Question au Gouvernement n° 2705 :
sécurité des biens et des personnes

11e Législature

Question de : M. Léonce Deprez
Pas-de-Calais (4e circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 18 avril 2001

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez, pour le groupe UDF.
M. Léonce Deprez. Monsieur le Premier ministre, au cours de votre récent et rapide déplacement dans le Nord de la France à Abbeville, visite que vous venez d'évoquer, vous avez certainement nettement ressenti les effets d'une certaine dégradation du moral dans l'opinion publique, dont la presse s'est fait largement l'écho. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Je veux insister sur le fait que, durant la même semaine, 12 000 habitants de la commune de Vimy, dans le Pas-de-Calais, ont dû évacuer leur domicile pour une dizaine de jours, se retrouvant ainsi dans une situation de désarroi. Bien entendu, le moral s'en est aussi ressenti dans la région.
Si j'insiste sur ce point, monsieur le Premier ministre, ce n'est pas parce qu'il y a eu un manque de solidarité - dans le Nord - Pas-de-Calais, la solidarité est un trait dominant des populations et de tous les élus -, mais pour vous poser la question.
En septembre 1997, le ministre de l'intérieur - M. Chevènement, ici présent - a fait à Arras une déclaration attendue et écoutée avec attention annonçant un plan global de destruction de toutes les armes chimiques, notamment celles remontant à la guerre de 1914-1918. Il avait annoncé la création d'une usine dite «Sequoia» destinée à mettre un terme aux risques que l'on courait toujours dans certaines régions de France et en particulier dans le Nord - Pas-de-Calais du fait des vestiges de la guerre.
Pourquoi, quatre ans après, l'usine n'a-t-elle pas vu le jour ? Pourquoi le dossier est-il toujours dans les cartons ? Croyez-vous que les habitants de Vimy et du Nord - Pas-de-Calais, après avoir entendu M. Chevènement il y a quatre ans et demi, peuvent encore croire dans la parole de l'Etat et de ceux qui nous gouvernent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Tempête de 1999, monsieur le député, naufrage de l'Erika, naufrage du Ievoli Sun, inondations dans plusieurs régions de France,...
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Arrivée des socialistes ! (Rires.)
M. le Premier ministre. ... ESB, fièvre aphteuse, à chaque fois que ces événements, ces crises se sont produits, nos concitoyens ont trouvé l'Etat, le Gouvernement, les services publics, les fonctionnaires d'autorité, mais aussi tous les personnels civils et militaires sur le terrain, y compris ceux qui, à Vimy, encore aujourd'hui, risquent leur vie. Je pense donc que l'Etat, en France, remplit son rôle, de même que le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
J'ai été informé, le lundi 9 avril au soir, de risques très graves sur le site de Vimy, en raison d'une dégradation toute récente (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants). Vous ne devriez pas m'interpeller ainsi car je pourrais montrer les photos du centre de Vimy avant 1997, avant que nous ne procédions aux premiers aménagements ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Evitons donc les polémiques hâtives, surtout lorsque nous sommes encore en train de faire face aux problèmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Le lundi soir, j'ai donc été informé des risques que pouvait courir la population en raison de la dégradation toute récente de certaines caisses contenant des obus chimiques ou mélangés qui n'avaient pas été triés les années précédentes. Immédiatement, nous avons lancé les premiers travaux d'expertise pour savoir comment apprécier ces risques, comment agir. En même temps, en contact avec le préfet de région, le général-commandant de la zone, le préfet du département du Pas-de-Calais, tous les services de l'Etat, ceux de la sécurité civile comme ceux de l'armée, et les pompiers, nous avons commencé à mettre en place un plan pour permettre notamment l'évacuation d'une partie de la population.
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. En plein week-end de Pâques !
M. le Premier ministre. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas de savoir si c'est Pâques, mais si mes compatriotes courent un danger. Si c'est le cas, j'agis immédiatement et sans tarder ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Dès le lendemain, j'ai réuni le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense, le ministre de la santé, le secrétariat général du Gouvernement...
M. Bernard Accoyer. Pas de panique ! Restez calme !
M. le Premier ministre. ... et nous avons préparé l'action.
Le Gouvernement a décidé, dès le 12 avril, l'évacuation immédiate de la population.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Et l'usine Sequoia ?
M. le Premier ministre. Je comprends la gêne éprouvée par, non pas 12 000 personnes à Vimy, monsieur Deprez, mais 4 500 à Vimy et un peu plus de 12 000 dans différentes communes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), autant je comprends les préoccupations de la population du Nord et du Pas-de-Calais, déjà éprouvée par la guerre et qui en subit encore les séquelles, quatre-vingts ans après, au fur et à mesure que remontent à la surface du sol des obus de toute nature, population que je félicite pour sa maîtrise et sa discipline, mais, plutôt que de faire une annonce deux jours à l'avance,...
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Quatre ans !
M. le Premier ministre. ... au risque de créer un sentiment de panique, je préférais que toutes les forces de sécurité soient mises en place pour sécuriser les habitations, accompagner l'évacuation et recueillir les personnes dans des établissements publics. C'est ainsi que nous avons procédé. Je pense que nous avons bien fait et que vous avez tort de polémiquer sur ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
Dans le même temps, une opération extrêmement difficile et complexe a été conduite par le service des démineurs et différents corps, notamment le génie militaire, afin de transporter les cinquante-sept caisses de munitions chimiques entreposées sur ce site et identifiées vers le site de Suippes, après les avoir préalablement réfrigérées, c'est-à-dire avoir «inerté» les gaz, ce qui veut dire que ni pendant le transport, ni maintenant à Suippes, ces munitions ne représentent un danger.
M. François Rochebloine. Quatre ans !
M. le Premier ministre. Le travail a commencé sur le site de Vimy, de façon à le desserrer, à descendre les caisses qui étaient empilées, à assurer la sécurité. La situation est parfaitement maîtrisée, et nous espérons bien tenir l'engagement que nous avons pris vis-à-vis de la population, à savoir qu'elle pourra retourner chez elle à la fin de cette semaine.
Voilà le travail accompli en urgence par le Gouvernement.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Et l'usine Sequoia ?
M. le Premier ministre. L'usine ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Rappelons d'abord, messieurs, que, si ce problème se pose à Vimy, c'est parce qu'en 1993 a été décidée la fin du pétardage en baie de Somme. On faisait auparavant exploser les obus classiques et les obus chimiques. Depuis que cela a été interdit, à votre époque, le centre de Vimy s'est transformé en centre de stockage plutôt que d'accueil et de transit. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Dès ce moment, l'usine Sequoia a été en projet. S'il n'a pas avancé à votre époque, pendant quatre ans, et si cette usine n'est pas encore aujourd'hui réalisée (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), c'est que c'est un projet extraordinairement complexe du point de vue industriel et du point de vue de la sécurité, mais il est clair que les événements de ces derniers jours doivent nous conduire à accélérer les décisions pour aller dans ce sens (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ce qui, néanmoins, ne sera pas aisé.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je pouvais apporter comme réponse à vos préoccupations. Nous continuons à traiter ce dossier avec maîtrise, dans le souci premier de la sécurité de la population et des salariés qui travaillent sur ces sites. Nous avons travaillé en urgence, efficacement, pendant le week-end de Pâques, parce que c'est alors que le problème s'est posé. Je pense que vous devriez plutôt nous en féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Léonce Deprez

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 avril 2001

partager