DOM : politique sociale
Question de :
Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 20 décembre 2000
M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.
Mme Christiane Taubira-Delannon. Je souhaite m'adresser à M. le Premier ministre à propos de ce qu'il est convenu d'appeler l'outre-mer, ces terres lointaines dispersées en trois océans, ces terres où existe la misère, et pas le misérabilisme, parce qu'une longue histoire d'oppression y a forgé des caractères obstinément joyeux, astucieux et combatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Monsieur le Premier ministre, nos pays ne sont pas tous égaux devant les ressources naturelles, mais la Guyane est si bien pourvue que la décence m'incite à ne pas m'appesantir. Cependant, nos pays sont tous riches d'une jeunesse éduquée, cultivée, vigoureuse. Ils sont tous prospères en créativité, dans l'économie informelle, dans l'artisanat, dans les arts et les métiers. Pourtant ils sont davantage engoncés dans des pratiques de subsistance et de survie que dans des dynamiques de développement durable.
Seules des politiques publiques centrales et territoriales fondées sur une économie rationnelle et inventive, des relations sociales équilibrées, équitables et détendues, une liberté culturelle salutaire, pourraient y remédier. La loi d'orientation pour l'outre-mer a ouvert des perspectives très innovantes et contient des mesures concrètes très attendues, comme leur date d'application.
Des inégalités se sont creusées. Ces sociétés ont toutes les raisons historiques, politiques, culturelles, de penser que votre gouvernement est particulièrement sensible à la nécessaire correction des inégalités de naissance qui condamnent parfois des génies à un destin médiocre, à des écarts de fortune qui projettent à la marge de nombreux talents et à la réparation d'accidents de parcours qui cassent les trajectoires de vies prometteuses. Ces sociétés attendent de vous des actes qui puissent témoigner d'une relation à l'outre-mer rénovée, marquée par le respect, la justice, la solidarité, à la mesure de ce que nos pays offrent à la France.
C'est en leur nom que je vous demande, monsieur le Premier ministre, par quels actes, par quels gestes vous entendez répondre à leur attente. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. Pour une réponse joyeuse, astucieuse et combative, la parole est à M. le Premier ministre ! (Sourires.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Madame la député, effectivement, quand, la semaine dernière, vous m'avez remis votre rapport sur l'activité aurifère en Guyane, je vous ai trouvée joyeuse, astucieuse et combative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Telle je vous retrouve sur les bancs de cette assemblée, en m'efforçant d'apporter les réponses que mérite votre question.
Pour répondre aux aspirations de nos compatriotes des départements d'outre-mer, les secrétaires d'Etat, Jean-Jack Queyranne, d'abord, Christian Paul, ensuite, ont préparé une loi d'orientation qui a été votée par le Parlement: elle vient d'être promulguée et comporte des mesures très importantes en faveur de l'emploi et du développement pour les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Cette loi vise également à assurer l'égalité sociale entre les départements d'outre-mer et la métropole. Or cette égalité sociale n'est pas encore pleinement réalisée. Ainsi, le montant du RMI versé outre-mer est inférieur de 20 % à celui de la métropole alors que le coût de la vie dans ces départements est souvent supérieur. Au moment où les départements d'outre-mer se voient dotés d'une loi destinée à aider leur développement, cet écart est plus que jamais injustifié. L'alignement du RMI doit donc être réalisé le plus rapidement possible.
Je vous annonce aujourd'hui qu'il le sera en deux étapes. D'abord, au 1er janvier prochain, dans une dizaine de jours environ, le tiers de l'écart sera comblé. A ce moment, le RMI, outre-mer, sera égal à 87 % de celui de la métropole. La deuxième étape, qui sera la dernière, c'est-à-dire celle de l'alignement complet, sera franchie dès le 1er janvier 2002, c'est-à-dire dans à peine plus d'un an, je tenais à vous le confirmer aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Ce sera une date très importante pour l'égalité sociale outre-mer en faveur de laquelle les différents gouvernements de gauche ont beaucoup oeuvré.
Le projet de loi d'orientation comportait aussi une disposition importante qui ne concernait que le département de la Réunion pour lequel était envisagée une bidépartementalisation, avec l'idée que la création d'un département au sud de l'île permettrait de mieux centrer le développement, donc de le favoriser. Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Christian Paul, a indiqué, lors de la discussion du texte que le Gouvernement était favorable à ce projet. Je le confirme très clairement aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Soisson. Vous l'avez retiré !
M. le Premier ministre. Cette réforme administrative pour l'aménagement du territoire de la Réunion sera mise en oeuvre dans la concertation et selon un calendrier adapté à son ampleur. Je suis convaincu qu'elle recueillera ainsi l'adhésion de tous ceux qui veulent le développement économique et social de l'île de la Réunion.
La loi d'orientation pour l'outre-mer constitue un dispositif complet et cohérent pour ces départements. Avec des mesures en faveur de l'emploi, du développement et de l'égalité sociale, un élargissement des compétences des collectivités locales, la possibilité d'adapter l'organisation administrative de chacun des départements d'outre-mer en fonction de ses réalités et de ses aspirations, cette loi marque bien une étape importante pour nos compatriotes des départements d'outre-mer, attachés à la reconnaissance de leur dignité, de leur égalité et de leur identité dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
Auteur : Mme Christiane Taubira
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 décembre 2000