Question au Gouvernement n° 264 :
ex-Yougoslavie

11e Législature

Question de : M. Daniel Marcovitch
Paris (19e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 17 décembre 1997

M. le président. La parole est à M. Daniel Marcovitch, pour une très courte question.
M. Daniel Marcovitch. Monsieur le Premier ministre, les déclarations de Mme Louise Arbour, procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, publiées samedi dernier par un grand quotidien du soir, mettent gravement en cause le gouvernement français. Mme Arbour reproche à notre pays et, semble-t-il, à lui seul, de ne pas coopérer comme il le devrait avec le Tribunal dans la recherche des criminels en vue de leur transfert à La Haye, et surtout d'empêcher les témoignages que pourraient apporter les officiers français ayant servi en Bosnie.
De son côté, le secrétaire général de l'Alliance atlantique, M. Javier Solana, a rappelé, hier lundi, que les règles d'arrestation des criminels sont les mêmes pour tous les alliés engagés dans l'opération SFOR. Il a déclaré: «La première responsabilité de traduire ces criminels devant le Tribunal pénal international revient en priorité aux musulmans, croates et serbes.» «Tous les alliés», a-t-il ajouté, «partagent la même détermination pour que les criminels de guerre soient remis à la justice».
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous apporter à la représentation nationale et au groupe socialiste, qui a soutenu en son temps les efforts engagés par un gouvernement précédent en 1992 pour obtenir la création de ce TPI, les éclaircissements qu'exigent les commentaires critiques faits par Mme Arbour et préciser le sens qu'il convient de donner à la déclaration de M. Solana ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, je comprends que l'opinion et la représentation nationale se soient émues légitimement de la gravité des accusations qui ont été portées contre les autorités publiques françaises et contre les soldats français par le président du Tribunal pénal international.
Je voudrais rappeler, comme l'a souligné auprès de Mme Arbour le ministre des affaires étrangères, qui n'est pas présent aujourd'hui en raison d'une réunion de l'OTAN, la contribution essentielle qu'a prise la France à l'origine dans la création du Tribunal pénal international. Je voudrais rappeler le rôle moteur de la France dans le rétablissement de la paix dans l'ex-Yougoslavie.
M. Jacques Myard. Et le rôle de Chirac !
M. le Premier ministre. Je voudrais rappeler le tribut payé par nos soldats pour ce rétablissement de la paix: 70 morts, 700 blessés. Je voudrais rappeler l'enjeu fondamental que représente la poursuite des opérations de maintien de la paix pour notre pays, pour la communauté internationale et pour les populations de l'ex-Yougoslavie.
Sur l'imputation la plus grave qui a été publiquement portée par Mme Arbour et qui concerne l'arrestation des criminels de guerre, je voudrais dire ici solennellement le caractère inacceptable des allégations selon lesquelles les criminels inculpés par le Tribunal pourraient se sentir en sécurité dans le secteur de la SFOR contrôlé par le contingent français.
M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
M. le Premier ministre. La France s'est constamment prononcée pour que tous les criminels impliqués soient livrés au Tribunal. Tout doit être entrepris dans ce but. La France participe pleinement aux efforts déployés sur le terrain pour y parvenir. Elle y participe autant que les autres pays concernés et d'ailleurs en étroite relation avec eux dans les instances qui conviennent sur ce plan - certains savent à quoi je pense. Les militaires français présents en Bosnie font partie de la SFOR sous commandement OTAN et j'ai été heureux de voir le secrétaire général de l'OTAN, Javier Solana, rendre hommage à ce que font nos soldats français dans la zone qui leur est impartie au service de la paix.
J'en viens au second point, qui n'a pas la même gravité, même s'il pose des problèmes importants, car il relève non pas d'une imputation scandaleuse mais d'un débat qui peut avoir lieu sur les conditions dans lesquelles la France entend coopérer avec le Tribunal pénal international. La coopération entre la France et le TPI se déroule selon les principes fixés par la législation française dès 1995. Les démarches de coopération adressées à des ressortissants français sont envoyées par le procureur aux autorités françaises. Le contenu et les destinataires des demandes de coopération relèvent naturellement du secret de l'instruction. Dans ce cadre, les services du procureur ont déjà pu procéder à l'audition d'une trentaine de responsables publics français, dont des officiers généraux. Mme Arbour a d'ailleurs reconnu, dans les entretiens qu'elle a eus avec le ministre des affaires étrangères, les progrès de cette coopération et elle a souhaité que celle-ci s'amplifie encore. La France est prête à poursuivre les discussions sur les modalités de cette coopération dans le cadre de relations qui doivent être nécessairement de confiance avec le Tribunal pénal international. J'évoquerai cette question avec le Président de la République.
Mesdames, messieurs, soyez assurés que, à nos yeux, aucun criminel de guerre ne doit échapper au jugement. Aucun crime ne doit rester impuni. La France est résolue à agir en ce sens avec ses alliés et avec les procureurs du Tribunal pénal international. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur plusieurs bancs du groupe communiste, et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Daniel Marcovitch

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 décembre 1997

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