Question au Gouvernement n° 2518 :
politiques communautaires

11e Législature

Question de : M. Daniel Paul
Seine-Maritime (8e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 21 décembre 2000

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul. Compte tenu du temps restant à votre groupe, monsieur Paul, il serait souhaitable que vous puissiez être assez bref.
M. Daniel Paul. Monsieur le président, je m'associe, bien évidemment, à ce qu'a dit M. Lefort au sujet de la suppression de la CSG sur les bas salaires.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce matin, à Bruxelles, vous avez présidé, madame la ministre, un conseil européen des ministres des affaires sociales. Force est de reconnaître qu'avec le traité de Nice, la présidence française de l'Union européenne s'achève sans que de réelles réponses aient été apportées à la crise que connaît la construction européenne dans le domaine social. L'Europe des marchands, inspirée par la doctrine libérale, a montré toutes ses limites. Le chômage continue de frapper des millions d'Européens, surtout parmi les jeunes et les femmes, et 18 % des citoyens européens vivent dans la pauvreté. Le plein-emploi, encouragé par une politique européenne coordonnée en matière d'investissements publics, de formation professionnelle et d'égalité des chances, devrait pourtant constituer la principale priorité de l'Union européenne.
Il faut bien le reconnaître, cette Union, sous la présidence française, n'a pas connu de tournant décisif en faveur de l'affirmation d'une Europe sociale, et ce faute de réelle volonté politique. Ainsi, la charte des droits fondamentaux, qui avait suscité tant d'espoirs, est bien en deçà des exigences citoyennes exprimées lors des travaux préparatoires. C'est une conception libérale et donc minimaliste des droits économiques et sociaux qui s'est imposée. Une seule preuve: le droit de grève a été reconnu in extremis. Quant à l'agenda social, il manque cruellement de perspectives, de souffle, si j'ose dire. Cette frilosité de l'Union européenne contraste avec le dynamisme et l'arrogance dont elle fait preuve lorsqu'il s'agit de démanteler ou de déréguler des entreprises de service public.
Madame la ministre, nous persistons à penser que la solution à la crise de l'Union européenne passe par la construction d'une Europe sociale. Dans cette perspective, comment, au-delà de cette présidence française, comptez-vous marquer l'attachement de la France à la mise en oeuvre d'une telle orientation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, c'est vrai, l'Europe sociale est en retard par rapport à l'Europe économique et à l'Europe monétaire. Ce retard, il faut le rattraper.
Mais si l'on regarde d'où nous venons et ce que nous avons fait depuis trois ans, je peux vous dire qu'on peut porter sur l'Europe sociale un regard autrement plus optimiste que celui que vous venez de porter. Nous avons fait en particulier de gros progrès grâce à l'impulsion donnée depuis 1997 par le Premier ministre, qui a demandé et obtenu l'introduction d'un chapitre emploi dans le traité d'Amsterdam. La charte des droits fondamentaux, quant à elle, réunit pour la première fois dans un seul texte, et sous une forme claire et lisible, des droits politiques, civiques et sociaux. Ce n'est pas rien d'avoir dans ce texte la liberté d'association,...
M. Yves Nicolin. Si, ce n'est rien !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... la liberté syndicale, le droit au travail, le droit à l'information et à la consultation des travailleurs, le droit à la négociation, le droit de grève, le droit à l'aide sociale et le droit au logement.
M. François Loncle. Très bien !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Quant à l'agenda social approuvé à Nice, je ne partage pas votre point de vue, monsieur le député. Car il nous permet de disposer d'une feuille de route pour les cinq ans qui viennent, avec des objectifs précis, un calendrier précis et des actions concrètes à mettre en oeuvre.
M. Yves Nicolin. Baratin !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Quant au bilan de la présidence française, je crois qu'il est sans précédent. Nous avons fait adopter deux stratégies européennes, l'une sur l'emploi et l'autre sur la lutte contre l'exclusion. Nous avons fait adopter trois programmes, financés par les fonds européens: contre les discriminations, contre l'exclusion - 70 millions d'euros - et pour l'égalité entre les hommes et les femmes - 50 millions d'euros.
Mme Odette Grzegrzulka et Mme Yvette Roudy. Très bien !
M. Franck Dhersin. Ce n'est rien, tout cela !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons aussi fait adopter cinq directives, fait absolument sans précédent: la première contre les discriminations, la deuxième pour la protection des salariés qui travaillent sur des échafaudages, la troisième contre les accidents du travail dus aux vibrations - ce texte était en discussion depuis sept ans (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) -,...
M. François Guillaume. Zéro !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... la quatrième sur le temps de travail dans l'aviation civile, la cinquième, enfin, adoptée ce matin même, sur la société anonyme européenne, après l'accord politique conclu au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement après, là encore, l'intervention personnelle, à plusieurs reprises, du Premier ministre.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce dernier texte va permettre aux entreprises européennes d'économiser 30 milliards d'euros par an, parce qu'elles n'auront plus à remplir certaines formalités administratives, et aux travailleurs d'être impliqués.
J'aurais aimé que nous puissions adopter la directive dite «Renault-Vilvorde». Ce matin, j'ai pu constater qu'il y avait une majorité qualifiée sur ce texte, contrairement à la situation d'il y a encore un mois. Seule une objection de procédure formulée par le Royaume-Uni nous a empêchés de le faire adopter. Mais il le sera sous la présidence suédoise.
Enfin, il est un point sur lequel je suis d'accord avec vous, monsieur le député: le Gouvernement ne se résignera pas à la suppression des exonérations de CSG et de CRDS, qui va priver, à partir du 1er janvier prochain, neuf millions de salariés de l'augmentation du pouvoir d'achat qui avait été décidée par le Parlement. Nous trouverons une solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Didier Boulaud. Mesdames, messieurs de l'opposition, vous êtes les fossoyeurs du peuple !
M. le président. Mes chers collègues, il me semble qu'il y a une certaine tension sur ces bancs.
M. André Schneider. C'est l'approche des vacances !
M. le président. J'aimerais qu'elle se calme. Il vous reste encore quelques jours à patienter. (Sourires.)

Données clés

Auteur : M. Daniel Paul

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 décembre 2000

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