bénéficiaires
Question de :
M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 28 mars 2001
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe communiste.
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, à l'évidence, le pays a envoyé un message fort au Gouvernement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et à la majorité à l'occasion des récentes élections municipales et cantonales.
Ce message vient essentiellement du monde du travail, des quartiers populaires, des jeunes, qui ne peuvent se satisfaire de statistiques parlant d'embellie quand, eux, continuent d'étouffer de mal-vie. C'est à l'aune de la réalité vécue au quotidien qu'ils disent leur mécontentement et leurs impatiences en se réfugiant massivement dans l'abstention. Ils se sentent un peu trop les oubliés de la gauche, alors que la croissance est là et que les profits financiers sont insolents.
Le Gouvernement doit entendre le message des urnes. Il faut y répondre par des mesures concrètes telles que l'augmentation significative des salaires et du SMIC, celle des minima sociaux, la transformation des emplois-jeunes en emplois stables, la mise en place rapide de l'allocation autonomie pour les jeunes, la garantie de la retraite à soixante ans face aux attaques du MEDEF, la revalorisation des pensions, le renforcement des droits des salariés pour que leur dignité soit respectée et pour qu'ils soient des citoyens à part entière à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise.
Bref, il faut donner à chacun des possibilités nouvelles pour participer aux choix de la société et du pays, de sa région et de sa ville. Toutes celles et tous ceux qui ont mis tant d'espoir dans la politique nouvelle engagée en 1997 attendent des réponses urgentes pour retrouver la confiance.
M. Lucien Degauchy. Quel réquisitoire !
M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, à la veille du séminaire gouvernemental, pouvez-vous nous dire vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, je ne suis pas sûr des leçons immédiates qu'on peut tirer de ces élections locales. Les Français voteront de plus en plus en fonction de la nature des élections (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et projeter les unes sur les autres m'apparaîtrait imprudent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je crois que, dans ces élections municipales, les messages ont d'abord été adressés aux candidats dans les villes où ils se présentaient devant les électeurs.
M. Bernard Deflesselles. Comme à Blois !
M. le Premier ministre. Mais vous avez centré votre propos sur les problèmes que peut poser dans notre pays, et particulièrement pour un responsable de gauche, l'abstention plus forte que l'on constate dans la jeunesse et dans les milieux populaires; je ne veux pas fuir cette question.
L'abstention plus forte dans les milieux populaires, les milieux défavorisés et plus encore chez les exclus et dans la jeunesse, est un phénomène qui dure depuis longtemps et qui frappe tous les pays développés, certains plus durement même que le nôtre. Il faut noter aussi qu'elle s'est manifestée de façon différenciée. Elle n'a pas empêché, que je sache, de conquérir Paris, Lyon ou Dijon. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Au contraire, on a constaté à Paris, tant l'enjeu était clair et la campagne digne de ce nom, que la jeunesse et une bonne partie des milieux populaires se sont mobilisés au second tour.
M. Charles Cova. Grâce au PACS !
M. le Premier ministre. En tout cas, une majorité comme la nôtre et un gouvernement comme le mien ne peuvent rester indifférents à cette situation. C'est pourquoi la première priorité de ce gouvernement, en dehors du service de la France et de l'intérêt général, a bien été d'agir en faveur des milieux populaires: 1 500 000 emplois créés, un million de chômeurs en moins, c'est un changement pour les milieux populaires, notamment quand le chômage recule de 40 % pour la jeunesse et de 40 % pour les ouvriers qualifiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Le choix de la croissance plutôt que celui de la stagnation, c'est un choix en faveur des milieux populaires.
M. Patrick Ollier. Méthode Coué !
M. le Premier ministre. Les 35 heures, c'est non seulement des emplois créés, mais plus de temps de vivre, et ce sont ces milieux d'abord qui en ont besoin, parce que leurs conditions de travail sont plus rudes.
M. Francis Delattre. Et le gel des salaires ?
M. le Premier ministre. La couverture maladie universelle, c'est-à-dire l'accès aux soins pour 5 millions de personnes qui n'en bénéficiaient pas auparavant, c'est une mesure pour les milieux populaires.
Les emplois-jeunes, c'est une action qui a redonné du courage à la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous allons naturellement poursuivre cette politique dans les mois qui viennent avec, en matière fiscale par exemple, la baisse de la TVA, qui touche plus directement les milieux populaires, et celle de la taxe d'habitation, avec la prime emploi-jeune, avec la prestation solidarité-autonomie, qui permettra de répondre aux situations de dépendance des personnes âgées et des personnes les plus en difficulté.
Tous les problèmes qui expliquent ce désespoir, souvent, en tout cas ce détachement à l'égard de l'engagement politique, sont nés de quinze ans de crise et c'est pour les affronter que ce gouvernement s'est formé. Nous avons donc bien l'intention, monsieur le député, de tirer aussi ces leçons-là des élections municipales. C'est ce dont discutera le Gouvernement samedi et ce dont nous continuerons à discuter avec notre majorité, c'est-à-dire, car elle n'a pas changé à l'occasion de ces élections, avec la majorité plurielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
M. le président. Mes chers collègues, je comprends que vous ayez plaisir à vous retrouver. Mais si, d'un côté comme de l'autre, on pouvait prendre la résolution de donner une image un peu différente de notre assemblée, ce serait sans doute à l'honneur de la démocratie et du Parlement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Auteur : M. Alain Bocquet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : Premier Ministre
Ministère répondant : Premier Ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 28 mars 2001