositif, par le biais de la Banque de développement des PME. C'est un dispositif complexe, qui ne fonctionnait pas bien et que le secrétariat d'Etat au tourisme a revu avec les professionnels. Cela dit, nous n'avons à cette heure que quelques centaines de dossiers touristiques, la plupart d'entre eux devant encore être déposés compte tenu du fait que les comptes n'étaient pas consolidés pour nombre de ces acteurs touristiques. Nous devons absolument mobiliser ce dispositif simplifié par le biais de la BDPME.
M. François Goulard. Il faut le faire !
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous le redis, nous entendons bien mobiliser le FIPOL et obtenir la juste restitution au contribuable des sommes qui auront été mobilisées. L'Etat a annoncé qu'il passerait en dernier au FIPOL, ce qui ne veut pas dire qu'il se résigne à laisser assumer par le contribuable français ce qui doit être pris en charge par un dispositif d'assurance prévu pour cela.
Pour améliorer le dispositif, qu'il s'agisse de revoir le plafond d'indemnisation du FIPOL ou de simplifier les règles - qui sont, je suis d'accord avec vous, incompréhensibles pour le commun des mortels, car elles ne cessent de changer -, nous avons déposé dès le 15 février un mémorandum auprès du FIPOL, qui est en cours de négociation.
Il n'y a donc pas de résignation de la part du Gouvernement. Il souhaite accompagner les professionnels, mais il souhaite aussi que chacun assume ses responsabilités: l'Etat - et il l'a fait -, le pollueur - il est en train de le faire à la fois pour le traitement de l'épave, qui est terminé, et pour celui des déchets -, mais aussi le FIPOL, qui doit payer ce qu'il doit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. François Goulard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : aménagement du territoire et environnement

Ministère répondant : aménagement du territoire et environnement

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 14 décembre 2000

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