Question au Gouvernement n° 2581 :
fonctionnement

11e Législature

Question de : M. Philippe Houillon
Val-d'Oise (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 24 janvier 2001

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.
M. Philippe Houillon. Madame la garde des sceaux, le monde judiciaire est en ébullition. Après les avocats et les greffiers, voilà que - fait sans précédent - les magistrats descendent à leur tour dans la rue et jettent des codes place Vendôme comme les agriculteurs déversent des choux devant les préfectures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) C'est par centaines qu'ils sont venus manifester leur ras-le-bol et leur lassitude. Mais vous n'étiez pas là ! (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) On vous disait pourtant davantage ouverte au dialogue que votre prédécesseur. Peut-être est-ce pour cause de campagne électorale à Morlaix que vous aviez, ce jour-là, déserté votre ministère ?
L'application difficile de la loi sur la présomption d'innocence, la douloureuse mise en oeuvre de la réforme des tribunaux de commerce, et, d'une manière générale, l'absence totale de prévision, parachève l'entreprise de désorganisation de notre justice qui, aujourd'hui, ne fonctionne plus. C'est grave. D'autant plus que cette situation a des conséquences directes sur la sécurité quotidienne des Français. Chaque jour, en effet, nous apporte son lot de faits divers: attaque de convoyeurs de fonds, assassinat de policiers, cavalcade d'un meurtrier fugitif, menace terroriste du groupe Armata Corsa sur des élus de la nation. Cette nuit même, le palais de justice d'Annecy a été plastiqué.
Face à la montée du sentiment d'insécurité, la justice piétine et favorise de façon inacceptable le sentiment d'impunité qui, lui-même, fait le lit de l'insécurité. La justice et la sécurité, madame la ministre, ne sont pas des patates chaudes que l'on peut se renvoyer de ministre en ministre. Etes-vous bien consciente de votre importante responsabilité pour notre pays ? C'est aujourd'hui, et pas en 2002, qu'il faut s'en préoccuper.
Cela fait maintenant des semaines que nous vous enjoignons, sans succès, de prendre les mesures qui s'imposent. Nous vous reposons donc, avec la plus grande insistance, la question: «Avez-vous la capacité, maintenant, d'apurer le passif de votre prédécesseur et, à défaut, quelles conséquences en tireriez-vous ?» (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez posé beaucoup de questions. («Non, une question !» sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je répondrai à celle concernant les moyens de la justice.
D'abord, un bref rappel: entre 1998 et 2001, sous le gouvernement Jospin, avec Elisabeth Guigou, on a créé 729 postes de magistrat; sous les gouvernements Balladur et Juppé, avec MM. Méhaignerie et Toubon, soit quatre années de budget aussi, il n'y a eu que 183 postes créé. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Arnaud Montebourg. Malhonnêtes !
M. Jean Auclair. L'histoire, on la connaît. Répondez à la question !
Mme la garde des sceaux. Il faut aussi compter les arrivées nettes sur le terrain. Quand on s'occupe de magistrats, on parle d'anticipation, de formation. On ne forme pas un magistrat en deux mois, en six mois, en un an. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) On anticipe les formations. Sont arrivés sur le terrain, en quatre ans, compte tenu des retraites, 606 magistrats contre 277 au cours des quatre années précédentes. (Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
J'ai d'énormes difficultés avec les greffiers, c'est vrai. Parlons des recrutements: en 1996, 69 postes; et en 1997, zéro ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons donc été obligés de créer - Elisabeth Guigou s'était engagée à le faire, il y a trois ans, et elle a réussi - une surcapacité à l'Ecole nationale de la magistrature dont les capacités d'accueil ont été augmentées de 30 % pour répondre aux besoins. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Auberger. Le désordre actuel, c'est vous !
Mme la garde des sceaux. C'est une question d'anticipation. Je suis en train, parce que le Premier ministre me l'a demandé, de préparer l'état de la justice, non pas pour 2002, mais pour 2003, 2004, 2005 et suivantes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Auberger. C'est ridicule !
Mme la garde des sceaux. Il faut savoir anticiper les départs en retraite. La justice, comme la police, souffre du fait qu'en France, on n'a pas voulu gérer les carrières, on n'a pas voulu anticiper la démographie (Huées sur les bancs du groupe socialiste) et on se trouve aujourd'hui face à une pénurie. Nous ne pouvons pas l'accepter. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Pourquoi les magistrats manifestent-ils place Vendôme, ce qu'ils ne faisaient pas auparavant?
M. Alain Juppé. A cause de moi, bien sûr !
Mme la garde des sceaux. C'est parce qu'ils ont de l'espoir. Ils ont l'espoir qu'on continue ce mouvement et on le continuera ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Dans trois ans, il y aura 600 magistrats de plus sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
M. Franck Borotra. Démago !

Données clés

Auteur : M. Philippe Houillon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 janvier 2001

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