politique agricole
Question de :
M. Pascal Clément
Loire (6e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 5 avril 2001
M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe DL.
M. Pascal Clément. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, je vous accuse de désinvolture. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
De mémoire, vous êtes le seul ministre de l'agriculture à avoir refusé de se rendre au congrès de la FNSEA (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), qui est le syndicat majoritaire de l'agriculture.
Je vous laisse le soin d'imaginer ce qu'il adviendrait à un ministre de droite qui refuserait, par exemple, de recevoir la CGT. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Sur le fond, monsieur le ministre, vous faites un choix politique, sur lequel je souhaite m'attarder quelques courts instants.
Ce choix consiste à effacer la cogestion, qui fut la manière de conduire l'agriculture aux progrès que nous connaissons depuis quarante ans.
Qu'avez-vous contre la cogestion, cette méthode de gouvernement, qui, avec l'unicité syndicale, a permis de traverser de façon humaine la plus grande crise qu'un secteur ait jamais connue en France depuis quarante ans ? Dois-je rappeler que 4 millions de paysans ont quitté leurs terres durant cette période ? C'est cette méthode qui a permis de le faire sans heurts, sans poujadisme, qui a permis les progrès qualitatifs extraordinaires de l'agriculture française. Or, vous n'en voulez pas. Il est parfaitement clair que nous traversons aujourd'hui une crise sans précédent - elle est conjoncturelle, elle n'est pas structurelle mais elle est sans précédent - avec l'ESB, la fièvre aphteuse. Pourtant, le ministre chargé du dialogue avec la représentation syndicale majoritaire s'inscrit aux abonnés absents.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Clément.
M. Pascal Clément. Votre attitude, monsieur le ministre, n'est-elle pas de nature à rendre le monde agricole encore plus désespéré, c'est-à-dire à vivre sous votre responsablité des dérapages que nous serons tous d'accord pour déplorer ? C'est cela en fait que vous êtes en train de fabriquer de vos propres mains.
Enfin, n'êtes-vous pas en train de refuser les conséquences de votre choix syndical qui consiste à soutenir contre la majorité des électeurs la Confédération paysanne et son leader, qui est aussi démagogue que délinquant...
M. Gérard Bapt. Oh !
M. Pascal Clément. ... et qu'ainsi vous n'ayez même pas le courage politique d'aller affronter le syndicat majoritaire en soutenant courageusement votre opinion, qui, malheureusement, est mauvaise pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous répondiez en quelques mots. (Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Mes chers collègues, suis-je condamné à répéter éternellement que le temps de parole est limité à cinq minutes par question ?
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mesdames, messieurs les députés, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du Premier ministre, qui vient de partir en déplacement officiel au Brésil.
Monsieur Clément, vous dites que mon attitude est désinvolte. Je serai tenté de m'en remettre à une parole d'expert... (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
Toutefois, vous avez une mauvaise mémoire. Certains ministres de droite ont connu parfois des relations conflictuelles avec la FNSEA - je pense à M. Cointat et à M. Méhaignerie.
M. Henri Emmanuelli. Tout à fait !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Il leur est arrivé de ne pas se rendre à ses congrès. Il faut dire les choses.
M. Henri Emmanuelli. Très bien !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Cela signifie-t-il que je remets en cause la cogestion ? Je vous réponds très tranquillement : oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je ne veux pas jouer avec les mots : dans notre démocratie d'essence parlementaire, le Gouvernement n'est pas responsable devant les organisations professionnelles, il est responsable devant le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) En tant que membre du Gouvernement, j'ai des comptes à rendre au Parlement, et non à des organisations professionnelles.
M. Jean-Michel Ferrand. Et à la CGT ?
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous gouvernons, non au nom d'intérêts particuliers, mais au nom de l'intérêt général...
M. Jean-Michel Ferrand. Ce n'est pas vrai !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et de la conception que nous avons de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Monsieur Clément, l'intérêt général, ce n'est pas l'intérêt des agriculteurs, plus celui des enseignants, plus celui des salariés, plus celui des chômeurs, plus celui des retraités.
L'intérêt général, c'est l'intérêt général de la nation,...
M. Jean-Paul Charié. Si seulement c'était vrai !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. ... sur lequel nous pouvons avoir, vous et moi, des conceptions divergentes, mais sur lequel nous ne pouvons transiger au nom d'intérêts particuliers.
Oui, je suis contre la cogestion du point de vue dont vous la décrivez.
Pour le reste, les choses sont simples : j'ai refusé de me rendre au congrès de la FNSEA parce que j'y suis déjà allé, que j'ai vu et que j'ai compris. Je ne vois pas d'intérêt, ni pour moi, ni, je vous le concède, pour la FNSEA, à me retrouver devant une salle de deux ou trois mille personnes qui me traitent de tous les noms d'oiseaux : « Menteur, voleur, salaud » - j'en passe, et des meilleures !
Ce n'est pas que cela me fasse peur, mais je n'en vois pas l'intérêt.
Le dialogue social doit être plus serein, et pour ce faire, il doit être fondé sur le respect de ses interlocuteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) La FNSEA est le syndicat majoritaire, et je respecte le fait majoritaire. Ma porte lui est toujours ouverte.
M. Jean-Paul Charié. Il est temps !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Ses responsables sont au ministère matin, midi et soir, et c'est très bien. Ne vous en faites pas, ils savent en user ! J'ai proposé à l'équipe dirigeante de la FNSEA qu'une sorte de séminaire ait lieu à l'issue de leur congrès, pour montrer qu'on peut travailler autrement que dans des séances de défoulement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean-Michel Ferrand. Cela s'appelle se dégonfler !
Auteur : M. Pascal Clément
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 avril 2001